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Euro 1992, Mondial 2002… Cinq fois où la France est partie favorite (avant de se planter complètement)

Article rédigé par Romain Bonte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Le désarroi des supporters français après la défaite des Bleus, en finale de l'Euro 2016, face au Portugal, le 10 juillet 2016. (GEORGES ROBERT / CROWDSPARK)

Depuis mardi, l'Hexagone baigne dans une douce euphorie. Les Français sont, dans une large majorité, convaincus d'un succès en finale face à la Croatie dimanche. Pourtant, l'histoire récente devrait appeler à plus de prudence…

Excès de confiance ? Selon un sondage réalisé par Ifop pour le JDD et publié dimanche 15 juillet, 84% des Français estiment que les Bleus vont remporter la Coupe du monde en battant la Croatie dimanche 15 juillet. Du côté de Nike, l'équipementier des Tricolores, on se prépare déjà à produire un maillot orné d'une deuxième étoile, assure Europe 1.

Une petite musique que l'on a déjà entendue en France, et qui s'est souvent terminée sur une fausse note. Car à l'instar des Bleus de Didier Deschamps, d'autres Tricolores annoncés comme favoris en finale ont finalement déchanté.

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Euro 1992 : "On était sûrs qu’on allait gagner"

"On s’est certainement vus trop beaux", raconte à Sports.fr Manuel Amoros, qui a disputé l'Euro 92 en Suède sous le maillot tricolore. En 1988, Michel Platini, fraîchement retraité, devient le sélectionneur des Bleus et redonne peu à peu confiance à une équipe de France abattue après son échec en qualifications du Mondial 1990. Deux ans plus tard, en 1992, ils finissent la phase de qualification de l'Euro sur un sans-faute : huit matchs et huit victoires, dans un groupe où se trouvait pourtant l'Espagne.

Didier Deschamps, lors du match de poules de l'Euro 1992 face au Danemark, perdu 2-1, le 17 juin à Malmö en Suède. (PATRICK HERTZOG / AFP)

Désignés favoris de la compétition, les Tricolores bombent le torse. Pourtant, Michel Platini les "met en garde", précise bien Manuel Amoros. En phase de groupes, emmenés par Laurent Blanc, Jocelyn Angloma, Eric Cantona, Jean-Pierre Papin et… Didier Deschamps, ils ouvrent sur un nul (1-1) contre la Suède, puis un autre face à l'Angleterre (0-0). Le dernier duel est décisif et se joue contre la modeste équipe du Danemark, repêchée par l'UEFA pour pallier l'exclusion de la Yougoslavie, alors en pleine guerre.

Les Scandinaves n'ont absolument rien à perdre et créent la surprise en s'imposant 2-1. La France est éliminée. "On était sûrs qu’on allait gagner contre eux, puisqu’ils arrivaient de vacances et nous, on venait de faire trois semaines de préparation, raconte Manuel Amoros. (…) il y a eu cet excès de confiance, inconsciemment. On était déçus et en colère. Quand on fait carton plein en qualifs, on vise au minimum le deuxième tour." Didier Deschamps, qui vivait sa première grande compétition, rappelle souvent que cet échec lui a servi d'expérience pour la suite de sa carrière.

Qualifications pour le Mondial 1994 : "Amérique terre promise"

Le 13 octobre 1993, toutes les conditions sont réunies pour que la France se qualifie à la Coupe du monde 1994, organisée aux Etats-Unis. Les supporters sont confiants face à une équipe d'Israël jugée peu convaincante – surtout face aux stars Jean-Pierre Papin, Eric Cantona, Bernard Lama, Franck Sauzée et Didier Deschamps. Quelques mois plus tôt, ce dernier a soulevé la Coupe d'Europe avec l'OM. A deux journées de la fin des qualifications, les Bleus n'ont besoin que d'une victoire pour valider leur billet. Le quotidien L'Equipe ne doute pas et titre "Amérique terre promise".

La une de "L'Equipe", le jour du match France-Israël, le 13 octobre 1993. (L'EQUIPE)

Invaincus depuis un an, les hommes de Gérard Houllier affrontent la 71e nation au classement Fifa, une équipe qu'ils ont déjà corrigée 4-0 à domicile, à Tel-aviv. Mais la formalité se transforme en calvaire et les Tricolores s'inclinent finalement à domicile 3-2. Tout est à refaire. "Ça fait du bien de prendre une claque", relate, pragmatique, Franck Sauzée, interrogé par L'Equipe. Car il reste un match à jouer face à la Bulgarie, et un nul suffit pour passer. Confiante, la Fédération française de football a d'ores et déjà réservé le très chic bar parisien Niel's pour fêter la qualification.

Quatre jours plus tard, à la mi-temps du fameux match, les deux équipes sont à égalité (1-1) et les enceintes du Parc des Princes crachent déjà la chanson de Joe Dassin L'Amérique. Mais à quelques secondes de la fin, après un centre raté de David Ginola, les Bulgares partent en contre-attaque et remontent le terrain avant de trouver Emil Kostadinov, qui crucifie Bernard Lama d'une frappe en pleine lucarne. La ferveur laisse place à un silence de mort. Il ne reste plus que quelques secondes à jouer, mais les Bleus sont dévastés. La France ne verra pas l'Amérique.

