Cet article date de plus de quatorze ans.

Boisse : "Un beau championnat du monde"

Consultant escrime pour France Télévisions, l'ancien épéiste Philippe Boisse analyse l'échec du fleuret français et dresse un état des lieux des nations historiques et des nations émergentes. Après une période de domination exceptionnelle, la France est rentrée dans le rang et retrouve sa place autour du podium mondial.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
 

Q : Peut-on parler de déception pour le fleuret ?
R : "Non, le fleuret est une arme qui se reconstruit, qui n’avait pas fait de résultats significatifs. Là, c’est une équipe jeune. Elle a perdu son fer de lance, Adeline Wuillème, qui a accouché. On en a trois dans les seize. Elles font 5e par équipes après avoir perdu contre l’Italie en quarts. L’équipe italienne, c’est 1-2-3 aux Championnats du monde et 1-2-3-3 aux Championnats d’Europe (ndlr : il y a deux médailles de bronze en individuel). Elles les ont accroché pendant l’année mais ce n’est pas les battre aux Mondiaux. Elles payent surtout leur mauvais indice car elles étaient 9e du tableau ce qui leur a fait rencontrer les N.1. Par contre elles ont fait un gros match pour la 5e place en battant la Russie, une nation régulièrement médaillée."

Q : Est-ce une question de cycle ?
R : "Le fleuret féminin a toujours été le parent pauvre de l’escrime française. Il faut leur tirer un grand de coup de chapeau ainsi qu’au maître d’armes Franck Boidin qui les a remontés un petit peu. Un groupe se créé et arrivera à maturité dans deux à cinq ans. Il n’y a pas de génération spontanée en escrime."

Q : Où en est l’escrime française sur le plan mondial ?
R : "Nous n’avons plus le leadership comme ce fût le cas avant. Les pays de l’est se sont restructurés après la chute du mur de Berlin. Mais c’est vrai dans les tous les sports et on aura sûrement moins de médaille à Londres qu’à Pékin, Athènes ou Sydney. En Ukraine, en Biélorussie, au Kazhakstan, en Russie, et dans d’autres pays de l’est, le sport est redevenu une priorité nationale alors qu’après 89, la priorité était de manger… Et comme en Asie, le niveau est bien monté, on revient à une place qui est la notre, c’est-à-dire 2e, 3e, 4e et exceptionnellement premier. Il faut se faire à l’idée qu’on aura plus le leadership, que les quinze dernières années étaient exceptionnelles. Onze médailles à Nîmes, ce n’était pas normal. Les gens se sont habitués à voir l’escrime ramener dix médailles."

Q : L’exil de Maître Bauer en Russie est-il symptomatique d’un exode du savoir-faire français ?
R : "Non car ils sont finalement peu à être partis. On a la chance d’avoir des techniciens qui restent en France, même avec des salaires inférieurs à ce qu’ils pourraient gagner à l’étranger. Je crois que c’est beaucoup par amour de l’escrime mais si on leur proposait un projet sportif avec des moyens sans commune mesure avec ce qu’on propose en France, ils pourraient être tenté. Pour le moment, ils sont heureux de rester dans l’escrime française."

Q : Quelles sont les nations émergentes de l’escrime ?
R : "Celle qui monte actuellement, c’est la Corée. Elle a commencé il y a une dizaine d’années. Et là elle se structure un peu plus et ça se voit. Après, c’est surtout arme par arme que ça bouge. Le Japon se développe au fleuret avec l’entraîneur italien Andrea Magro. Ota a ainsi obtenu le bronze ici tandis que les filles sont pas mal. Le Kazhakstan arrive à l’épée. En fait, il n’y a que très peu de pays multi-armes. Il y a la France, l’Italie, la Russie et à un degré moindre la Hongrie et la Pologne. Les Etats-Unis ont eux accru leur présence grâce aux nombreux maîtres d’armes russes qui ont quitté leur pays pour l’El Dorado américain. La fédé américaine est la 2e dans le monde au nombre de licenciés. Au niveau universitaire, l’escrime peut donner droit à une bourse, c’est une démarche qualitative."

Q : Quid de Cuba ?
R : "Ils n’ont plus de moyen. Je me souviens qu’ils ressoudaient leurs lames cassées. Les anciens champions n’ont pas disparu mais ils sont maîtres d’armes en Espagne, en France. On ne les voit pas en dehors chez eux. C’est triste car ils ont d’énormes qualités. Mais ils peuvent toujours revenir car, par équipes, il suffit juste d’avoir quatre tireurs forts. Le Vénézuela a trois épéistes dans les quinze meilleurs mondiaux. Peut-être qu’un jour ils feront une médaille. Si on faisait un dix contre dix, la France serait imbattable car on a un plus grand réservoir et des maîtres d’armes de base, dans les clubs, qui ont des qualités et font découvrir l’escrime aux enfants."

Q : L’escrime, c’est comme en boxe une bonne école de la vie ?
R : "Ce sport a des vertus pédagogiques et il faut le mettre en avant. Quand on arrive, on dit toujours « bonjour Maître », on se salue, on se serre la main. Dans ces temps un peu difficile, c’est bien pour les parents de mettre son gosse à l’escrime car il aura des bonnes valeurs."

Q : Comment trouvez-vous ces Championnats du monde au Grand Palais ?
R : "C’est magnifique ! Le Championnat est beau et le public a répondu présent. Et puis il y a des médailles. Eric Srecki, le DTN, avait dit qu’on ferait entre quatre et six médailles. On est déjà à quatre. Maintenant, il faut utiliser cette vitrine pour amener les gamins à découvrir l’escrime. Je remercie France Télévisions de couvrir cet évènement. Les escrimeurs ne comprennent pas ce désamour alors que le service public a beaucoup investi malgré une grosse perte de parts de marché. C’est dans sa mission. Montrer de l’escrime entre les jeux, comme pour le judo, permettra aussi au public d’être mieux averti des finesses de ce sport. Il faut que les escrimeurs comprennent bien que les gens veulent voir un sport moins intelligent, comme le foot, que le leur."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.