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Editorial : quand le huis clos fausse la donne

La Bundesliga a lancé la tendance, les autres championnats devraient suivre le pas : le fameux avantage du terrain n'existe plus. Bien au contraire. Privées du soutien de leurs supporters en raison des mesures sanitaires pour prévenir les risques de contamination, les équipes évoluant à domicile, et donc à huis clos, sont désormais terriblement pénalisées. Avec cette reprise coûte que coûte, une partie des intérêts économiques a été sauvée. L'équité sportive, c'est beaucoup moins sûr.
Article rédigé par Julien Lamotte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3min
  (INA FASSBENDER / AFP)

81 365 êtres vous manquent et tout est dépeuplé. Le Borussia Dortmund, vidé de la capacité maximale de son Signal Iduna Park pour la réception du Bayern Munich, aurait pu détourner Lamartine. Rossés 4-0 au match aller alors que le Covid-19 n'avait pas encore envahi la planète, les joueurs du Borussia n'ont pas pu compter sur l'appui monumental de leur Mur Jaune pour prendre leur revanche. Battu (0-1) par une équipe du Bayern intrinsèquement plus forte, Dortmund, comme tant d'autres équipes de Bundesliga, et bientôt d'autres championnats, s'est retrouvé confronté à un néologisme en matière sportive : le désavantage du terrain.

Si les statistiques de cette reprise démontrent bien une chose, c'est que rien ne sert de connaître chaque centimètre carré de son vestiaire, chaque brin d'herbe de sa pelouse s'il n'y a pas de ferveur et de passion derrière tout ça. Sans public, l'équipe qui reçoit ne possède plus du tout d'avantage psychologique. Au contraire même, elle subit la pression du résultat et de la nécessité absolue de gagner vu qu'elle évolue chez elle. Autrement dit : peur de recevoir, peur de décevoir.

Dans les prochains mois, les clichés sur les "forteresses imprenables" vont certainement en prendre un coup. Peut-être même faudra-t-il parler d'exploit lorsqu'une formation parviendra à s'imposer à domicile ? On extrapole à peine. Sur les 45 matches joués depuis la reprise en Allemagne, seulement dix ont abouti à un succès de l'équipe qui recevait. La Bundesliga est donc passée d’un taux de victoire à la maison de 45% (sur les deux dernières saisons) à un famélique 22%. Même si, outre-Rhin, les équipes jouent, plus qu'ailleurs, pour gagner et non pour ne pas perdre, il n'y a pas de raison pour que les autres championnats ne subissent pas cette tendance. 

En terrain miné

Une tendance qui, à première vue, n'est pas si nocive. Quel mal y a-t-il à voir des équipes s'imposer à l'extérieur ? Le mal, justement, est pernicieux. Sans leur public, les clubs plus faibles ne peuvent plus se transcender et renverser les plus forts. Sans leur public, les clubs qui jouent leur maintien, notamment, seront d'autant plus amoindris. Sans leur public, les clubs qui devaient recevoir le Bayern, la Juve, le Barça ou Liverpool lors des matchs retours ont presque déjà perdu trois points. Bref, c'est toute la fin de ces championnats, et peut-être même le début de la saison 2020-2021 qui sont faussés par cette nouvelle donne. Mais l'équité sportive, l'UEFA et les grands décideurs s'en lavent les mains. Avec du gel hydroalcoolique.

En forçant la reprise du foot pro à huis clos, les instances dirigeantes ont certes limité leurs pertes grâce aux droits TV. Mais elles vont aussi précipiter la perte de nombreuses équipes et écorner la crédibilité de leur épreuve. Cela ne change pas grand chose pour les plus riches, assurés de leur supériorité footballistique à domicile et maintenant délestés de la menace d'une ambiance intimidante lors de leur déplacement. Comme le dit la chanson, les cadors on les retrouve toujours aux belles places. Même si elles sont vides.

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