Coupe du monde 2002 : "Ils sont sûrs de leur force"

"Globalement, ce groupe est plus fort qu'en 1998. L'équipe a gagné en maturité. Ils sont sûrs de leur force", assure, le 17 mai 2002 au Parisien, le médecin de l'équipe de France Jean-Marcel Ferret. Champions du monde et champions d'Europe en titre, les Bleus de Roger Lemerre sont sur un nuage. Après leur doublé inédit, les Français se présentent à la Coupe du monde 2002 avec le statut de grands favoris. Zinédine Zidane est au sommet de son art ; Thierry Henry, David Trézeguet et Djibril Cissé sont respectivement meilleur buteur d'Angleterre, d'Italie et de France. Sur les vingt-trois Bleus, 14 ont décroché un titre cette saison-là, note La Dépêche.

Zinédine Zidane au sol après la défaite de la France face au Danemark, lors de la Coupe du monde 2002, en Corée du Sud et au Japon, le 11 juin. (GREG WOOD / AFP)

Chacun négocie ses contrats de publicité et l'heure est plus au business qu'au bleu de chauffe. L'image des Tricolores n'a jamais été aussi rentable. Selon L'Express, cinquante sponsors ont dépensé plus de 38 millions d'euros pour se trouver à leurs côtés pendant ce Mondial, soit près du double par rapport à la précédente édition.

Mais en coulisses, les joueurs sortent fatigués d'une grosse saison, et Zidane manquera les deux premiers matchs de poules en raison d'une blessure survenue en amical face à la Corée du Sud. Sur le terrain, les Bleus vont vite déchanter. Avant de rencontrer le Sénégal pour le premier match, Marcel Desailly évoque "le folklore" de cette rencontre, rapporte L'Obs. Piqués dans leur orgueil, les Sénégalais s'imposent 1-0. Puis les Bleus concèdent un nul 0-0 face à l'Uruguay, avant de sortir par la petite porte (et sans marquer un seul but) dès la phase de poules, après une piteuse défaite contre le Danemark, 0 à 2. 

Euro 2004 : "On ressent tous qu'il y a quelque chose de différent"

Deux ans plus tard, l'équipe de France remet en jeu son titre continental. Le staff de Jacques Santini compte bien éviter une nouvelle déconvenue et tente de préparer au mieux l'événement, organisé au Portugal. Un stage de régénération a lieu à la Grande-Motte. Peu après, Zinédine Zidane se dit "au sommet" de sa forme auprès d'Eurosport. "On ressent tous qu'il y a quelque chose de différent, explique-t-il. On est tous frustrés de la Coupe du monde 2002. Mais on n'est pas revanchards. Au Portugal, on veut juste défendre notre titre."

 "L'Equipe" du jour avant la rencontre contre la Grèce, en quart de finale de l'Euro, le 25 juin 2004. (L'EQUIPE)

En phase de groupes, les Tricolores évitent cette fois un faux pas. Vainqueurs de l'Angleterre 2-1, accrochés par la Croatie 2-2, les coéquipiers de Zizou et Thierry Henry terminent premiers de leur groupe et se qualifient pour les quarts. En face, ils retrouvent la Grèce. Une aubaine pour les Bleus, qui vont défier une équipe peu habituée aux joutes européennes et qui s'est qualifiée à la différence de but dans un groupe composé du Portugal, de l'Espagne et de la Russie.

Ce 25 juin 2004, Otto Rehhagel, le sélectionneur allemand de l'équipe grecque, qui ne compte aucune star, mise sur la prudence face à l'armada offensive des Bleus. Son système fonctionne à merveille et à la 65e minute, la tête d'Angelo Charisteas met à terre les tenants du titre, qui ne parviendront jamais à se relever de ce but contre le cours du jeu. Quelques jours plus tard, les Grecs créent une nouvelle surprise en remportant le tournoi.

Euro 2016 : "On pensait que c'était déjà fait"

Lorsque les Bleus se retrouvent en finale de l'Euro, organisé à domicile, face au Portugal, bon nombre d'entre eux estiment que la victoire est dans la poche. Car la France a réussi à éliminer l'épouvantail de la compétition, l'Allemagne. Vainqueurs 2-0 de la Mannschaft, les protégés de Didier Deschamps viennent de mettre fin à 58 ans de frustration face à leur bête noire. En face, le Portugal fait office de menu fretin. Qualifiée in extremis en phase de poule après trois matchs nuls, les Portugais ont dû passer par deux prolongations en huitième (face à la Croatie) et en quart face à la Pologne, avant de difficilement disposer d'une modeste équipe du pays de Galles.

Les Français à terre après leur défaite en finale de l'Euro 2016 face au Portugal, le 10 juillet, au Stade de France. (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY)

"A l'Euro, on pensait que c'était déjà fait, a révélé Paul Pogba au cours d'une conférence de presse à Istra, jeudi 12 juillet, à trois jours de la finale contre la Croatie. Je ne vais pas vous mentir : contre l'Allemagne, on pensait que c'était ça la finale, en gros. Avec (le) parcours [du Portugal], on s'est dit que c'était gagné d'avance." 

Dans un entretien à France Football, Cristiano Ronaldo confirme l'attitude quelque peu arrogante des Bleus. "Les Français pensaient qu’ils allaient gagner facilement. En tout cas, c’est l’impression qu’on a eue, détaille CR7. Quand on a débuté l’échauffement sur la pelouse, j’ai senti les Français un peu trop détendus. (…) Leur gestuelle dénotait aussi une certaine assurance." Un "feeling" dont il s'est servi "pour motiver (ses) coéquipiers". Malgré la blessure du joueur du Real Madrid, les Portugais crucifient les Bleus en prolongations (1-0) après avoir défendu tout au long du match.

Espérons que les joueurs, comme leurs supporters, aient appris la leçon, sinon plus dure sera la chute.

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