"Fêter les 60 ans de l'Euro quoi qu'il arrive", l'objectif de l'auteur Guillaume Germain
En quelques mots, pouvez-vous nous présenter ce livre sur les 60 ans de l'Euro de football ?
Guillaume Germain : "C'est un livre qui a vocation à marier deux passions, à faire se regarder deux mondes : celui du sport et celui des relations internationales. Les passionnés de sport pourront retrouver dans le livre des anecdotes sur chacune des compétitions depuis 1960 et parallèlement, les passionnés des relations internationales pourront se rendre compte de l'impact des relations internationales sur les compétitions sportives."
Quand vous êtes-vous convaincu d'écrire un livre sur l'histoire de l'Euro et l'impact des relations internationales sur cette compétition ?
GG : "Le déclic remonte à 2016 lors de l'Euro en France. Je trouvais intéressant le fait qu'il y ait des liens lors de chaque édition de l'Euro entre la compétition et le contexte. L'Euro 2016 en France, c'est une édition qui a été jouée avec une sécurité ultra-renforcée après les attentats de Charlie Hebdo début 2015, puis ceux du Bataclan quelques mois plus tard. Mais avant l'Euro en France, celui de 1992 en Suède m'a marqué et restera dans toutes les mémoires d'un point de vue des relations internationales, avec de multiples aspects : l'Allemagne participe à la compétition réunifiée alors que la RDA et la RFA avaient débuté les éliminatoires, la Yougoslavie est exclue quinze jours avant la compétition du fait de la guerre en Bosnie après un parcours remarquable en éliminatoires et la chute de l'URSS entraîne un éclatement des Républiques indépendantes qui participent à l'Euro en tant que CEI (Communauté des États indépendants, ndlr)."
Quelle analyse faites-vous des moments d'histoire qui ont marqué les différentes éditions de l'Euro ?
GG : "Je pense qu'il y a justement une césure en 1992. Jusque-là, les compétitions étaient marquées par le contexte de Guerre Froide. Puis on a eu une phase plus tranquille entre 1996 et 2012. Et une nouvelle bascule en 2012 avec à l'époque les difficultés liées à l'Ukraine, et le fait qu'Angela Merkel et François Hollande aient refusé d'aller sur place (en raison de l'incarcération de l'ex-Première ministre Ioulia Timochenko, ndlr). En 2016, comme je l'ai dit, il y a eu ces questions de sécurité. Et en 2020, cette crise sanitaire qui vient bousculer l'actualité, mais qui vient dans le même temps renforcer la logique du livre, parce que c'est la première fois en 60 ans qu'on repousse d'une année la compétition pour des raisons non sportives."
Cette édition de l'Euro, de manière inédite, doit se dérouler dans plusieurs villes hôtes à travers le continent. Qu'est-ce que cela dit selon vous des relations entre les États européens depuis la première édition de 1960 ?
GG : "Cette décision de Michel Platini de plusieurs villes hôtes dit une chose simple : essayons d'économiser de l'argent en utilisant des stades déjà créés. L'Euro de 2012 par exemple a été fortement marqué par la crise économique de 2008 avec des coûts colossaux pour la Pologne et l'Ukraine pour la construction de nouveaux stades. L'Euro de football a permis de relancer la machine économique en Pologne, mais ça n'a pas du tout été le cas en Ukraine. L'idée de ces plusieurs villes hôtes était donc de ne pas dilapider l'argent. L'autre chose, c'est que lors de la première édition en 1960, seules 17 nations pouvaient organiser la compétition. Aujourd'hui, avec 55 sélections, c'est rigoureusement impossible d'hériter de l'organisation. Il y avait donc cette volonté de partager un événement sportif à l'échelle d'un continent pour que tout le monde puisse voir un match de l'Euro sur son territoire. Enfin, ça dit quelque chose de fort : c'est que l'Euro, ce n'est pas l'UE. L'Euro, c'est un continent très vaste qui va de l'Irlande jusqu'à Israël en passant par la Russie. Le symbole est beau et fort mais on peut émettre un bémol avec l'empreinte carbone que cela allait générer. Le président de l'UEFA (Aleksander Ceferin, ndlr) l'a d'ailleurs dit en décembre dernier : il n'est pas question de reproduire ce format."
"Des joueurs, comme Antonin Panenka ou Lev Yachine, ont des profils qui reflètent l'histoire du continent"
Vous racontez dans ce livre des histoires sous forme de chapitres très courts. En avez-vous un ou deux exemples ?
GG : "Il y a des anecdotes sportives, comme la seule victoire de l'Italie à l'Euro, en 1968. La sélection italienne se qualifie pour la finale à la pièce. C'est-à-dire qu'un tirage au sort est réalisé dans les vestiaires entre les deux capitaines de l'Italie et de l'URSS, parce qu'aucune des deux équipes ne s'est imposée à l'issue des prolongations et que les séances de tirs aux buts n'existent pas encore. Il y a aussi des anecdotes de géopolitique pure comme l'équipe d'Espagne en 1960, grandissime favorite, qui ne participe pas à la phase finale car Franco refuse que la sélection se rende en URSS lors des éliminatoires en raison du positionnement soviétique pendant la guerre civile espagnole (l'URSS s'était engagée, timidement, aux côtés des républicains, contre Franco, ndlr). Et puis il y a des histoires sur des joueurs, comme Antonin Panenka ou Lev Yachine, qui ont des profils qui reflètent l'histoire du continent."
Vous avez décidé de maintenir la sortie du livre alors que l'Euro a été reporté d'un an. Est-ce que c'est une manière pour vous, en le lisant, de vivre la compétition cette année quoi qu'il arrive ?
GG : "C'est le cas, et c'est aussi l'occasion de fêter le 60e anniversaire de la compétition quoi qu'il arrive. Ce livre n'est pas un livre d'actualité. Si ça avait été le cas, il n'aurait pas eu d'intérêt à sortir maintenant. C'est davantage un document d'utilité historique, il traverse le temps. Le chapitre sur 2020 sera un peu biaisé puisque je parle davantage du clin d'œil de l'histoire en cette année de Brexit avec la finale qui devait se jouer à Wembley."
Finalement, vous auriez pu rajouter un chapitre sur le coronavirus ?
GG : "J'y ai réfléchi, mais pour le moment, on part comme ça. Ce sera pour une réédition ! (rires)"
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