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Eric Roy : "Peut-être que dans un mois l'Angleterre ne pensera plus du tout au football"

Un premier ministre Boris Johnson testé positif au covid-19. Un Royaume tout entier plongé dans le confinement national. Une Premier League suspendue jusqu'au 30 avril prochain au moins. Analyse de la situation britannique avec Eric Roy, directeur sportif de Watford et consultant football pour France tv sport.
Article rédigé par franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
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  (JEAN MARIE HERVIO / DPPI MEDIA)

Comment se passe votre confinement ?
Eric Roy
: "Comme vous le savez la Premier League est suspendue depuis maintenant quinze jours. Avant même le début du confinement, le propriétaire italien de Watford Gino Pozzo m'a appelé "Tu as vu ce qu'il se passe en Italie, nous sommes partis pour au moins deux mois de confinement, tu dois réfléchir là où tu veux les passer." Je suis donc rentré dans le sud de la France pour être avec ma femme, mes enfants. "

En tant que directeur sportif comment s'organise votre club de Watford ?
ER :
"En télétravail, je reste en contact permanent avec le club. Les joueurs sont chez eux. Le club met en place un encadrement physique et psychologique. En réalité, une structure s'est organisée autour des joueurs et du staff. La cellule performance leur concocte un programme adapté. Des gens sur place en Angleterre coordonnent tout ça. Notre priorité, c'est de suivre les joueurs au jour le jour."

En ce qui concerne votre fonction de directeur sportif ?
ER :
"Vous savez pour moi, cela ne change pas grand chose. je garde le contact avec le staff, mon président et les agents. J'ai l'habitude de faire tout ça par téléphone."

Quelles sont les perspectives ?
ER : "Pour être honnête, nous n'avons pas de vision à court et moyen termes, c'est difficile de se projeter. C'est pareil pour tous les clubs. En revanche, je suis persuadé que c'est indispensable de gérer au mieux cette période, afin de revenir le plus en forme possible. Si reprise il y a, il faudra être tout de suite opérationnel. Finalement le plus compliqué, c'est d'entretenir la condition physique. Mais vous savez, tout cela n'est valable que si le championnat reprend, ce qui n'est pas du tout sûr."

Justement la reprise est prévue le 30 avril même si toute l'Angleterre parle désormais d'une reprise le 3 juin...
ER : "La seule chose que l'on sait: notre championnat est suspendu jusqu'au 30 avril. Tout en ayant conscience que cette date peut être repoussée. Malheureusement nous sommes obligés d'adapter notre calendrier quotidiennement aux évolutions, aux décisions de la ligue. "

En Angleterre, les championnats au delà de la troisième division ne reprendront pas. Les championnats s'arrêtent. Qu'en pensez-vous ?
ER : "Vous savez, les Jeux olympiques ont été reportés, des nombreuses compétitions internationales sont annulées. Bien sûr que c'est compliqué de faire une croix sur une saison complète ou de figer un résultat sans être allé au bout. Personnellement, je ne sais pas quelle est la meilleure solution... Actuellement, nous vivons une période difficile. Notre métier n'est pas quelque chose d'essentiel par rapport à la situation sanitaire. Le football, c'est anecdotique. Il faut sortir le plus rapidement de cette crise. Après, nous aurons le temps de penser à notre sport, surtout quand tout ça sera terminé."

  (PAUL ELLIS / AFP)

Si la règle de l'annulation du championnat était appliquée à la Premier League, Liverpool ne serait pas champion d'Angleterre?
ER :
"Bien sûr que c'est anormal pour cette équipe. Surtout avec ce qu'elle a montré depuis le début du championnat. Les Reds sont largement au dessus cette année. Ça se traduit au niveau comptable, Liverpool a 25 points d'avance au classement. Ça sera très dur à vivre pour les supporters, les joueurs et Jurgen Klopp mais il faudra respecter les décisions qui seront prises." 

Comment l'Angleterre gère t-elle cette crise sanitaire du Covid-19?
ER : "Au départ, le gouvernement britannique a pris tout ça à la légère. J'étais encore en Angleterre quand il y a eu les premières déclarations politiques, j’étais choqué. Surtout quand tu voyais ce qu'il se passait en Italie, en Espagne et en France... J'attends de voir la situation dans un mois au Royaume-Uni. Peut-être que l'Angleterre ne pensera plus du tout au football."

Justement Eric Roy, le football n'est plus au centre des préoccupations ?
ER : "Pour être honnête, j'ai les yeux rivés sur les journaux d'informations. Il y a d'autres priorités que le football en ce moment...mais attention le football est un vecteur social très important. Il y a des régions qui vivent foot. C'est un échappatoire pour beaucoup de gens. J’ai vécu ça dans le nord de l'Angleterre à Sunderland, mais aussi dans le nord de la France à Lens. Bien sûr qu'en ce moment, il y a des choses beaucoup plus importantes mais le football devra jouer un rôle important après cette crise."

Une crise sanitaire avant une crise économique... 
ER : "Actuellement, les clubs se protègent au maximum, par exemple de nombreux clubs français passent au chômage partiel. Vous savez, les joueurs sont conscients de la situation actuelle. J'ai envie de croire qu'après cette crise, les populations européennes auront encore plus envie de vivre, de se divertir, de voyager. Le football aura alors un rôle à jouer."

La FIFA entend créer un fond de solidarité pour aider son sport ?
ER : "Face à une crise aussi importante, la FIFA doit insuffler un programme afin de sauver le football. Il ne faudra pas seulement compter sur cette organisation. Tout le monde va devoir s'y mettre: les fédérations, les ligues, les clubs et les joueurs ! Quand je parle des joueurs, je m'adresse aussi aux amateurs... S'ils veulent donner un coup de main, il faut qu'ils restent chez eux, surtout dans la triste période que nous traversons."

Propos recueillis par Arnaud Mattéoli

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