Dopage : "Le cyclisme est la discipline la plus surveillée "
Le médecin du sport Gérard Dine, spécialiste des questions de dopage, explique pourquoi le cyclisme est souvent la cible des agences de lutte contre cette pratique.
Le médecin du sport Gérard Dine est spécialiste des questions de dopage. En 1998, il a participé à l'élaboration du passeport biologique, qui permet à des fédérations sportives ou à des ligues professionnelles de suivre biologiquement leurs athlètes afin de lutter efficacement contre l'utilisation de produits dopants. Après l'arrestation de Rémy Di Grégorio mardi 10 juillet, il revient pour FTVi sur les liens entre cyclisme, dopage et Tour de France.
FTVi : Avec cette nouvelle affaire qui touche le Tour de France, on a le sentiment que le dopage est toujours au cœur du cyclisme…
Gérard Dine : C'est le paradoxe en France. Le cyclisme fait partie des disciplines sportives les plus professionnelles au niveau du passeport biologique et des pratiques préventives du dopage, tout comme le tennis, le ski et le rugby. Ces ligues professionnelles ou ces fédérations disposent d'un passeport biologique réellement aux normes. Le suivi des athlètes y est fait de manière sérieuse, régulière, avec une veille pointue et un interventionnisme permanent.
Pourquoi a-t-on cette impression que le cyclisme est le sport le plus touché par le dopage ?
Vous ne pouvez trouver du dopage que lorsque vous en cherchez. Au niveau de la lutte biologique préventive et des contrôles antidopage, l'Association française de lutte contre le dopage (AFLP) réalise des contrôles sur le territoire français de manière permanente et inopinée, quelles que soient les disciplines sportives. Cependant, il est clair que du point de vue des contrôles, le cyclisme est la discipline la plus surveillée.
Comment l'expliquez-vous ?
Le cyclisme pâtit du fait qu'il a été dans la ligne de mire des agences de lutte contre le dopage dès la fin des années 1990, à cause d'excès majeurs par rapport à ce qui s'est passé dans d'autres disciplines sportives.
Pourquoi a-t-on l'impression que les cyclistes qui se dopent sont plus inquiétés au moment de la Grande Boucle que le reste de l'année ?
Il y a eu une succession de scandales qui se sont malheureusement souvent déroulés autour du Tour. Mais personne n'a relayé des scandales bien plus graves dans le championnat de football italien, dans le cyclisme en Espagne, dans le ski de fond en Finlande ou dans le ski en Autriche. Le Tour de France est un des spectacles les plus médiatisés du monde. Il y a une forme d'amalgame ennuyeux entre dopage, cyclisme et Tour de France. Il y a également des problèmes sur le Tour d'Italie, mais l'impact du Giro est moins important que celui du Tour. Il n'y a pas 180 chaînes de télévision qui le retransmettent dans le monde ! Vous avez un effet de prisme qui est lié simplement à la réalité culturelle et médiatique qu'est le Tour.
Les agences de lutte contre le dopage ne ciblent donc pas particulièrement le Tour de France ?
L'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp), qui est intervenu mardi 10 juillet, a probablement un calendrier propre. A partir du moment où il va prendre les sportifs en flagrant délit, il va essayer de les coincer. Et quand il les coince sur le Tour de France, c'est tout de suite très spectaculaire. L'Oclaesp a récemment mis la main sur un trafic de compléments alimentaires frauduleux à partir de l'Espagne sur le territoire français, mais cette histoire a fait moins de bruit que l'arrestation de Rémy Di Grégorio.
Ce qui s'est passé mardi ne me surprend pas, cet épisode s'inscrit dans une lutte globale contre le dopage. On a l'impression que ces épisodes sont récurrents sur le Tour, mais cela fait partie du ressenti culturel que l'on a de cette compétition. Le Tour a un impact fantastique. Si un tel épisode avait lieu sur le Giro ou aux Jeux olympiques, on en parlerait, mais ça ne ferait pas la une.
Le fait que le Tour soit une course par étapes renforce-t-il la vigilance des agences ? Les coureurs vont être engagés pendant trois semaines. On peut donc penser qu'ils emmènent leurs produits avec eux…
La lutte contre le dopage ne dépend pas trop de la nature du Tour. En compétition, vu la nature des produits utilisés, les contrôles risquent d'être inefficaces. Mais il est vrai que les longues compétitions peuvent permettre de lutter contre le trafic de produits dopants. Les forces de l'ordre spécialisées profitent en effet de certaines compétitions sportives pour tenter de couper la relation entre le sportif sur le terrain et son environnement d'approvisionnement ou de surveillance scientifique, avec un cordon sanitaire. Si vous mettez ce cordon sanitaire entre le lieu de la compétition - le Tour ou les Jeux olympiques par exemple - et les organisateurs du trafic, vous pouvez le mettre à mal.
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