Au football, les taupes ne sont pas seulement sous la pelouse

Le mot a été lâché en conférence de presse au lendemain de la victoire sur la Grèce (4-1), samedi 23 juin. L'Allemagne cherche sa taupe. Alors que les compositions d'équipes sont généralement officiellement dévoilées par l'UEFA une heure avant le coup d'envoi, celle de l'Allemagne, depuis le début de l'Euro, est connue bien avant. En colère, le sélectionneur s'en est ouvert à ses joueurs, comme le rapporte André Schürrle à l'issue de la rencontre : "Il a évoqué le sujet, il n'était pas très content de cela et il nous l'a clairement dit." Qui a trahi ? Agents de joueurs, famille, membres du staff... mystère. La traque continue. Cette chasse n'est pas une spécialité allemande, le football français a aussi l'habitude de ces petits mammifères. Retour sur les taupes hexagonales les plus célèbres.

• La taupe la plus recherchée (et qui court toujours)

Coupe du monde en Afrique du Sud, juin 2010. Alors que la France sombre sur le terrain, incapable de gagner le moindre match, l'affaire Nicolas Anelka éclate. Le journal L'Equipe révèle les insultes qu'aurait proféré l'attaquant au sélectionneur Raymond Domenech à la mi-temps du match contre le Mexique (défaite 2-0). Rapidement, les joueurs cherchent le responsable de cette fuite. Lors de la conférence de presse de Patrice Evra au lendemain de ce match, le capitaine de l'équipe des Bleus lance la traque :"Le problème de l'Equipe de France, ce n'est pas Anelka, mais le traître parmi nous."

Cette paranoïa trouve son apogée quelques jours plus tard avec la fameuse "grève du bus" des joueurs pour marquer leur soutien à leur coéquipier exclu. Mais qui est la taupe ? Les spéculations vont bon train. Lors de la commission d'enquête de la Fédération française de football sur ce fiasco, sur 18 mondialistes interrogés, trois ont accusé leur sélectionneur Raymond Domenech d’être l’auteur des fuites, sans qu'aucune preuve ne soit fournie. Robert Duverne, le préparateur physique de l'équipe, a également été mis sur la sellette. Sur les ondes de la radio RTL, il a démenti être l'espion. Une mise au point nécessaire après la vive altercation avec Patrice Evra sur le terrain d'entraînement de Knysna, au cours de laquelle, excédé, il avait jeté son chronomètre. Depuis, personne ne s'est dénoncé, le mystère reste entier.

Aujourd'hui, avec la pâle prestation des Bleus lors de l'Euro 2012, les insultes de Samir Nasri et le comportement de certains joueurs, le spectre de la taupe est réapparu. Hugo Lloris, gardien et capitaine de l'équipe, a exprimé sa colère, jeudi 28 juin, dans les colonnes de L'Equipe après les révélations sur ce qui s’est passé dans les vestiaires à l'issue du match perdu contre la Suède. Il estime que rien n’aurait dû sortir des coulisses. Hugo Lloris est furieux contre la ou les taupes qui ont permis aux médias d’ "interpréter" ces faits et de "faire perdre de l’énergie" aux joueurs français. Chez les Bleus, donc, la psychose continue.

• La taupe qui se dénonce

Normal, puisqu'elle s'est rapidement dénoncée : il s’agit de Mohammed Belkacemi, le conseiller technique national pour le football des quartiers. En novembre 2010, il est scandalisé par les débats au sein de la Fédération française de football sur la possible instauration de quotas discriminatoires dans les centres de formation et la limitation à 30% du nombre de jeunes ayant la double nationalité. Il décide d'enregistrer sur son téléphone une réunion portant sur le sujet. Ce scandale, révélé par Mediapart (article payant), a entraîné la démission du directeur technique national, François Blaquart. Mohammed Belkacemi s'est dénoncé par la suite et a expliqué son choix, estimant, lors d'un entretien à L'Equipe, "n'avoir fait que son travail".

• La taupe qui récidive

"Au PSG, la taupe, c'est Jérôme Rothen ! C'est un peureux, un non-joueur, il dribble en reculant." C'est l'analyse peu amène de Michel Moulin, éphémère conseiller sportif du PSG lors de la saison 2007-2008. Lorsqu'il arrive au Parc des Princes, il convoque les joueurs pour exiger d'eux qu'ils cessent de parler à la presse. Mais dès le lendemain, ses propos se retrouvent dans L'Equipe. Pour le conseiller, pas de doute, la fuite provient de Jérôme Rothen, alors milieu offensif du club. Selon lui, il parlerait aux journalistes moyennant des bonnes notes lors des comptes-rendus d'après-match publiés dans le journal.

Cette réputation d'espion a suivi l'allier parisien jusqu'en Turquie. Prêté au club d'Ankaragücü, il aurait laissé en 2010 un message à Régis Brouard, l'entraîneur de l'US Quevilly qui se préparait à affronter le PSG en Coupe de France, et lui aurait proposé quelques tuyaux sur la stratégie parisienne. Une initiative qui a scandalisé ses employeurs et obligé le joueur à démentir cette information dans la presse.