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Bizutage, AK-47 et déboires en Bleu... La folle carrière de Thierry Henry

Vous pensiez tout connaître du recordman des buts en équipe de France, qui a annoncé sa retraite sportive mardi ? Vraiment tout ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'attaquant d'Arsenal Thierry Henry lors d'un match contre Middlesbrough, le 22 août 2004 à Londres (Royaume-Uni).  (JOHN D MCHUGH/AP/SIPA / AP)

"Thierry Henry aurait dû être beaucoup plus aimé, beaucoup plus populaire qu'il ne  l'est aujourd'hui." C'est Raymond Domenech qui l'écrit dans son dernier livre, Mon dico passionné du foot. L'ancien attaquant iconique d'Arsenal, vainqueur de la Ligue des champions avec le Barça et recordman des buts en équipe de France, a annoncé sa retraite, mardi 16 décembre, et sa reconversion comme consultant sur la chaîne anglaise Sky Sports.

Tu seras international, mon fils 

Dès le début, Antoine Henry vise haut pour son fils Thierry. Ce sera international ou rien. Il le répète à l'entraîneur du club de Palaiseau (Essonne), puis Viry-Châtillon, clubs où Thierry Henry fait ses premières armes. Un jour, un recruteur de Monaco supervise le jeune prodige. Viry gagne 6-0, six buts de Henry. "J'étais tellement déterminé à le mettre dans les meilleures conditions que j'en ai perdu un boulot, raconte Antoine Henry au Guardian (en anglais). J'ai raté le début de mon shift alors que j'occupais un poste de vigile, parce que je conduisais Thierry à un match. Quand je me suis pointé deux heures plus tard, j'ai été viré." 

Henry débarque à Monaco à 17 ans. "Il y avait des bateaux énormes partout, des voitures de sport, des femmes magnifiques, le soleil, la mer, les célébrités, confie-t-il, déjà très lucide, au magazine anglais The BlizzardLa vie peut sembler facile dans un tel endroit. Même si je n'étais qu'un gamin, je me suis dit : 'Ce n'est peut-être pas la meilleure place pour apprendre le football'." Il se trompe. Le club de Monaco fonctionne encore à l'ancienne. Les jeunes doivent ranger les équipements pour l'entraînement, et les anciens ne le ménagent pas : "A l'entraînement, quand je ne donnais pas un bon centre à Sonny Anderson ou Mickaël Madar [les avant-centres du club], ils balançaient la balle au-dessus du grillage de La Turbie [le centre d'entraînement de l'ASM]. Et devinez qui devait aller chercher le ballon ?"

Thierry Henry continue de brûler les étapes. Champion de France à 19 ans, il devient champion du monde en 1998 à 21 ans. Le meilleur buteur des Bleus lors de l'épreuve (3 buts) aurait même dû disputer la finale face au Brésil... si Marcel Desailly ne s'était pas fait expulser peu après l'heure de jeu. C'est Patrick Vieira qui entre alors à sa place pour renforcer la défense.

Le retour sur terre sera brutal. Le successeur d'Aimé Jacquet à la tête de l'équipe de France, Roger Lemerre, le laisse à disposition des Espoirs. Cette rétrogradation durera plus d'un an. "Une fois, l'équipe de France espoirs voyageait dans le même avion que les A. Et je me trouvais à l'arrière de l'avion, alors que quelques semaines plus tôt, j'étais dix rangs devant", raconte Henry à The Blizzard. Il se rappelle avoir disputé des matchs internationaux devant 200 spectateurs à l'époque. "Cette partie de ma vie est un peu tombée aux oubliettes, mais j'en suis fier", lâche l'attaquant.

