: Reportage CAN 2024 : le cœur de la Côte d’Ivoire s’est emballé à Bouaké
L’espace d’une soirée, Bouaké aura été le cœur battant de la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas si souvent que l’équipe nationale joue dans la deuxième ville du pays, ce n’est pas tous les jours que les Eléphants s’éloignent d’Abidjan. Mais après ce qui s’est passé samedi 3 février et cette qualification presque miraculeuse pour les demi-finales de la Coupe d’Afrique des Nations, venir jouer à Bouaké pourrait devenir un must. Visiblement, en tout cas, les supporters venus du sud étaient heureux du déplacement. Il suffisait de prendre la route samedi matin depuis Abidjan pour s’en apercevoir : des milliers de voitures, de cars ou de "bakas", ces minibus collectifs et bondés, ont fui les embouteillages légendaires de la capitale pour venir en créer de plus beaux dans le centre du pays.
Dans chaque véhicule, une couleur dominante : l'orange. Les hommes, les femmes et même les enfants, tout le monde portait la même tunique orange de l'équipe de Côte d'Ivoire. Une façon évidente de faire corps, un moyen aussi de se compter. Parce qu’après la déroute 4-0 face à la Guinée Équatoriale et une qualification inespérée pour les huitièmes de finale, ils étaient peu à revendiquer leur amour des pachydermes. Entretemps, la Côte d'Ivoire est venue à bout du Sénégal (1-1, 5 t.a.b. à 4) et samedi, pour le quart de finale, ils étaient des milliers. 40 000, très exactement à converger vers le stade de la Paix de Bouaké, pour une partie qui s’annonçait pourtant comme une sacrée bataille contre les voisins maliens. "On gagne, ou on gagne !" : pour les Ivoiriens, le mot d'ordre était simple.
38 degrés dans l’après-midi, un peu moins au moment du coup d’envoi
Le problème, à Bouaké, c’est la chaleur. L’avantage, contrairement à Abidjan, c’est que le fond de l’air est sec. Au début, donc, les 38 degrés vous saisissent, puis finissent pas vous installer dans une délicieuse torpeur. Tous vos gestes comptent. Vous les économisez, vous ne les distribuez qu’avec parcimonie. Puis vous vous habituez. Les Ivoiriens connaissent le phénomène, les visiteurs font comme ils peuvent. Le problème pour la foule, samedi après-midi, c’est qu’il y avait un match de football à jouer et à gagner.
Alors les supporters se sont fait violence. Dès avant le coup d’envoi, ils ont hurlé leur hymne national. Puis ils ont chanté, dansé, frappé des mains et beaucoup crié. Une ambiance assez étonnante, en vérité ! Désordonnée, presque folle et en même temps très douce. Parfois, les tribunes pensent, raisonnent. On peut presque les entendre réfléchir, se demander comment elles vont gagner ou plus basiquement, si elles peuvent perdre. Samedi à Bouaké, les spectateurs n’ont écouté que leur cœur. Les cerveaux étaient littéralement débranchés. Et c’était sans doute le meilleur moyen d’y croire encore quand tout partait de travers.
40 000 personnes qui se mettent à danser
L’ambiance était déjà dingue quand la Côte d’Ivoire a égalisé à la dernière minute du temps réglementaire. Elle est devenue surréaliste à l’ultime minute de la prolongation, quand les Eléphants ont pris l’avantage. Et la magie s’est durablement installée au coup de sifflet final qui propulsait les Orange en demi-finale de leur Coupe d’Afrique. "Aujourd'hui, c'est l'apothéose ! savoure Koné, en lévitation. On en a besoin ! C'est comme ça qu'on veut les voir jouer." 40 000 personnes se sont mises à s’embrasser et à danser. Certains affirment même qu’ils en ont vu pleurer. C'était trop pour Fanny : "J'ai failli m'évanouir". C'était "double émotions" pour cette jeune femme qui habite à Villejuif d'assister à ce match en Côte d'Ivoire, là ou elle a grandi. "Cette victoire-là... Je n'ai pas de mots."
L’émotion et la fierté étaient trop fortes, alors cette folle sarabande s’est poursuivie dans les escaliers, dans les coursives du stade de Bouaké, enfin en paix avec ses préférés. Les micros tendus ou les caméras allumées se sont transformés en défouloir pour tous ces supporters épuisés d’avoir tant souffert. "Jouer avec le cœur, c'est ça les Eléphants ! Découragement n'est pas ivoirien !" Tout le monde voulait confier sa joie, son sentiment d’appartenance, ou tout simplement son soulagement. Samedi soir, le cœur de la Côte d’Ivoire battait à Bouaké. Et il battait fort.
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