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Dans le centre équestre d'Hirson, entre "plaisir de remonter en selle" et nostalgie d'une ambiance de club

Depuis le début du déconfinement le 11 mai dernier, le sport en club et en pratique libre redémarre progressivement. Les gestes barrières, adaptés à chaque sport par les Fédérations concernées, changent considérablement la manière dont les différentes disciplines sont pratiquées. Troisième volet de notre série : au centre équestre d'Hirson, le respect des gestes barrières n'entrave pas le plaisir de remonter en selle, mais sape l'ambiance du club...
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
 

Ses baskets blanches sont déjà crasseuses. Mais Fanélie n'en a pas grand chose à faire : depuis le 11 mai, et après plus de deux mois d'arrêt complet, elle foule de nouveau le sable de l'Equival, club d'équitation de la ville d'Hirson dans l'Aisne(02). Ce jour là, elle donne cours à cinq enfants. 

"N'oubliez pas, faites attention à vos distances !" lance-t-elle en observant ses élèves de loin. Cette phrase, Fanélie l'a prononcée des centaines de fois au cours de sa jeune carrière de monitrice d'équitation, car il faut une distance minimum de sécurité entre les chevaux, surtout pour les très jeunes cavaliers. "Mais depuis la reprise, c'est devenu une priorité, affirme-t-elle. Avant c'était une mesure de sécurité parmi d'autres, là, on y fait bien attention, et on sent que les enfants aussi". 

Ses cinq élèves semblent effectivement particulièrement à l'écoute. Lorsque deux montures se rapprochent, l'un des deux finit par s'éloigner spontanément. Et même si parfois, les élèves ont tendance à se regrouper pour écouter les consignes d'un nouvel exercice, la monitrice demeure aux aguets : "Pendant que j'explique l'exercice, ne restez pas en groupe au milieu, éparpillez-vous". 

Groupes d'entraînement réduits

S'ils sont seulement cinq au cours de Fanélie, ce n'est pas un hasard. L'Equival a opté pour des groupes très réduits depuis le début du déconfinement, ainsi qu'un maximum de cours donnés sur la carrière extérieure. "Seuls un ou deux groupes par jour s'entraînent à l'intérieur, alors qu'ils sont six ou huit en temps normal le week-end" remarque Pierre, moniteur. Dans ses recommandations, la Fédération française d'équitation précise qu'il convient de privilégier les séances à l'extérieur. Mais le manège - une immense salle, à plafond très haut, dont la majorité de la surface est couverte par du sable équestre - est seulement séparé de l'extérieur "par des coupe-vents". "On n'y est donc pas vraiment à l'intérieur", assure Pierre. Le vent s'infiltre en effet très facilement par la grande entrée, et en ressort tout aussi facilement à l'opposé. 

Il est onze heures, l'entraînement de Fanélie prend fin. "Mettez-vous un à un, face à l'entrée, à cinq mètres l'un de l'autre", indique la monitrice. A cette étape, le protocole est très scrupuleux. C'est la délicate phase de transition entre deux groupes d'entraînement ; il ne faut donc pas que les nouveaux arrivants touchent des objets potentiellement infectés par les premiers. Avant que les premiers ne sortent, ils doivent patienter auprès de leur poney ou de leur cheval, le temps qu'Aline, palefrenière, s'occupe de la désinfection des étriers. "Je le fais à chaque fois que deux séances se suivent, explique Aline, enthousiaste. Je nettoie tout ce que l'élève a pu toucher : la selle, le filet, les parois... Et seulement après, le groupe d'élèves suivant peut pénétrer dans la carrière et prendre leur monture". 

 

Aline voit donc sa charge de travail sérieusement augmenter depuis le début du déconfinement. Mais elle n'y voit pas d'inconvénient : "On passe 45 minutes ou 1 heure à tout nettoyer tous les soirs. Mais franchement, on s'y habitue vite. On est une structure qui avons les moyens de mettre en place tous ces gestes barrières, c'est pour ça qu'on a eu l'autorisation d'ouvrir. D'autres n'ont pas eu cette chance, alors on ne va pas se plaindre".  