Thierry Henry (à gauche) photographie Robert Pirès le 4 juin 1998 à Helsinki (Finlande). (GABRIEL BOUYS / AFP)

"Il faut un AK-47 pour l'arrêter"

En plus d'être relégué avec les Espoirs, Thierry Henry se morfond à la Juventus Turin, où il a été transféré en janvier 1999. A un poste qui n'est pas le sien, il marque peu et joue de moins en moins. Une rencontre va toutefois tout changer. A la fin de la saison, il tombe nez à nez avec Arsène Wenger dans l'avion qui l'emmène à Paris. Le coach d'Arsenal lui aurait dit, d'après la légende : "Thierry, tu perds ton temps sur l'aile. Tu es un n°9." Convaincu par son discours, Henry le rejoint à Londres quelques semaines plus tard. Après des débuts laborieux, sa vitesse finit par faire des ravages au sein des défenses anglaises. "Il faut un AK-47 pour l'arrêter", résume le coach de Blackburn, Graeme Souness, dans The Observer en 2004.

Le Royaume-Uni est sous le charme. "Le seul joueur qui m'excite, c'est Thierry Henry", résume George Best, le joueur mythique de Manchester United. Pourtant, le Français peine à fendre l'armure. Echaudé par ses déconvenues avec les agents et certains membres de son entourage, Henry est un méfiant. Il déclare, en 2001, alors que son Arsenal pratique le plus beau football du continent : "Je ne suis pas Anglais, je suis là pour le boulot, pas pour m'amuser." Ses célébrations de buts, où il reste impassible, étonnent. On est loin du jeune joueur insouciant que la France avait découvert pendant l'été 1998. "Parfois, je me regarde à la télé, et je me dis : 'Mais quel rabat-joie ! Pourquoi je ne fête pas mes buts comme le font les autres ?", concède-t-il dans le livre Lonely at the top. Il hérite même du surnom "Le Sulk" ("le boudeur"), dont bénéficiait avant lui Nicolas Anelka. Quand il revient à Londres, en 2011, pour inaugurer la statue à son effigie érigée devant le nouveau stade d'Arsenal, l'Emirates stadium, on devine ses yeux embués. "Je ne montre pas souvent mes émotions, concède Henry. La presse me l'a souvent reproché, mais la voilà mon émotion, je la montre pour le club que j'aime."

Thierry Henry lors de la cérémonie du joueur de l'année, le 15 décembre 2003 à Bâle (Suisse). (SHAUN BOTTERIL / GETTY IMAGES CLASSIC)

Pour Domenech, c'est "le premier à quitter le navire"

Lors de cet évènement, Henry a refusé de répondre aux questions en français. Intouchable à Arsenal, il l'est beaucoup moins avec les Bleus : peu d'ententes avec Zidane sur le terrain, soupçons concernant la disgrâce de son rival Trezeguet en équipe de France... Le fossé n'a cessé de se creuser entre l'attaquant et le public français, qui n'hésite pas à le siffler lors de sa 100e sélection. En 2009, Le Parisien révèle qu'avant un match face la Roumanie, Henry a remis publiquement en cause les choix du sélectionneur. Panique à la fédération : l'attaquant du Barça est envoyé au front défendre son coach pendant le 20 heures de TF1."Il aurait mieux valu qu'il se taise plutôt qu'il me défende", grince le coach des Bleus.

On connaît la suite : la main contre l'Irlande et le Mondial 2010 catastrophique en Afrique du Sud. Domenech, encore dans Tout seul : "Quand ça coince, [Ribéry, Anelka et Henry] sont les premiers à quitter le navire." "Je suis obsédé par l'idée de laisser une trace dans l'histoire", a lâché un jour l'attaquant. Avec l'équipe de France, elle a goût d'inachevé.

N'allez pas chercher plus loin la raison de son exil à New York, une ville où il aime se balader sans être reconnu. A Londres, tout le monde le reconnaîtra dans la rue, mais personne ne l'importunera. "Londres, c'est chez moi, et ça le sera toujours", affirmait-il dans The Independent en 2012. Contrairement à beaucoup de footballeurs, il ne s'est pas barricadé dans un manoir en banlieue, mais vit dans le très chic quartier d'Hampstead. Où les riverains ont réussi à faire empêcher la construction d'un aquarium géant de 25 tonnes dans sa maison. 

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