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Être gaucher est-il un avantage dans le sport ?

À l'occasion de la journée mondiale des gauchers, vendredi, franceinfo: sport a tenté d'en savoir davantage sur l'impact de cette caractéristique dans le sport de haut niveau.

Article rédigé par Célia Sommer, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Rafael Nadal, James Harden, Laura Flessel et Lionel Messi sont tous gauchers. (AFP)

Quel est le point commun entre le maître de Roland-Garros Rafael Nadal, le sextuple Ballon d'Or et néo-parisien Lionel Messi ou encore Manny Pacquiao, l'un des plus célèbres boxeurs du XXIe siècle ? Raquette en main, balle au pied et poing ganté, les trois hommes sont les porte-drapeaux d'une minorité : celle des gauchers, qui fêtent leur journée mondiale en ce vendredi 13 août.

Prenez Phil Mickelson en golf. L'Américain a dignement fêté ses 50 ans en enlevant un Majeur en mai dernier. Son surnom ? "Lefty" ("Gaucher"). Un petit nom pas très original donné dès les années 1990, à une époque où les gauchers étaient très rares sur les greens. Mais un surnom flatteur tout de même, de quoi rendre envieux les premiers gauchers.

Car par le passé, ceux-ci n'ont pas forcément joui d'une très bonne réputation. Il suffit de se référer à l'étymologie latine du mot "gaucher" pour s'en faire une petite idée : "sinistra", qui se rapproche de... "sinistre". Pourtant, s'il existe un domaine où les gauchers n'ont rien à envier aux droitiers, c'est donc bien le sport.

Alors que le pourcentage de gauchers dans la population mondiale varie entre 10 et 13%, ils sont davantage représentés dans certains sports. C'est le cas, notamment en escrime. Chez les femmes, le top 10 mondial à l'épée compte six gauchères. Et cela n'a rien d'un hasard. Selon une étude publiée en 2017, les gauchers sont meilleurs dans certaines disciplines.

Les chercheurs ont analysé, sur six ans, la proportion de gauchers présents dans les 100 meilleurs joueurs de tennis, badminton, squash, baseball, tennis de table et cricket. Ils ont observé que dans certains sports, comme le tennis de table ou le baseball, le taux de gauchers est supérieur à 25%.

Un temps de réaction inférieur aux droitiers

Il y a 2,6 fois plus de chance d'être gaucher chez les sportifs de haut niveau dans les compétitions où le temps de réaction est le plus faible. Pourquoi ? Car les gauchers ont un temps de réaction légèrement plus rapide que les droitiers, lorsque l'information est visuelle et spatiale. Au tennis de table, quatre des dix meilleurs joueurs mondiaux sont gauchers, soit presque quatre fois plus que la moyenne de la population.

Et ce n'est pas une simple coïncidence. "La main gauche est liée à l'hémisphère droit du cerveau, qui contrôle également les informations visuelles et spatiales. C'est pourquoi, elle réagit plus rapidement que la droite", note Jean-Marie Annoni, neurologue et chercheur en neuroscience cognitive. 

Les gauchers sont donc dotés d'un système nerveux plus avantageux. Cependant, le scientifique nuance : "Cette différence est de l'ordre de 6 millisecondes. En moyenne, le temps de réaction est de 100 millisecondes. Cela donne aux gauchers un avantage de 2-3 %. J'ai l'impression que l'aspect 'stratégique du gaucher' est plus important que la notion de temps de réaction, sauf dans certains sports très rapides où il y a beaucoup de choses à voir en même temps. C'est le cas du hockey, par exemple."

L'escrime fait partie de ces sports où être gaucher présente bien un avantage. Preuve en est, quatre des cinq dernières médailles olympiques en sabre ont été décernées à des gauchères : Mariel Zagunis en 2004 et 2008, Kim Ji-Yeon en 2012 et Yana Egorian en 2016. En judo, trois des quatre défaites de Teddy Riner de 2010 à 2020 ont été concédées face à des gauchers. Enfin, la Française Laura Flessel a remporté cinq médailles olympiques, et le fait d'être gauchère n'y était pas totalement étranger. 

"Je vous avouerais qu'il m'est arrivé de gagner par le simple fait d'être gauchère. Il arrivait que cela perturbe mes adversaires."

Laura Flessel

à franceinfo:sport

"Nos adversaires n'avaient pas forcément l'habitude de tirer contre des gauchères. Ça les perturbait. En tant que gauchère, il n'était pas rare qu'on se retrouve à être quatre ou cinq dans les phases finales, au détriment des droitières", se souvient l'ancienne ministre des Sports. L'ex-épéiste reconnaît avoir joué de cette différence : "l'escrime est un sport d'explosivité, de précision, et de roublardise. Si j'observais un inconfort chez mon adversaire, je créais une stratégie pour l'étouffer rapidement".

Un avantage psychologique

Dans les sports collectifs aussi, être gaucher peut constituer un avantage. Matthieu Huard (23 ans) évolue au poste de latéral gauche à Ajaccio, en Ligue 2. "Lorsque j'ai commencé le football, j'étais l'un des seuls gauchers. Donc on a forcément un avantage dans la formation, reconnaît le joueur corse. Le gaucher peut être déstabilisant pour le gardien, car il est plus habitué à recevoir des frappes ou des centres de droitiers."

Mais il avoue également qu'un joueur gaucher est susceptible de lui poser, à lui aussi, des problèmes. "Ma manière de défendre n'est pas la même selon la latéralité de l'attaquant. Psychologiquement, ça peut jouer. Il y aura un peu plus d'appréhension, après je m'adapte qu'il soit gaucher ou droitier."

Une question se pose : si les gauchers avaient été droitiers, auraient-ils atteint le même niveau ? "Je suis gauchère mais derrière je travaillais, j’étais une perfectionniste. J’étais une insatiable, se souvient Laura Flessel. En étant droitière je pense que j’aurais été pareille. Peut être avec moins de résultats, mais j’aurais pris autant de plaisir. Et c'est le principal."

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