Entre instrumentalisation assumée et émotion partagée : quand le football est un vecteur de communication pour les responsables politiques
Outil de communication important, le football anime le débat politique. Les responsables font tous front derrière l'équipe de France, qui dispute la finale de la Coupe du monde dimanche contre la Croatie.
Emmanuel Macron assistera à la finale de la Coupe du monde de football, entre la France et la Croatie, dimanche 15 juillet à partir de 17 heures. Le président de la République se présente comme un vrai passionné de football, notamment du club de l'Olympique de Marseille. Tous ses prédécesseurs sous la Ve République ont entretenu un intérêt, plus ou moins assumé, pour le football. À l'exception du général Charles de Gaulle, qui préférait l'uniforme des soldats aux crampons des footballeurs. Après la victoire de Lyon contre Sochaux en Coupe de France en 1967, De Gaulle apparaît sur les images mais il ne fait aucune déclaration.
Le football, un outil de communication très fort
Une question de génération mais la situation a rapidement évolué. Au fur et à mesure, le football devient une arme de communication. En juin 1973, Valéry Giscard d'Estain, ministre en campagne, affiche, balle au pied sa modernité, sur le terrain et dans les vestiaires. Il dispute un match amical opposant des élus locaux à des commerçants, à Chamalières (Puy-de-Dôme). Il livre une interview torse nu après la rencontre : "Il y a une graine de footballeur en réserve en France, beaucoup plus qu'on ne le croit. J'étais frappé de voir sur le terrain la qualité de la ligne d'avants de nos adversaires".
Son successeur, François Mitterrand est féru de sport. Tous les matins, il lit L'Équipe, mais on n'en saura rien. C'est une passion considérée comme honteuse : un président ne s'intéresse pas à ces futilités. Ses prises de parole sur le football sont donc rares.
Le sacre de la France en 1998, un changement radical
Tout cela change à un été particulier : en 1998, lors de la victoire de l'équipe de France à la Coupe du monde 1998. Jacques Chirac est alors président de la République. Lionel Jospin est son Premier ministre, dans un gouvernement de cohabitation. En pleine liesse populaire, le Mondial vire au duel. Jospin attaque le premier : "J'ai commencé ma carrière sportive comme goal." Jacques Chirac lui répond : "J'aurais beaucoup aimé être goal."
Lionel Jospin aime le sport, Jacques Chirac aime les sportifs ... sans forcément connaître leurs noms. Il fait mine de hurler le nom des joueurs lors du détail de la composition d'équipe française alignée en finale contre le Brésil. Une séquence devenue culte.
La décennie 2 000, le football français en crise
Ce temps béni où le football fédère, rassemble, réconcilie s'interrompt. L'espoir politique et social de la France black, blanc, beur est douché. Le 6 octobre 2001, le match amical France-Algérie disputé au Stade de France dégénère. La Marseillaise est sifflée, le terrain envahi. La France métisée est oubliée, la paranthèse d'une nation rassemblée se referme.
À l'été 2010, c'est la grève de Knysna qui ridiculise le football français. Les footballeurs de l'équipe de France refusent de descendre du bus et de s'entraîner. Le fiasco sportif devient une affaire d'État. "Si les événéments qui ont été rapportés par la presse sont exacts, ils sont inacceptables", condamne Nicolas Sarkozy, alors président de la République.
Je ne peux que constater comme vous le désastre avec une équipe de France où des caïds immatures commandent à des gamins apeurés
Roselyne Bachelot, ministre des Sports à l'époque
Le footballeur, figure du "héros"
Un devoir d'exemplarité est exigé des footballeurs français, tant ils cristallisent les espoirs et les failles d'un pays en panne d'intégration. L'actuel président de la République, Emmanuel Macron, convoque la figure du modèle, du héros avant la Coupe du monde 2018. "Nos joueurs sont tous des modèles de réussite par le sport, de réussite républicaine. Quand on va dans les quartiers, le football fait partie de ces quelques sports qui permettent de donner une classe et de rêver qu'on a un avenir possible parce qu'on a des modèles", lance Emmanuel Macron, qui file la métaphore et se décrit en interview comme "un arrière-gauche, teigneux mais peu technique, plutôt du genre à ne rien lâcher, à motiver les autres".
Dans le genre, François Hollande a beaucoup brillé. "Je n'étais pas vraiment doué pour le football. Je me suis fait cette conclusion, ça a été très pénible pour moi. Mais ce n'est pas pour autant que je me suis dit 'je vais faire président'", disait l'ancien chef de l'État.
Les responsables politiques sont au diapason d'un pays qui vit, mange, respire football. En quelques années, le football est devenu incontournable dans le paysage politique et médiatique français. Bien loin de 1984, où le sacre de l'équipe de France au championnat d'Europe avait été relégué à la toute fin du sommaire du journal d'Antenne 2.
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