Critiques, retards de construction... un air de déjà-vu pour le Brésil
A l'image de l'édition 2014, le pays avait rencontré de nombreux problèmes au moment d'accueillir sa première Coupe du monde en 1950.
C'est l'image forte de la Coupe du monde 1950. Le désastre du Maracana, la défaite à domicile du Brésil 2-1 face à l'Uruguay en finale, devant 200 000 supporters en larmes. Pelé, âgé de 8 ans, était trop jeune pour comprendre, mais son père a pleuré en écoutant la radio. Jules Rimet, le président de la Fifa, qui avait prévu un discours en portugais pour la victoire des Brésiliens, a dû jeter ses notes à la poubelle. Le matin du match, le journal O Mundo, confiant, avait même titré "Nous sommes les champions du monde !". Pourtant, le Mondial 1950 ne se résume pas qu'à cette finale. On a oublié que les préparatifs du tournoi ont été aussi chaotiques que ceux de l'édition 2014. Et qu'à soixante-quatre ans d'intervalle, les préoccupations restent les mêmes.
La construction du Maracana, un enjeu national
Si le Brésil obtient la Coupe du monde 1950, la première à être organisée après la deuxième guerre mondiale, c'est parce que les candidats ne se sont pas légion. Le pays n'a certes pas participé au conflit, mais il n'en demeure pas moins fragile, avec des coups d'Etat réguliers et une jeunesse turbulente : 52% de la population a moins de 20 ans en 1950. La toute fraîche république brésilienne entend profiter de l'évènement pour faire son entrée parmi les nations qui comptent. "Nous étions fiers de voir les stades, nous pensions que nous devions être un pays important", se souvient l'écrivain Joao Maximo, dans Le Matin.
La construction d'une grande enceinte à Rio de Janeiro est décidée. Pendant des mois, la presse se déchire. Faut-il bâtir le stade dans le quartier du Maracana, déjà bien desservi par les transports en commun ? Ou choisir d'investir à Restinga de Jacarepaguá, un quartier défavorisé ? Des infrastructures dignes de ce nom (routes, égouts) permettraient de mettre fin à l'épidémie endémique de malaria qui y règne, relève l'universitaire Erick Omena dans sa thèse Un stade-nation en construction (en anglais). C'est finalement la première solution qui est retenue avec, en plus, un recours massif à un financement privé : les habitants de Rio les plus aisés investissent pour bénéficier à vie des meilleures places du stade.
Un stade plutôt que des hôpitaux
Des critiques se font aussi entendre concernant le coût des travaux. Certains souhaitent, en effet, que l'argent dépensé pour bâtir le gigantesque stade Maracana soit plutôt alloué à des services publics, comme des hôpitaux. Réponse du président de la fédération de football de Rio, cité dans le livre de David Goldblatt, A Futebol nation (en anglais) : "Je ne suis pas contre votre requête. Bien au contraire. Peut-être qu'avec les stades, la construction d'hôpitaux deviendra moins nécessaire."
Les questions sociales sont reléguées au second plan à l'approche de la compétition. Au contraire des craintes d'un déshonneur national. "A l'époque, nous redoutions que le stade ne soit pas prêt à temps", se souvient l'ancien commentateur sportif Teixeira Heizer, cité par la BBC (en anglais). Lors de l'inauguration, il y a encore des échafaudages en bois sur le toit de l'édifice. L'arbitre anglais du match d'ouverture racontera avoir reçu un bout de plâtre sur le crâne pendant la rencontre... Le jour de la finale, la tribune de presse et les toilettes ne sont toujours pas finies. Le stade sera terminé... quinze ans après, en 1965.
La création du mythe du Brésil
Pendant la compétition, les mécontents se taisent, calmés en partie par la bonne prestation de l'équipe nationale, qui débute par un 4-0 contre le Mexique. Cet enthousiasme perdurera tout le mois de juillet. Le gouvernement a mis en place une tarification sociale, pour que le plus grand nombre puisse assister aux matchs. Pour la finale, seul 1,5% des sièges sont réservés aux VIP, rappelle le livre Futebol Nation. En 2014, ce sera 12%, peut-on lire sur le site officiel de l'évènement.
L'objectif de la classe politique pour ce Mondial était de montrer un Brésil uni et moderne, relève le New Statesman (en anglais). Comme en 2014, en somme. Grâce à cette compétition, le Brésil se bâtit une image de pays de football qu'il n'avait pas. Jusqu'en 1971, il n'existe pas de championnat national. Les compétitions sont régionales, et trafiquées par les politiciens pour favoriser leurs clubs favoris. Pourtant, l'image d'une nation qui ne vit que pour le ballon rond fonctionne, et prend dans le monde entier. Pelé a résumé brutalement la chose : "Avant la Coupe du monde, personne ne connaissait le Brésil."
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