Foot: Le coronavirus bouleverse déjà le prochain mercato
Alors qu'un arrêt définitif de la saison dans les cinq grands championnats européens engendrerait une perte totale de 3,4 à 3,95 milliards d'euros, selon une étude du cabinet KPMG, les clubs ne cachent pas que l'été sera difficile.
"Si on ne rejoue pas, il n'y aura pas de mercato"
"Si on ne rejoue pas, les pertes seront telles que le mercato, il n'y en aura plus de fait !", tonne Bernard Caïazzo, patron de Saint-Etienne et de Première Ligue, le syndicat des clubs de l'élite français. "Les championnats traditionnellement acheteurs ne le seront plus du tout."
Tous ne seront néanmoins pas égaux devant la situation: "Les clubs de L2 sont plus exposés", souligne l'agent de joueurs Frédéric Guerra, qui s'attend à "moins de transferts et plus de stabilité".
D'autres clubs, dont le modèle est basé sur l'achat et la revente, voient leur stratégie bringuebaler. A Monaco, parvenu à transférer Mbappé pour 180 millions d'euros au PSG, "le coronavirus ne nous aide pas dans notre démarche de vente", pointe le vice-président Oleg Petrov. "Vu la situation internationale, un club sera moins enclin à payer la somme que nous souhaitons".
Quid des joueurs en fin de contrat au 30 juin avec une saison qui se finit en juillet ?
D'autres problèmes administratifs pourraient survenir, si les championnats se prolongent au-delà du 30 juin, date limite des contrats des joueurs dont le bail expire cette année. Ainsi l'Uruguayen Edinson Cavani, libre fin juin, a la possibilité d'être engagé ailleurs au 1er juillet alors que le Paris SG risque d'avoir encore besoin de lui.
"Les joueurs pourraient, en droit, être déjà partis", relève Johan-Michel Menke, avocat spécialiste en droit du travail des footballeurs en Allemagne, interrogé par l'agence SID, filiale de l'AFP. D'éventuelles prolongations de contrat ? "Selon le droit du travail, le club ne peut pas faire cela unilatéralement, il devra approcher chaque joueur", poursuit le juriste.
Chômage partiel, licenciement, les inquiétudes des joueurs
Certains footballeurs, comme à Lyon, Amiens, et Montpellier à compter de lundi, sont déjà passés au chômage partiel, d'autres s'inquiètent pour leur avenir. "Les jeunes joueurs en fin de contrat, les aspirants qui doivent passer stagiaires, les stagiaires qui doivent passer professionnels, sont un problème", détaille David Venditelli, agent pour la société Score Agencies. "Les familles sont inquiètes. Ce sont des situations en attente pour des joueurs en situation précaire." Frédéric Guerra confirme. "On peut s'attendre à une hausse du chômage des joueurs" et à des clubs qui "ne signeront pas de prolongation" en cas de renégociation.
Autre menace, si la situation s'aggrave, un risque pur et simple de licenciement. "La force majeure est un cas de rupture de contrat de travail à durée déterminée avant son terme", avertit Me Michel Pautot, avocat au barreau de Marseille, spécialiste du droit du sport. "D'aucuns pourraient considérer le coronavirus comme un cas de force majeure".
Quid des cadors du jeu ? "Les joueurs de Ligue des champions ne seront pas touchés" par cette crise, prévient néanmoins Frédéric Guerra. Même si le report de l'Euro à 2021 pourrait les faire hésiter à changer de club à un an d'une grande compétition, les stars pourront en effet compter sur leurs "super-agents" pour faire monter les enchères.
Comme Mino Raiola, gérant des intérêts de Paul Pogba et Erling Haaland notamment. Le médiatique agent a déjà promis dans une interview au journal espagnol Marca: "J'ai l'espoir de pouvoir, un jour, transférer au Real Madrid un immense joueur (...). Je veux y mener un grand footballeur et je vais tenter de le faire cet été."
Des discussions gelées
"Morne plaine, tous les dossiers dont nous discutions sont en 'stand by'". Le constat est implacable pour Frédéric Guerra: le confinement a gelé les transactions, et l'avenir est incertain pour les intermédiaires. "Nous n'avons pas de visibilité", confirme David Venditelli. "Nous avons des accords pour des prolongations actés mais nous n'avons pas pu finaliser car nous n'avons pas pu organiser les signatures proprement dites".
La question plane: les accords antérieurs à la crise tiendront-ils toujours ? "Forcément les agents auront une baisse de revenus", avoue Frédéric Guerra. "Déjà, le Brexit était une interrogation", et avec le coronavirus, il y aura "un effet amplificateur", projette l'agent, qui s'attend aussi à des négociations plus épineuses, avec "des concessions" à faire pour maintenir l'activité du mercato l'été prochain.
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