Prix d'Amérique : le jour où Helen Johansson est devenue la première et unique femme à triompher
Comme chaque dernier dimanche de janvier, la crème du trot international s’est réunie à l’hippodrome de Vincennes, à l’est de Paris, en ce 29 janvier 1995, pour le Grand Prix d'Amérique. Dans un univers majoritairement masculin, une tête sort des rangs et attise la curiosité. Au sulky de la jument Ina Scot, ce n’est pas son entraîneur et habituel driver Kjell P. Dahlstrom qui s’installe, mais sa femme Helen Ann Johansson, driveuse professionnelle également. "Mon mari a estimé que la jument aurait plus de chances avec moins de poids à tirer", déclare la Suédoise à l’arrivée d’une course qu’elle marque de son sceau.
La première femme au départ de l'Amérique
Avant le départ, la jockey de 33 ans entre déjà dans l’histoire en devenant la première femme à prendre le départ du Prix d’Amérique, la plus grande course de trot au monde, dotée d’un million d’euros en 2021. Pour autant, personne n’imagine la voir triompher quelques minutes plus tard. "Ina Scot a fait un mauvais échauffement et ils ont probablement pensé que c’était complètement sans risque, qu’elle ne serait pas à l’arrivée", se souvient Helen Johansson dans un entretien accordé en janvier 2020 au journal suédois Expressen.
Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que l’histoire est en marche. Sa jument a peu de références en France où elle vient de terminer assez loin dans le Prix de Belgique, la dernière course préparatoire à "La Belle". Ses résultats en Suède prouvent pourtant qu’elle mérite sa place sur la piste cendrée de Vincennes mais Ina Scot n’est pas la favorite. Cotée à 28 francs contre 1, les parieurs lui préfèrent l’autre trotteuse suédoise Queen L, sacrée deux ans plus tôt, ou surtout Vourasie, deuxième en 1994 et soeur d’Ourasi, l’un des meilleurs trotteurs de l’histoire avec ses quatre victoires dans le Prix d’Amérique.
Un prix porte son nom chaque dernier dimanche de janvier
Son départ est plutôt timide, placée en deuxième partie d’un imposant peloton de dix-huit chevaux à la conquête du Graal. Mais bien qu’assez éloignée de la tête de course, Helen Johansson jouit finalement d’une position idéale en prenant le dos de Vourasie. Autrement dit, la Suédoise est calée dans le sillage de la jument drivée ce jour-là par Bernard Oger, s’abritant ainsi du vent pour préserver ses forces.
Surtout, Ina Scot suit la favorite à la trace afin de suivre son attaque et éventuellement la contrer. C’est ce que Vourasie fera, comme prévu, dans le dernier tournant. Helen Johansson lance alors sa jument à sa poursuite avant de décoller de son sillage pour aller la cueillir d’un museau au poteau au terme d’un sprint éblouissant. La surprise est de taille dans la foule ébahie de l’hippodrome de Vincennes qui acclame la casaque rayée blanc et bleue aux manches rouges.
Grâce à sa victoire, la Scandinave se fait accepter dans ce milieu masculin qui, en hommage, crée un Prix Helen Johansson disputé, chaque année, le même jour que le Prix d’Amérique. « Les Français ont pris cela à cœur d'une très belle manière, se félicitait l’ancienne driver à Expressen. Aujourd'hui, j'ai une course qui porte mon nom lors de la journée du Prix d'Amérique et c'est tellement agréable. Vous êtes presque un peu émue à chaque fois que vous y pensez. »
Désormais salariée dans un cabinet comptable, Helen Johansson s’est éloignée du monde des courses hippiques. Son héritage demeure bien maigre puisqu’une seule femme a participé depuis au Championnat du monde de trot attelé, Catarina Lundström en 2003. Dimanche après-midi, dix-huit hommes s’assoiront au sulky pour se disputer les 450 000 euros promis au vainqueur de l’Amérique, quelques heures avant le Prix Helen Johansson, qui, vingt-six ans plus tard, attend toujours une successeuse.
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