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Coupe du monde : les Bleus sont-ils chouchoutés par les arbitres ?

Plusieurs joueurs de l'équipe de France ont commis des fautes flagrantes depuis le début du Mondial, sans être lourdement sanctionnés. Francetv info revient sur les éléments à charge et à décharge.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Les joueurs du Honduras contestent une décision de l'arbitre du match France-Honduras, à Porto Alegre (Brésil), le 15 juin 2014.  (LUIS ACOSTA / AFP)

"Moins vous en parlerez, mieux c’est", a répondu Didier Deschamps, mardi 1er juillet, aux questions des journalistes sur l'arbitrage, considéré comme clément avec la France lors de ses quatre premières rencontres. Mettons les pieds dans le plat : la France est-elle favorisée par le corps arbitral ? 

Réquisitoire du procureur

Mesdames et messieurs les jurés, là où la France passe, les adversaires trépassent. Le Suisse Steve von Bergen, blessé à l'œil par Olivier Giroud, le Nigérian Ogenyi Onazi, blessé par Matuidi – Onazi ne souffre que d'une entorse, alors qu'on a craint une fracture – sont là pour en témoigner.

Les joueurs français, notamment Mamadou Sakho et Olivier Giroud, se sont singularisés par des coups de coude quand Patrice Evra a ceinturé un adversaire dans la surface contre le Nigeria, tandis que Paul Pogba s'est fait justice, au sol, face à un adversaire hondurien. Et même si sa blessure est consécutive à un choc tête contre tête, le pansement "coton-tige" ensanglanté de l'Equatorien Noboa a marqué les esprits.

Le milieu équatorien Christian Noboa et son filet ensanglanté sur le tête, le 25 juin à Rio, face à la France. Le Suisse Steve Von Bergen – blessé à l'œil – et le Nigérian Ogenyi Onazi – touché à la cheville – peuvent témoigner du jeu rugueux des Bleus. (ODD ANDERSEN / AFP)

Faut-il s'étonner alors que le sélectionneur du Honduras parle d'arbitrage "pro-français", quand son homologue nigérian dénonce "une honte" ? "Je ne peux pas dire à l'arbitre ce qu'il doit faire, mais Onazi a été deux fois victime de tacles dangereux. L'arbitrage n'était pas au niveau et le parti pris était en faveur des Français", a dénoncé Stephen Keshi après le huitième de finale perdu par les Super Eagles

Plaidoirie de la défense

C'est quand même très facile d'invoquer l'arbitrage à tout bout de champ, comme 80% des sélectionneurs battus lors du Mondial. Le Croate Niko Kovac, après un penalty contestable, mais pas scandaleux, concédé par son équipe face au Brésil lors du match d'ouverture : "Si ça c’est un penalty, nous n’avons plus besoin de jouer au football. Jouons au basket à la place. C’est une honte !" Le Portugais Bento, au mépris de l'évidence, après l'exclusion de son joueur Pepe, qui a pesé lourd dans la raclée infligée par l'Allemagne (0-4) : "L'arbitre a montré son parti pris en deux occasions, d'abord sur un penalty non sifflé, puis sur l'expulsion." Ou encore Miguel Herrera, coach du Mexique, qui dénonce une improbable collusion lusitano-hollandaise dans le penalty sifflé par l'arbitre contre le Mexique. "Au fond, le Portugal et les Pays-Bas font partie de la même confédération." Faiblard, comme argument...

Quitte à citer des théories du complot farfelues, autant s'inspirer du sélectionneur de l'Algérie, Vahid Halilhodzic qui, avant même le début de la Coupe du monde, critiquait l'arbitrage. "Ce sont toujours les grands pays qui sont favorisés, le Brésil, l’Angleterre ou l’Allemagne. Nous, l’Algérie, nous sommes un petit pays et nous nous interrogeons sur la façon dont nous serons arbitrés", geignait-il le 15 juin, cité par DZFoot. "Je crains plus l'arbitre que la sélection belge", leur premier adversaire du Mondial, a-t-il ajouté. Mauvaise cible : l'arbitre leur a accordé un penalty, mais la sélection belge leur a marqué deux buts en fin de rencontre. Et finalement, les Fennecs ont essuyé une défaite (2-1). 

Le sélectionneur de l'Algérie, Vahid Halilhodzic, défend un de ses joueurs sanctionné d'un carton jaune par l'arbitre du match Algérie-Russie, à Curitiba (Brésil), le 26 juin 2014.  (PEDRO UGARTE / AFP)

Quels sont les éléments concrets dont on dispose contre les arbitres ? L'inexpérience, un argument recevable. Seuls quatre d'entre eux avaient déjà officié lors d'une Coupe du monde avant le début de la compétition, a relevé le Wall Street Journal (en anglais). Le parti pris pro-français, outre son côté théorie du complot, n'est pas prouvé. Les études les plus sérieuses font état d'un avantage pour l'équipe qui joue à domicile, en l'occurrence le Brésil. Comme a pu en bénéficier la France lors de la Coupe du monde de 1998 – un coup de coude de Guivarc'h non sanctionné sur l'Italien Cannavaro aurait pu changer le cours du quart de finale.

Et sans doute le plus important : aucune des controverses dans laquelle est impliquée la France n'aurait immédiatement changé le cours du match. Pour le moment, aucun match des Bleus ne figure dans le top 10 des polémiques de ce Mondial 2014 (contrairement aux matchs cités ici, ici et ici). Le mot de la fin pour Didier Deschamps : "Il y a des duels et on a aussi des joueurs qui vont dans les duels. Je ne vais pas me plaindre, mais il y a une telle intensité dans les matchs, du rythme. Il suffit d’arriver un dixième en retard et ça peut faire des fautes spectaculaires."

L'avis des experts

Pour l'ancien arbitre international Eric Castellani, interrogé par Europe1.fr, la France est désormais dans le collimateur des arbitres. "Elle garde une bonne réputation. Mais les arbitres qui officieront pour les quarts de finale seront les meilleurs du monde, ils seront plus attentifs et moins indulgents. Jusque-là, le regard de l’arbitre se portait sur le ballon, ce ne sera plus le cas." L'accumulation des micro-polémiques a une conséquence : les joueurs de l'équipe de France sont prévenus, renchérit l'arbitre Stéphane Lannoy, présent au Mondial 2010. "Ils doivent apprendre à maîtriser leurs nerfs", explique-t-il au Monde.fr.

Verdict 

Le jury vote l'acquittement de l'équipe de France, au moins jusqu'au match contre l'Allemagne, vendredi 4 juillet. Appel possible dans les commentaires.

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