Mondial de foot au Qatar en 2022 : quatre questions sur l'audition de Michel Platini
L'ex-patron de l'UEFA Michel Platini et l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, ont été interrogés mardi par des enquêteurs sur des soupçons de corruption sur les conditions d'attribution du Mondial 2022 et sur l'organisation de l'Euro 2016 en France.
"Beaucoup, beaucoup de bruit pour rien." C'est ce qu'a dénoncé l'avocat de Michel Platini, mercredi 19 juin, à l'issue la garde à vue de son client. L'ex-patron de l'UEFA a été longuement entendu mardi par des enquêteurs, à Nanterre (Hauts-de-Seine), sur des soupçons de corruption sur les conditions d'attribution du Mondial 2022 au Qatar. Michel Platini est soupçonné d'avoir changé son vote au profit du Qatar et d'avoir provoqué le changement de celui de trois autres membres de l'UEFA après un déjeuner à l'Elysée, qui s'est tenu peu de temps avant le vote, en 2010.
Dans quel cadre a-t-il été auditionné ?
En 2016, le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour "corruption privée", "association de malfaiteurs", "trafic d'influence et recel de trafic d'influence" pour examiner les conditions d'attribution des Coupes du monde de football 2018 et 2022.
Le 2 décembre 2010, le Mondial 2018 a en effet été attribué à la Russie (face notamment à l'Angleterre éliminée dès le premier tour) et, à la surprise générale, le Mondial 2022 au Qatar, vainqueur au dernier tour face aux Etats-Unis.
La désignation de ce richissime émirat gazier, où les températures brûlantes en été rendent la pratique du football difficile voire impossible, a immédiatement déclenché des soupçons de corruption. Cette attribution a d'ailleurs été l'un des déclencheurs de la grave crise qui a secoué la Fifa à partir de 2015.
Par ailleurs, en octobre 2015, l'ancien président de la Fifa, Sepp Blatter, a ajouté à la polémique en mettant en cause la France. Selon sa version, "un arrangement diplomatique" existait pour que les Coupes du monde 2018 et 2022 aient lieu en Russie puis aux Etats-Unis. Le plan aurait échoué à cause de "l'interférence gouvernementale de monsieur Sarkozy" qui aurait entraîné, toujours selon le Suisse, une volte-face de Michel Platini, président de l'UEFA.
Qui d'autre a été entendu ?
L'ancien numéro 10 des Bleus a été placé en garde à vue, mardi en début de matinée, dans les locaux de l'office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), à Nanterre (Hauts-de-Seine). Et il est ressorti libre, mercredi peu avant 1 heure du matin, sans qu'aucune charge n'ait été retenue à son encontre, d'après son avocat.
L'ex-secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant, ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, a lui aussi été longuement interrogé, sous le régime de l'audition libre. Par ailleurs, l'ancienne conseillère sport de Nicolas Sarkozy, Sophie Dion, a été placée en garde à vue. Tous sont ressortis tard dans la nuit.
Quels éléments intéressent les enquêteurs ?
La justice française s'intéresse en particulier à un déjeuner, "une réunion secrète" à l'Elysée le 23 novembre 2010, à laquelle participaient le président Nicolas Sarkozy, Tamim Ben Hamad Al-Thani (alors prince héritier du Qatar devenu émir en 2013), et Michel Platini, révélée par France Football. Son but supposé : s'assurer que Platini voterait pour l'émirat. Un "tissu de mensonges", s'était indigné l'ancien numéro 10 des Bleus.
Interrogé par franceinfo, Jean-Philippe Leclaire, directeur adjoint de la rédaction de L'Equipe et auteur du livre Platoche (éd. Flammarion, 2016), rappelle le contexte de l'époque : "On sait que Nicolas Sarkozy a toujours été très proche du Qatar. A l'époque, il y avait des enjeux à la fois sportifs et extra-sportifs", citant notamment l'avenir du PSG, l'arrivée de la chaîne BeIN Sports en France ou encore la participation d'un fonds de pension qatari dans Veolia.
Et Jean-Philippe Leclaire ajoute : "Que Nicolas Sarkozy ait cherché à influencer le vote, c'est acquis. Après, Michel Platini a toujours dit qu'il n'avait pas reçu un ordre formel de la part de Nicolas Sarkozy, mais qu'effectivement il y avait eu un message subliminal. Ce message était plus que subliminal puisque Michel Platini arrive à la table de l'Elysée – c'est lui qui avait demandé à voir Nicolas Sarkozy – et se rend compte qu'il y a le prince héritier, son Premier ministre... Il n'est donc pas complètement idiot et il a vite compris quelle était la consigne de vote." Une accusation que Michel Platini a toujours réfutée : Je savais que j’allais voter pour le Qatar avant le déjeuner et je suis allé voir Nicolas Sarkozy pour lui dire. Je ne savais pas que les Qataris y seraient", avait-il rétorqué au Monde.
Comment se défend Michel Platini après son audition ?
"Cela a été long mais vu le nombre de questions, ça ne pouvait être que long, puisqu'on m'a posé des questions sur l'Euro 2016, la Coupe du monde en Russie, la Coupe du monde au Qatar, la Fifa", a déclaré Michel Platini à des journalistes à sa sortie de garde à vue. Il a précisé avoir répondu de façon "tranquille" à tous ces sujets.
Son avocat, William Bourdon, a pour sa part affirmé : "Les enquêteurs ont voulu, pour des raisons techniques, exclusivement techniques, que les personnes puissent être entendues pour qu'elles ne se concertent pas entre elles". Il a rappelé que son client avait déjà été entendu en audition libre comme témoin "il y a 18 mois". "Nous sommes tous les deux sereins et confiants dans l'avenir", a-t-il conclu.
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