Du marathon de Paris à Beyrouth, elle court pour la paix
Il y a une dizaine d’années, elle n’avait pas la moindre idée des sensations que peuvent procurer la course. « J’ai toujours fait du sport, notamment du fitness en salle, puis beaucoup du vélo ». Mais la course à pied, Gloria Nasr l’a découvert « par hasard, en accompagnant une amie ». Le coup de foudre. « Je me suis vite aperçue que j’adorais la distance. Pour mon premier footing, à l’été 2002, j’ai couru 20 kilomètres ». Depuis, cette native du Liban n’a plus qu’une obsession : dépasser ses limites.
Moins d’un an plus tard, elle boucle son premier marathon de Paris, puis prend le départ de la première édition du marathon de Beyrouth. Le début d’une impressionnante série : Gloria s’aligne sur six, parfois sept courses de renom par an, dont le marathon de New York en 2007. Mais la plus belle, à ses yeux, c’est « incontestablement le marathon des Sables dans le désert (course en autosuffisance de 250km en 6 étapes dans le sud marocain, ndlr). Je l’ai couru deux fois, en 2010 et en 2012. Il y a une sorte de magie. Je me suis sentie complètement en osmose dans le désert. Le cadre est sublime. Pendant une semaine de course, on est complètement coupé du monde extérieur, on rencontre des coureurs de toutes les nationalités dans des conditions incroyables ». Et la plus difficile ? « Saintélyon (70 kilomètres, ndlr) que je n’ai courue qu’une seule fois en 2009. Il s’agit d’un raid nocturne entre Saint-Etienne et Lyon. Je n’ai pas aimé la nature du terrain et je suis tombée au kilomètre 30. C’était un de mes rares mauvais souvenirs de course ».
« Montrer que la volonté permet de faire des choses insurmontables »
Pendant toutes ces dix années et ces milliers de kilomètres parcourus, une idée trotte dans la tête du médecin-aventurière. Rejoindre Beyrouth depuis Paris. En courant. « J’ai longtemps pensé à ce projet, tout en me disant que c’était complètement farfelu. Puis un jour, je suis tombé sur un reportage à la télévision, à propos d’un coureur de transcontinental qui préparait Paris-Tokyo. J’ai réalisé que des gens osaient se lancer dans ce genre d’aventure… alors pourquoi pas moi ? » Fallait-il encore trouver le moment opportun. « En 2009, j’ai fait une formation de journalisme médical, dans laquelle on était évaluée en créant un site Internet. Je me suis servie de cette opportunité pour poser les bases de mon projet. C’était le début de la concrétisation ».
Ce challenge n’est pas dénué de symboles. « J’ai décidé de raconter mon histoire à travers ce projet », se justifie Gloria. « Je n’ai connu le Liban que pendant la guerre, j’avais 5 ans quand elle a éclatée, et quand je suis partie en France à 25 ans, elle venait de se terminer. Cette course représente donc un trait d’union entre mon pays adoptif, ma seconde maison, et mon pays natal meurtri par la guerre. Je cours pour la paix Je suis consciente que ma course ne réglera pas les problèmes, mais j’espère montrer qu’avec la volonté, on peut faire des choses qui semblent insurmontables ».
6 jours d’effort et 300 kilomètres par semaine
Amoureuse du « voyage » et de « l’imprévu », la coureuse se donne « entre 4 mois et 4 mois et une semaine pour arriver au Liban. De toute façon, je dois être rentrée pour le travail ! Pour cela, je me suis fixée 6 jours de course, et une journée de repos par semaine. En partant du camping-car le matin, je sais que je dois être arrivée 50 kilomètres plus loin le soir ». A deux jours du départ, elle promet se sentir « très bien mentalement ». Et physiquement ? « J’ai conscience du défi que représentent ces 5.000 kilomètres. Je me suis préparée en faisant un maximum de courses longues, avec beaucoup de kilométrage. En 2012, après le marathon des Sables, j’ai enchaîné avec Paris-Londres en courant, puis Lille-Londres un mois après, un peu plus court mais sur le même principe : parcourir chaque jour 50 kilomètres ».
Finalement, ces derniers mois, le plus grand défi était celui de l’organisation logistique. « J’en suis très fière, d’autant que j’ai monté ce projet toute seule. Je n’ai pas d’équipe autour de moi, juste une amie qui me donne un coup de main depuis 3 semaines […] J’ai aussi beaucoup galéré pour le financement. Malgré mon principal partenaire, la fondation libanaise Saradar, j’étais loin de boucler le budget. J’ai donc pris un crédit personnel pour pouvoir partir. J’ai aussi mis en place une collecte de fonds, qui a atteint 5000 euros grâce à des petites contributions. Ça fait chaud au cœur ».
Paris, « le plus beau des marathons »
Son grand départ, dimanche, Gloria le fera avec ses deux accompagnateurs, le chauffeur du camping-car « qui servira d’hébergement pour resserrer le budget au maximum », et un cycliste « qui me suivra sur toutes les étapes pour l’orientation et la sécurité ». Pas d’hôtel, rien que du camping sauvage. Ce qui n’empêche pas le parcours d’être minutieusement préparé : entre Paris et Beyrouth, son périple sera balisé tous les 10 kilomètres à travers l’Autriche, la Roumanie, la Turquie et la Syrie. A commencer par les 42 qu’elle courra dimanche, des Champs-Elysées jusqu’à la Porte Dauphine en passant par le bois de Vincennes.
« Tout le monde dit que le marathon de New York est le meilleur, pour l’ambiance, les spectateurs, la ville. C’est vrai, mais celui de Paris est le plus beau », explique-t-elle. « On passe par des endroits magnifiques. C’est une très, très belle course. Rien que le départ… Vous ne pouvez pas imaginer à quel point je suis heureuse de partir sur les Champs dimanche ! » Sans doute le sera-t-elle encore plus en posant le pied à Beyrouth, dans 4 mois.
Il sera possible de suivre en direct le défi de Gloria Nasr sur Le Marathon de Paris, à suivre sur Francetv Sport dimanche 7 avril à partir de 8h30.
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