Entre rap et one man show, le sprinteur handisport Timothée Adolphe veut briser les tabous sur le handicap
“Mon histoire de petit gars, avec de gros dégâts, collectionne les incidents : vaillant et inconscient. Décollement de rétine : je me plante mal. Juste après la cataracte, ma vue défaille. Perte de l'oeil droit, j'ai trois ans, mais ne m'apitoie pas.” Ce texte intitulé La Banane, écrit et rappé par Timothée Adolphe, parle de sa propre histoire, de son handicap et de sa vie avec sa déficience visuelle. Un texte engagé qui vise à faire tomber les tabous sur le handicap. “Les gens me demandent souvent comment je suis devenu aveugle. Alors, je me suis dit, plutôt que de le répéter, pourquoi ne pas écrire un morceau où j'explique les choses simplement. Et puis, souvent on a aussi cette image où les gens se disent "il est handicapé, le pauvre…”, explique Timothée Adolphe, sprinteur handisport de l'équipe de France.
“Pour moi, ma déficience visuelle n’est pas un handicap, c'est une différence ni plus ni mois. Et à partir de là, c'est à nous d'en faire une force”
“A travers ce morceau, je raconte mon histoire, mon handicap, mais je voulais aussi dire que ce n’est pas parce qu’on a un handicap, qu’on ne peut pas être heureux, avoir des envies, des projets et surtout, qu’on ne peut pas y arriver aussi”, souligne-t-il. Plus qu’une histoire de vie, c’est aussi un engagement de la part du sportif de vouloir informer le grand public. “Oui, ce sont des chemins semés d'embûches, mais c’est la même chose pour tout le monde. Une fois qu’on a compris que son handicap faisait partie de soi, la vie est plus simple. Pour moi, ma déficience visuelle n’est pas un handicap, c'est une différence ni plus ni mois. Et à partir de là, c'est à nous d'en faire une force”, poursuit-il.
L’athlète n’en est pas à son premier titre. Avant La Banane, Timothée Adolphe avait notamment sorti en 2019 Olympe, qui abordait sans surprise les Jeux olympiques de Tokyo en 2020. Timothée Adolphe sortira d’ailleurs en septembre un EP (un extended play, qui est un format musical plus long que celui du single ndlr) de cinq ou six titres, avant l’ultime étape, l’album.
La musique, son équilibre
Passionné par l’écriture, c’est par ce biais que Timothée Adolphe se tourne vers le Rap. Il n’a alors que 13 ans. “A l’époque, je ne connaissais rien en musique, aux temps, aux mesures. J’ai dû beaucoup travailler pour combler mes lacunes.” Plus qu’une passion, la musique fait partie de l’équilibre du quintuple champion d'Europe et recordman d’Europe du 100 et 200m. “Entre 2015 et 2016, j’ai mis entre parenthèse la musique pour me consacrer au sport. Les JO approchaient et je me suis dis qu’il fallait que je me mette à fond dans l’athlé. Mais cette période a été assez dure pour moi et j’ai compris que la musique faisait partie de mon équilibre”, confie-t-il. Si les JO restent sa priorité, Timothée Adolphe a toutefois besoin d’une bulle d’oxygène dans son quotidien d'athlète. “Si le sport est ma priorité, il me faut toutefois quelque chose à côté pour m'aérer. Evidemment, je ne vais pas faire des grosses séances de studio la veille d'une compétition. Il faut de l'organisation. La priorité, c'est le projet sportif, et la musique gravite autour.”
Un équilibre qui lui permet aussi de “prendre du recul quand il faut et de ne pas avoir toujours la tête dans le guidon” au niveau sportif. “Avoir d’autres projets à côté du sport me permet aussi, si je me blesse par exemple, ou que quelque chose de négatif arrive au niveau sportif, de ne pas me retrouver sans rien pour rebondir.”
Après cette parenthèse, Timothée Adolphe décide donc de reprendre la musique vers la fin de l'année 2018 pour ne plus jamais s’arrêter. Si un directeur artistique l’accompagne, ainsi que l’équipe des studios Leizart pour ses clips, Timothée s’auto-produit. Pour le moment, il ne sait d’ailleurs pas si sa musique lui permettra de générer quelques rentrées d’argent. Mais si ses productions attirent un public suffisamment nombreux, il a déjà en tête quelques idées de financement. “Ça pourrait me permettre de financer ma carrière sportive, même si j'ai la chance de faire partie des privilégiés car j'ai des partenaires qui me suivent. Cela pourrait aussi me permettre de soutenir d'autres athlètes ou des causes, et de rendre un peu ce qu’on m’a donné, comme à l’Association Les Chiens guides d'aveugles de l'ouest, qui m’a toujours soutenu dans ma carrière sportive. Ça peut être une façon de lui renvoyer l'ascenseur”, souligne-t-il.
Un one man show pour l'automne
Si souvent les sportifs ajoutent des cordes à leur arc, ils le font généralement après leur carrière sportive, une fois à la retraite. Mais, Timothée Adolphe, lui, court sur tous les terrain dès maintenant. Grand curieux du monde qui l'entoure, Timothée Adolphe multiplie les projets. En plus de sa carrière sportive et de la musique, le trentenaire finalise aussi un one man show. “Par le rap, je peux transmettre beaucoup de choses vis-à-vis du handicap. Mais il y a d’autres choses que je peux aussi transmettre par d’autres vecteurs comme le rire et l’humour. Là aussi, j’avais envie de découvrir cet univers.”
Ce spectacle, qui aura sa première le 29 novembre à Rambouillet (Yvelines), sera basé sur des anecdotes et mêlera le sport, le handicap et la musique. “Pendant plus d’une heure, je vais réunir les trois mondes avec humour, tout en apportant des clés sur le handicap, car beaucoup trop de choses ne sont pas encore connues dans la société à ce sujet”, précise-t-il. Un nouveau défi l’attend donc. Après avoir donné des émotions sur les pistes d’athlétisme aux spectateurs, Timothée Adolphe veut aussi en donner sur scène à son public. “La notion de faire rire peut passer par le texte, les mimiques ou des effets visuels. Et cela est encore plus un pied de nez, car on va se dire 'le gars ne voit pas mais il va quand même jouer sur ce terrain-là'”.
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