Football : quatre questions sur le procès de Christophe Galtier, jugé pour discrimination et harcèlement moral

L'ancien coach du PSG et de l'OGC Nice est jugé à partir de vendredi par le Tribunal correctionnel de Nice pour des faits de discrimination et harcèlement moral lorsqu'il était entraîneur des Aiglons.
Article rédigé par Théo Gicquel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'ancien entraîneur du PSG et de l'OGC Nice, Christophe Galtier. (KARIM JAAFAR / AFP)

Christophe Galtier a rendez-vous avec la justice. L'entraîneur de 57 ans est jugé, à partir du vendredi 15 décembre, à la suite de l'enquête préliminaire ouverte le 13 avril dernier par le procureur de Nice "des chefs de harcèlement moral et de discrimination à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée". Que lui est-il reproché et que risque-t-il ? Franceinfo: sport fait le point avec Me Arnaud Ibanez, avocat au barreau de Marseille en droit pénal et droit du sport.

Quels sont les faits reprochés ?

L'affaire visant Christophe Galtier avait éclaté à la mi-avril après la révélation par le journaliste indépendant Romain Molina puis la radio RMC d'un mail, que l'AFP et franceinfo: sport n'ont pas pu authentifier, adressé à la direction du club niçois par l'ancien directeur sportif Julien Fournier. Il y rapportait ces propos attribués à Christophe Galtier, alors entraîneur des Aiglons entre 2021 et 2022 : "Il m'a alors répondu que je devais tenir compte de la réalité de la ville et qu'en effet, on ne pouvait pas avoir autant de noirs et de musulmans dans l'équipe. [...] Il m'a fait état de sa volonté de changer en profondeur l'équipe en précisant aussi qu'il voulait limiter au maximum le nombre de joueurs musulmans".

Une enquête préliminaire avait été ouverte mi-avril pour des soupçons de "discrimination fondée sur une prétendue race ou l'appartenance à une religion" visant Christophe Galtier. "Je suis profondément choqué par les propos qu'on me prête, relayés par certains de manière irresponsable", avait réagi l'intéressé, alors entraîneur du PSG. Il avait déposé plainte le 21 avril pour menaces de mort et diffamation contre Julien Fournier et deux journalistes.

Lors de son audition le 30 juin, Christophe Galtier avait "contesté les infractions susceptibles de lui être reprochées", avait indiqué le procureur de la République de Nice, Xavier Bonhomme.

Contactés par L'Equipe le 5 décembre, les avocats de Christophe Galtier, Mes Olivier Martin et Sébastien Schapira, ont déclaré que "Christophe Galtier est déterminé à 10 jours de cette audience. Il réserve ses déclarations au tribunal. Il attend enfin ce débat public et contradictoire où il démontrera qu'il n'a évidemment jamais discriminé ou harcelé quiconque. Tout son parcours professionnel, sa réputation témoignent de sa personnalité irréprochable."

Comment va se passer le procès ?

Présent au Tribunal correctionnel de Nice en présence de son avocat, comment Christophe Galtier, qui nie les faits reprochés, peut-il se défendre ? "Il peut s'appuyer sur des témoignages d'autres joueurs de l'effectif niçois ou des joueurs qu'il a entraîné durant sa carrière qui corroborent ses déclarations. Son avocat peut également mettre en exergue d'autres attestations et s'appuyer sur une carrière prestigieuse d'entraîneur et de joueur, et d'un passé qui ne laisse aucune place à ces accusations", indique Me Ibanez. 

"Monsieur Galtier entraîne actuellement au Qatar [SC Al-Duhail], pays de confession musulmane, il n'a aucun antécédent lié aux faits reprochés : la juridiction peut donc donner du crédit à ses déclarations. La difficulté pour la juridiction saisie de ses faits et de démêler le vrai du faux [parole contre parole, déclarations rapportées, etc...] et de recontextualiser les propos", poursuit l'avocat pénaliste.

Quant aux témoins potentiels, notamment des joueurs qui pourraient être victimes de discrimination ou harcèlement moral par Christophe Galtier, "au regard des engagements contractuels des joueurs avec leurs clubs respectifs, il y a peu de chance que des joueurs soient présents surtout si ces derniers ont été interrogés lors de l'enquête préliminaire par les services de police", complète Me Ibanez.

Pour l'issue du procès, "le délibéré sera soit prononcé le jour de l'audience, soit prononcé à une date ultérieure.
L'entraîneur pourra interjeter appel de la décision dans un délai de dix jours à compter du délibéré", rappelle ce dernier.

Que risque Christophe Galtier ?

S'il est reconnu coupable des faits reprochés par le tribunal correctionnel, Christophe Galtier risque, en théorie, deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour "harcèlement moral" (article 222-33-2 du Codé pénal) et trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende pour "discrimination" (article 225-2 du Code pénal).

Mais selon Me Ibanez, cette peine maximale "ne serait pas en adéquation avec la gravité des faits reprochés au regard de la jurisprudence de la juridiction. S'il est déclaré coupable, selon son casier judiciaire, une peine avec sursis simple est possible ou une peine de jours-amende. Compte tenu de ses revenus, une amende est également probable s'il est condamné", précise l'avocat.

Y a-t-il déjà eu des précédents ?

En football, des affaires de propos racistes présumés tenus par des entraîneurs ont déjà existé, comme pour Willy Sagnol à Bordeaux en 2014, contre qui SOS Racisme avait déposé plainte, ou plus récemment Bernard Casoni, licencié de l'US Orléans en novembre dernier. Pour ce dernier, le parquet d'Orléans avait ouvert une enquête préliminaire pour "provocation à la haine ou à la discrimination raciale et pour injures publiques à caractère raciste", selon France Bleu Orléans.

En 2010, l'affaire des quotas de binationaux au sein de la formation française et la suspension du DTN, François Blaquart, pour ses propos lors d'une réunion en novembre 2010 avait ébranlé la FFF, alors que Laurent Banc, sélectionneur de l'époque, avait réfuté toute forme de discrimination. Il n'y avait eu "aucune poursuite judiciaire dans la mesure où des commissions d'enquête avaient conclu à l'absence de mise en place d'une politique de quotas au sein du football français", rappelle Me Ibanez. Le procès de Christophe Galtier pourrait donc créer un précédent si l'entraîneur venait à être condamné.

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