Retrouver les chevaux

Aline est avant tout heureuse de pouvoir à nouveau accueillir les fidèles du club. Comme le reste de l'équipe, elle a passé une partie de son confinement à s'occuper des chevaux qui restaient en pension à l'Equival. "Les propriétaires étaient inquiets de ne pas les voir pendant si longtemps, alors on leur envoyait régulièrement des photos, des vidéos" raconte-t-elle. Caroline est l'une de ses propriétaires. A présent, son sourire est radieux. Le déconfinement a d'abord été pour elle un soulagement. Elle a enfin retrouvé son cheval : "Il a changé ! D'habitude, c'est un monstre, très difficile à monter. Là, le confinement l'a rendu très doux, très calme ; c'est incroyable" s'étonne-t-elle. Même si ceux qui ont leur propre cheval ont pu monter quelques fois pendant le confinement - face à la demande pressante, comme de nombreux clubs partout en France, l'Equival avait mis en place des créneaux strictement individuels pour les propriétaires - rien n'égale à leurs yeux une vraie séance d'équitation au club. "Là, on s'y est remis, et ça se sent, rigole Caroline. Hier j'avais des courbatures partout, je marchais comme ça, les jambes arquées". 

Comme ils ont leur propre animal et leur propre matériel, les propriétaires viennent, montent, et repartent ; s'occupant de désinfecter - ou pas - leur propre matériel ; l'essentiel étant que personne d'autre n'y touche. Leur seul contrainte est de rester à cinq mètres des autres cavaliers pendant l'entraînement. 

"J'adore m'occuper des chevaux, les brosser, mais là on ne peut pas le faire"

Mais tous n'ont pas cette chance. Un peu plus loin, Elodie, 12 ans, les cheveux un peu fous après sa première séance d'entraînement post-confinement, n'a ni cheval, ni étrier.  Si elle est heureuse de reprendre les cours, il lui manque en revanche quelque chose d'essentiel : "Moi, mon moment préféré, c'est de brosser le cheval juste avant le cours. J'adore m'occuper d'eux. Il y en a à qui je fais des tresses parfois...Mais là on ne peut pas le faire". La brosse étant un objet partagé, l'Equival a décidé de confier, exceptionnellement, cette tâche au staff. Fanélie, la monitrice, le sait : "C'est un moment très prisé des enfants qui sont avant tout passionnés par l'animal en lui-même. Mais on ne peut pas faire autrement, ce serait trop risqué sinon". 

Une ambiance de club perdue 

Les gestes barrières privent ainsi les jeunes passionnés de quelques plaisirs non-négligeables. Mais le coeur de l'Equival ne bat pas uniquement dans ce sable humide et spongieux où trottent les chevaux. C'est en bordure des carrières, que ce soit à l'intérieur ou sous le manège, que vibre le club. "Normalement, un samedi, ils sont quinze ou vingt à se croiser, assure la monitrice Fanélie. Des parents qui viennent voir leurs enfants, des enfants qui attendent leur cours ou qui restent après le leur pour voir les autres monter..." Ce ballet des premiers jours de printemps n'a pas lieu cette année. Les mesures barrières l'en empêchent : il est indiqué aux adhérents qu'ils doivent arriver seulement vingt minutes avant les séances, et repartir vingt minutes après. Les parents sont censés déposer leurs enfants à l'entrée, et venir les récupérer une fois la séance terminée. Le tout est évidemment mis en place pour éviter les croisements de personnes et les attroupements.

"Je connais des filles qui passent tous leurs samedis à m'aider dans l'entretien des chevaux, sourit Aline. De 9h à 17h, elles sont là. Aujourd'hui, j'imagine que ça doit être difficile pour elles de devoir venir s'entraîner une heure puis de repartir" Il ne s'agit pas seulement des enfants. Une grande partie des 160 adhérents du club profitent de l'Equival pour socialiser. "Il faut bien imaginer qu'en été, les passionnés peuvent passer leur dimanche entier ici, ils ramènent leur pique-nique, discutent, montent à cheval, regardent les séances" raconte Pierre, moniteur.  

Une  bonne vingtaine de chaises et de banc en plastique gisent autour de la carrière extérieure, reliques d'un temps où l'Equival bruissait de monde. Cindy, mère de deux jeunes cavalières bien rodées, le regrette : "S'il y a bien quelque chose que les mesures barrières ont changé pour l'instant, c'est ça : l'ambiance du club est différente...Il y a comme de la tristesse". 

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