Coupe de France : obligation de venir dans l'Hexagone, manque de supporters... Le parcours du combattant des clubs ultramarins

La Coupe de France reprend, vendredi, pour les 32es de finale avec un club martiniquais et un club réunionnais en lice.
Article rédigé par Justin Schroeder
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
L'équipe de Saint-Joseph lors de son premier entraînement en métropole, le 17 décembre 2024, à Lisses (Île-de-France). (Cyril Valony / RC Saint-Joseph)

Avec la Coupe de France, tous les territoires français sont mis à l'honneur. Deux clubs ultramarins disputent les 32es de finale de cette 108e édition de la compétition. Le Racing club Saint-Joseph (Régional 1), club de Martinique, est accueilli en Corse, vendredi 20 décembre, pour affronter le Sporting club de Bastia (Ligue 2) à Furiani. Samedi 21 décembre, le Football club de Saint-Denis (Régional 1), venant de La Réunion, joue en Normandie, face à Dives-Cabourg (National 3).

Si le règlement de la plus ancienne compétition du football français donne l'avantage du terrain à toutes les équipes évoluant deux divisions en dessous de l'autre, celui-ci ne s'applique pas aux clubs ultramarins. Le règlement oblige même les représentants d'outre mer, à partir des 32es de finale, à évoluer dans l'Hexagone (ou la Corse). Les équipes de Martinique, de la réunion, de Mayotte ou encore de Guyane sont donc contraintes de se déplacer systématiquement. Une règle qui suscite de la frustration chez les deux derniers représentants.

Adaptation au froid, au décalage horaire... Les clubs ultramarins se sentent lésés

"Il faut que les clubs d’outre-mer soient traités équitablement. Qu’à un moment donné, ils aient le droit de jouer à domicile", scande Younoussa Abdihali, vice-président du FC Saint-Denis. "L'équité est remise en cause quand on ne peut pas recevoir, confirme le vice-président du RC Saint-Joseph, Charles-Eric Privat C’est de la discrimination dans le sens où il y a une différence d’appréciation entre les clubs ultramarins et un club de l'Hexagone."

Ce n'est pas simplement jouer devant son public qui est en cause. "On cumule les handicaps, pointe Charles-Eric Privat. On a l’avion, de la Martinique à Orly, puis d’Orly à Bastia. On a un décalage horaire de cinq heures à encaisser, ça fait un deuxième handicap. Il y a 22 à 23 degrés d’écart entre la Martinique et la métropole. Ça fait trois handicaps, beaucoup pour une fédération qui dit qu’elle est là pour mettre les gens dans les mêmes conditions d’évolution."

La FFF couvre les frais des équipes ultramarines jusqu'à une délégation de 29 personnes

Pour les clubs ultramarins, tous amateurs, tous les frais sont comptés, et un déplacement dans l'Hexagone est particulièrement onéreux. Pour compenser, la Fédération française de football (FFF), en charge de la Coupe de France, a établi un cahier des charges en faveur de ces équipes. A partir des 32e de finale, toutes les dépenses sont couvertes à 100 % par la Fédération pour une délégation de 29 personnes maximum en provenance des territoires ultramarins.

"Ils sont logés, les nuitées sont prises en charge, la restauration matin/midi/soir, les transferts, les voyages également", confirme Christophe Drouvroy, directeur des compétitions nationales à la FFF. Cela représente, pour ce tour, 70 000 euros pour l'équipe de Saint-Joseph et 45 000 euros pour l'équipe de Saint-Denis. Lors du dernier tour, la Fédération avait par exemple accueilli le club martiniquais à Clairefontaine, "le temple" du football français.

Malgré ces aides, les Joséphains ont lancé une cagnotte en ligne pour "aider à couvrir ces dépenses et offrir à nos joueurs les meilleures conditions pour se dépasser". La délégation du RC Saint-Joseph est plus importante que les 30 personnes couvertes cette fois-là par la Fédération, et des frais supplémentaires sont à ajouter, précise Charles-Eric Privat : "Avec les températures en métropole, il a fallu acheter du matériel, des collants, des écharpes, des parkas... Ça nécessite des frais supplémentaires. L’équipe qui vient en Martinique n’a pas tous ces frais, elle a juste le voyage." 

Des conditions réunies pour jouer en Martinique et La Réunion

Pourtant, ces clubs disposent souvent des infrastructures nécessaires. "On est en capacité, à La Réunion, de pouvoir accueillir des matchs de Coupe de France. On a le Stade de l’Est [désormais appelé Stade Jean Ivoula], qui vient d’être rénové et qui peut accueillir 10 000 personnes. On a les capacités logistiques pour accueillir des clubs de métropole", affirme Younoussa Abdihali. Saint-Joseph peut également s'appuyer sur le Stade Pierre-Aliker, qui a déjà accueilli l’équipe de France en 2005.

Du côté de la Fédération, on rappelle que ces deux îles ont des stades homologués pour la Coupe de France, mais que ce n'est pas le cas de tous les territoires, comme Mayotte ou la Guyane.

"Pour la promotion et la fête de notre sport, on doit accueillir ces matchs de Coupe de France."

Younoussa Abdihali, vice-président du FC Saint-Denis

à franceinfo: sport

Si les équipes ultramarines peuvent parfois compter sur quelques supporters qui ont fait le déplacement ou de la famille qui vit à proximité lorsqu'ils jouent dans l'Hexagone, cela reste minoritaire. "On veut aussi partager ces moments localement avec nos supporters", assure le vice-président du FC Saint-Denis. "Tous les ans, on demande que cette règle évolue et que l’on puisse accueillir des matchs. Rien ne bouge", critique celui de Saint-Joseph.

Vers une délocalisation des matchs plutôt qu'un changement de règlement

Pour le directeur des compétitions nationales à la FFF, en charge de l'organisation de la Coupe de France, Christophe Drouvroy, cette règle repose sur des problématiques de calendrier : "On exclut le principe d’envoyer une équipe de Ligue 1, au regard des calendriers très serrés, en Martinique, à La Réunion, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie. Par exemple, cette semaine, Monaco jouait mercredi. On ne peut pas dire à Monaco, après le match : ‘Vous vous envolez pour La Réunion ou la Polynésie’."

"D’un point de vue organisationnel, le match entre Saint-Joseph et Bastia aurait pu se jouer en Martinique. Mais si, à la place de Bastia, c’était le PSG, cela n’aurait pas été possible. Il faut que la règle puisse s’appliquer dans tous les cas de figure."

Christophe Drouvroy, directeur des compétitions nationales à la FFF et en charge de l'organisation de la Coupe de France

à franceinfo: sport

La Fédération affirme ne pas travailler sur un changement de règle, mais envisage d’autres solutions. "On réfléchit à permettre aux clubs ultramarins de jouer, lorsqu’il y a deux niveaux d’écart, en région parisienne. Philippe Diallo nous a demandé de travailler sur cette hypothèse et d’essayer d’anticiper au maximum pour que les matchs puissent se jouer en Île-de-France. Ils pourraient jouer devant leur public", explique Christophe Drouvroy.

Une idée qui ne séduit pas Younoussa Abdihali, le vice-président du FC Saint-Denis : "Ça se faisait il y a quelques années, mais on a vu qu’il y avait une déperdition des supporters. On jouait presque dans des stades vides en Île-de-France." Voir le PSG jouer en Guadeloupe, l'OM se déplacer sur l'île de La Réunion, ou encore Nantes découvrir la Nouvelle-Calédonie, n'est donc pas encore d'actualité.

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