Cet article date de plus de cinq ans.

Lucas "Cabochard" Simon-Meslet, joueur de League of Legends : "Ça a été beaucoup de compromis"

Lucas "Cabochard" Simon-Meslet est un joueur professionnel de League of Legends pour l'équipe française Vitality. Avant la finale des championnats du monde, il a répondu à nos questions sur son parcours, le quotidien d'un professionnel et la saison décevante de Vitality.
Article rédigé par Hugo Monier
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 10min
 

Lucas "Cabochard" Simon-Meslet fait partie des meilleurs joueurs français de League of Legends. Après avoir disputé les championnats du monde de LoL l'an dernier en Corée du Sud avec Vitality, c'est en tant que consultant en plateau qu'il assistera à la finale parisienne. Le joueur de 22 ans revient sur son parcours, la vie d'un joueur professionnel et la saison de Vitality. 

Quand a été votre premier contact avec League of Legends. 
L.S-M. : "Il a été assez tôt. J'ai débuté dès la première (2009) ou deuxième année. Un copain, avec qui je jouais sur un autre jeu m'en a parlé. J'ai fait une partie, puis deux, je m'amusais vraiment beaucoup. J'en ai parlé à mon frère et on a continué. Qu'on puisse évoluer avec mon frère, qu'on commence ensemble à zéro m’a beaucoup plu. Que ce ne soit pas lui qui me montre un nouveau jeu. On a pu commencer à un niveau équivalent et progresser ensemble.

A partir de quel moment avez-vous pensé à un avenir professionnel ? 
L.S-M. : "C'est venu pendant ma première ou ma terminale, quand j'ai fait ma première expérience de LAN (tournoi hors-ligne, où tous les joueurs sont physiquement présents au même endroit). Je suis allé dans un tournoi à Tenerife et là j'ai vu la scène sportive qui commençait à se créer. Quand je suis revenu de cette LAN, je me suis dit qu'il y avait un truc à faire. Ensuite je me suis donné les moyens d'y parvenir.

Quels étaient ces moyens? 
L.S-M. : "J'ai changé mon objectif. Je voulais être vétérinaire et quand je suis rentré de Tenerife, je me suis entraîné beaucoup plus pour essayer d'atteindre le plus haut niveau, d'aller jouer avec les personnes que j'avais vues. Prendre des conseils, regarder comment eux jouaient, comment ils s'entraînaient et essayer de copier tout ça. J'ai pu les rencontrer sur cette LAN et leur demander pour tout ce qui était en dehors du jeu, comment eux avait réussi à accéder à ça." 

Comment votre entourage a réagi quand vous avez décidé de tenter une carrière professionnelle ? 
L.S-M. : "Je ne leur ai pas dit "Ça, c'est fini, je passe à autre chose", même si dans ma tête c'était assez clair. Ma mère était concentrée sur les études, les diplômes, ce qui est normal. Lui parler d'un métier comme ça, dont elle n'avait aucune idée, ça a dû se faire étape par étape. Il fallait que l'école marche à côté pour que je puisse avoir accès à l'ordinateur, que je puisse jouer et m'entraîner. Ça a été beaucoup de compromis. Au début, ils ne comprenaient pas trop, ce n'était pas un métier pour eux."

Vous avez eu des moments de doute ? 
L.S-M. :
"J'ai eu des moments de doute, mais je ne me suis jamais dit que je n'y arriverai pas. Il y a eu une année où je n'arrivais pas atteindre le dernier palier, j'étais un peu en Ligue 2. Je n'arrivais pas à atteindre cette ligue européenne pour laquelle je m'étais acharné. Il y a des moments où on se dit qu'on a fait tout ça pour si peu, c'est l'enfer. Mais dans un coin de ma tête, je savais qu'il fallait remettre le couvert et que ça allait marcher."

Comment avez-vous fait pour passer ce cap ? 
L.S-M. : "Il y a un classement en solo. Quand tu démarres ta partie, tu vas être placé avec quatre autres joueurs ayant un niveau similaire au tien. Je me suis dit que si j'atteignais le plus haut palier de ce classement, j'allais forcément jouer avec les joueurs de la Ligue Européenne. Et finir par me faire remarquer. Quand j'avais beaucoup de défaites en équipe, je me suis dit qu'il fallait que j'atteigne la première place en solo. C'est comme ça que je me suis fait repérer.

Quel a été votre parcours pour atteindre Vitality ? 
L.S-M. :
 "Après cette année ratée, j'ai été repéré par une équipe russe en 2015 (Gambit). Elle était dans la ligue européenne. Ça a bien marché, j'ai fait mes débuts là-bas mais un an après ils ont décidé de vendre leur place dans la ligue. C'est à ce moment-là que Vitality est arrivé sur League of Legends, en rachetant leur place. Je suis resté avec eux."

Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir un joueur pro ?
L.S-M. : "Ce qui m'a toujours fasciné dans League of Legends, c'est que tu peux percer de différentes manières. Le fait que les cinq rôles soient assez différents, tu peux avoir ta place. Tu peux être très bon dans un rôle particulier, et percer grâce à ça. Certains vont demander de la réactivité, d'autre d'avoir une vue d'ensemble. Ce qui m'a intéressé pendant ces cinq ans de professionnalisme, c'est que j'ai pu voir différentes facettes en fonction de mes coéquipiers. Essayer de m'adapter à chaque fois à l'équipe. Forcément, à chaque nouveau collectif, la dynamique va changer. Il faut de la détermination, pouvoir se remettre en question vue comment la compétition est rude."

C'est quoi une journée-type pour vous ? 
L.S-M. :
"Quand on est à Berlin, on fait du sport trois fois par semaine, tous ensemble. Vers 9h30-10h. On rentre manger vers 12h, puis on joue en solo. Vers 14h30, 15h on se regroupe avec le coach, on fait un peu de méditation, des exercices de respiration et on évalue ce qu'on doit travailler. Les erreurs qu'on a faites la semaine d'avant par exemple, nos points faibles. L'entraînement en équipe dure de 15h à 20h généralement. A chaque fois, c'est une partie contre une autre équipe de la ligue européenne, puis une séquence de débrief. Avec une pause de dix minutes toutes les 1h30, 2h, par exemple pour sortir marcher. A 20h, on dîne puis un peu d'entraînement solo jusqu'à minuit, une heure.

Ce quotidien a évolué depuis vos débuts en pro ? 
L.S-M. :
"Énormément, je trouve que c'est ce qui a le plus évolué. Quand je me rappelle dans l'équipe russe, il n'y avait aucun horaire de travail, pas vraiment d'hygiène de vie, on mangeait un peu ce qu'on voulait, souvent des fast food. Il n'y avait pas d'infrastructure de sport, de développement de soi, d'exercices de respiration, ... Tout ce qui est prévu pour grandir en dehors du jeu. Et on voit que cela affecte comment tu te sens dans le jeu.

Vous sentez que ça a une influence sur vos performances ? 
L.S-M. : "Je pense, oui. Et au-delà de ça, il y a une prise de conscience de ma part de voir ce qui est bon pour moi en général. Dans ma vie de tous les jours, hors des compétitions, savoir ce qui va être bien pour que je sois dans un bon état personnel et ensuite dans un bon état pour jouer. On s'est pas mal inspiré des sports traditionnels. Ils ont beaucoup d'avance. On a introduit des anciens joueurs, on a eu dans l'équipe un ancien joueur de handball, un ancien pro de volley. Ils ont une expertise vraiment intéressante à nous apporter."

Vous prenez toujours du plaisir à jouer ? 
L.S-M. :
"C'est une question que je me pose, mais je pense que oui. Parce que sinon, je n'arriverais pas à continuer. Là où je prends du plaisir, c'est d'arriver à développer d'autres aspects de moi-même via le jeu. L'année dernière, c'était avoir le rôle de capitaine. Cela m'a permis de repousser ce dont je pensais être capable. Ça me plait beaucoup. On s'est aussi rendu compte que jouer 14 heures par jour n'était pas la meilleure façon de progresser. Il faut que le joueur s'y retrouve aussi dans sa vie privée, qu'il puisse faire autre chose. Les mentalités sont plus ouvertes à ce niveau-là." 

Quels ont été les problèmes cette année, pour vous et Vitality ? (Vitality a été éliminé au premier tour des play-offs de la saison de printemps et d'été, ratant les Worlds)
L.S-M. : "Je n'ai pas été autant capitaine que j'aurais pu l'être pendant cette saison. On n'était pas assez soudé, alors que c'était présent en 2018. Chacun avait son rôle et il était parfait pour lui. On n'a pas retrouvé ça cette année, où les victoires étaient plus dues à des actions individuelles, parce qu'on a des bonnes individualités. Mais pas de jeu d'équipe, la communication n'était pas aussi présente. Il y a eu peut-être aussi eu un problème d'ego avec notre succès de l'année précédente. On n'a pas réussi à gérer ça.  On ne s'est pas assez remis en question."

Qu'est-ce que ça fait d'avoir les Worlds à Paris ? 
L.S-M. : "Ils se passent en Europe à peu près tous les quatre ans. Quand j'y étais en 2015, c'était déjà fou alors que ce n'était que la phase de groupe à Paris. Ça va être dingue. Avec le public français, c'est toujours chaud bouillant. Et du coup, tous les très bons joueurs sont en Europe en ce moment, donc ça nous permet de nous entraîner contre eux."

La finale des championnats du monde de League of Legends sera à suivre sur notre site, dimanche à partir de 13h !

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.