Euro 2016: Le public français est rarement à la hauteur
Le 30 mai dernier, Olivier Giroud était sifflé à Nantes lors du match amical contre le Cameroun (3-2), probablement parce qu’on lui préférait Karim Benzema. Dimanche, l’attaquant tricolore a été ovationné par le public si exigeant –et versatile- du Stade de France. Entre ces deux rencontres, le Gunner a préféré relativiser cette situation. "C’est toujours agréable d'être ovationné, a-t-il résumé avec un petit sourire. Je n’ai aucune revanche par rapport à ce qui s'est passé avant. Je pense surtout à avoir la bonne attitude sur le terrain", a précisé l'auteur d'un doublé qui lui a valu le titre d'homme du match face à l’Islande (5-2).
"Quand on gagne, c'est toujours plus facile"
Mieux vaut être de bonne consistance lorsque l’on est footballeur. A la fois admirées et jalousées, les vedettes tricolores du ballon rond doivent composer avec les humeurs de ce public. Et même si le sélectionneur assure que tout va bien dans le meilleur des mondes, on a malheureusement un peu de mal à le croire. "Sincèrement, depuis quelques mois, on a toujours reçu beaucoup de soutien de la part du public", a cru bon d’affirmer Didier Deschamps. Et comme si ce n’était pas si évident, il met en avant la volonté de ses joueurs de communier avec leurs supporteurs. "Les garçons ont décidé entre eux d’aller saluer le public avant l’échauffement. Ils ont souhaité se rapprocher au plus près de lui", a-t-il indiqué, avant de rappeler l’évidence "quand on gagne, c’est toujours plus facile de communier".
Le patron des Bleus a sans doute raison, lui qui a connu les plus belles années du foot français, avec la fameuse France « Black, Blanc, Beur » de 1998 et 2000. Mais en France, le public n’admet jamais l’échec, et peu importe la manière. C’est soit l’ovation, soit les hués. Loués durant toute leur campagne pour leur bonne humeur et leur loyauté envers leur équipe, les supporteurs irlandais ont donné une leçon à leurs homologues français. Même dans la défaite, les Verts ont applaudi leurs joueurs, et surtout mis l’ambiance dans les villes hôtes de la compétition. Les Islandais en ont fait de même, y compris dimanche, malgré la lourde défaite concédée face à l’équipe de France. "Cette équipe de France est aimée par ses supporters", serine pourtant Deschamps, qui donne parfois plus l’impression de vouloir embellir le tableau. S'il n'y avait pas de souci à ce niveau là, le sélectionneur n'en parlerait pas.
La faible culture du sport
Inutile de dire qu’une défaite face à l’Islande, aurait été accueillie très froidement… Ce constat qui s’applique d’ailleurs à d’autres sports comme le tennis n’a jamais vraiment changé depuis des décennies, et tout le monde semble s’en accommoder. La culture du sport et du supporter n’a jamais été très développée en France, contrairement aux pays anglo-saxons. En Angleterre par exemple, où le football est roi, chaque enfant devient presque automatiquement supporter de tel ou tel club. Si vous naissez dans telle ou telle ville, ou tel ou tel quartier de Londres, vous êtes soit fan de West Ham, soit fan d’Arsenal, soit fan de Chelsea… et peu importe le milieu.
En France c’est bien plus variable. Les villes de football se comptent sur les phalanges d’un doigt. Hormis à Marseille, Saint-Etienne et Lens, les passionnés de ballon rond ne sont pas légion. Le supporter français n’est pas un passionné. Les raisons sont diverses. Et ce n’est pas en augmentant fortement le prix des places comme le fait le PSG avec l’objectif de monter en gamme que la donne va changer. La "consommation" moyenne de sport en France dans les médias est d’environ 3,9 heures, alors qu’elle est de 7,2 heures en Espagne, et de près de 6 heures en Italie. S’il n’y a d’ailleurs qu’un seul quotidien sportif en France, c’est bien parce que la demande n’est pas si importante, alors que 68% des Français déclarent suivre au moins un sport dans les médias.
Le sport n'est pas une priorité
C’est aussi une question de volonté politique. Dépendant du même ministère, le budget de la jeunesse et de la vie sociale a augmenté de 70 %, tandis que celui des sports s’est contenté de 4 % d’augmentation (due en grande partie au financement de 10 millions d’euros pour la candidature des JO de 2024), soit 233 millions d’euros. Le Centre de développement du sport (CNDS) a, quant à lui, vu ses aides baisser de 6 millions d’euros (soit des fonds de 264 millions).
Convaincre le public
Espérons que face à l’Allemagne, l’âme des supporters qui sommeillent en chacun des 60 millions de Français va se réveiller. C’est du moins ce qu’espèrent les hommes de Didier Deschamps qui devraient profiter d’un Vélodrome qui fait heureusement partie des exceptions… "Le fait de jouer à domicile doit nous donner un avantage dans les tribunes car on le ressent sur le terrain", a ainsi rappelé le capitaine Hugo Lloris qui s’attend à profiter "d’une ambiance chaude" en demi-finale. "Depuis le début, on vit une grande aventure et on veut que ça continue. On a tous envie de jouer ce genre de match dans une carrière, une demi-finale de l’Euro à domicile face à une des plus grandes nations du football. C’est génial et il va falloir en profiter au maximum", a estimé le portier tricolore. Son coéquipier Blaise Matuidi se dit, lui, " content de l’engouement autour de l’équipe de France, du plaisir qu’on procure aux gens", et évoque "une réussite" de ce côté, car ce n’est jamais gagné avec ce public. Mais tant que l’on bat l’Allemagne…
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