Foot, sexe et politique : Romario, l'homme qui a dit non à la Coupe du monde
Le joueur brésilien dont on va le plus parler pendant ce Mondial a raccroché les crampons : Romario, l'ex-buteur de la Seleçao, s'est lancé en politique.
Quand il s'agit de résumer sa carrière, Romario ne tarit pas de superlatifs. "Je n'ai pas été un joueur, mais un grand joueur", commence l'ancien avant-centre du PSV Eindhoven, du Barça, de Vasco de Gama et du Brésil. Grand joueur, grand fêtard, grand séducteur, grande gueule, grand ego et peut-être plus grand opposant à la Coupe du monde au Brésil, maintenant qu'il occupe un siège de député au Parlement. Grand portrait, du coup.
"Six secondes d'effort, cinq minutes de pause"
Dès le début de sa carrière, Romario crève l'écran. Pas grâce à son 1,69 m, qui lui vaut toujours le surnom de "Baixinho", le minus. Repéré dans la rue, il signe rapidement en première division brésilienne, dans le club de Vasco de Gama. C'est (déjà) l'heure des premiers titres. Des premières polémiques, aussi. En 1985, à 19 ans, Romario est exclu de l'équipe brésilienne aux championnats du monde junior, après avoir été surpris en train d'uriner depuis le balcon de son hôtel. En 1987, ce passionné de foot et de femmes se marie dans le stade de Vasco avec sa petite amie, âgée de 17 ans. La cérémonie est diffusée en direct à la télévision, rapporte le New York Times (en anglais).
En 1989, il tape dans l'œil du PSV Eindhoven et rejoint les Pays-Bas. Les mauvaises langues disent qu'il n'y a appris que deux phrases en néerlandais : "Je suis un peu fatigué", quand un préparateur lui demandait de s'entraîner, et "Veux-tu coucher avec moi ?", à l'intention de ses conquêtes féminines. C'est là-bas qu'il peaufine sa condition physique en dormant 14 heures par jour. Les dix heures restantes, il cherche à en faire le moins possible. Lors d'un entraînement, un joueur le tacle sévèrement. Romario file chez le médecin du club se faire soigner. Quelques heures plus tard, il croise son entraîneur, Guus Hiddink, qui sait pertinemment que Romario n'a rien. Hiddink l'interroge sur le diagnostic. Réponse de Romario : "Deux semaines de repos." Tire-au-flanc, Romario ? Son entraîneur à Valence, Jorge Valdano, se souvient des séances sur vélo d'appartement : "Six secondes d'effort intense, suivies de cinq minutes de pause." Romario, cité par Fox Sports (en anglais), justifie sa philosophie : "Je ne suis pas un athlète, je suis un avant-centre."
"Coach, mon avion part dans une heure"
Le seul entraîneur que Romario ait jamais respecté, c'est Johan Cruyff. Le triple Ballon d'or le fait venir au Barça après son séjour au PSV. Lors du premier entraînement, Romario, soucieux d'impressionner Cruyff, se met à courir pour défendre. Cruyff le stoppe : "J'ai besoin que tu aies toute ton énergie pour attaquer." L'entraîneur néerlandais raconte cette scène surréaliste dans son autobiographie Futbol : "Un jour, Romario me demande s'il peut manquer deux jours d'entraînement pour se rendre au carnaval de Rio. Je lui réponds : 'Si tu marques deux buts demain, je te donne deux jours de repos de plus que les autres.' Le lendemain, Romario marque son deuxième but du match à la 20e minute de jeu, et demande aussitôt à sortir. Il me dit : 'Coach, mon avion part dans une heure.' Je n'ai eu d'autre choix que d'honorer ma promesse."
Romario jouit d'une cote d'amour incroyable au pays. Il peut qualifier l'icône Pelé d'"attardé mental" sans que sa popularité en souffre. En mai 1994, peu avant le Mondial américain, son père se fait enlever en sortant d'un bar de Rio de Janeiro. Les ravisseurs réclament 7 millions de dollars. Romario refuse de payer et ne rentre pas au Brésil car se profile un match capital Barça-Real Madrid. Un policier explique à la télévision : "Romario est très populaire parmi les délinquants, aussi, j'ai bon espoir que beaucoup d'entre eux collaborent avec nous." Et ça marche : Romario marque l'unique but du match, donne le titre au Barça, alors que son père est retrouvé dans un immeuble de Rio, assis sur un matelas, devant la télévision. Il expliquera que les ravisseurs lui ont installé un poste dans sa cellule pour qu'il puisse voir le match de son fils, raconte le New York Times (en anglais).
Le sélectionneur sur la porte des toilettes
Le Mondial 1994 est le seul où Romario brille. Aux Etats-Unis, il inscrit cinq buts et se montre décisif dans la conquête du quatrième titre mondial des Auriverde. Il met de côté ses divergences avec son partenaire d'attaque, Bebeto. Pourtant, il refuse de s'asseoir à côté de lui dans l'avion de la sélection. En 1998, le sélectionneur Mario Zagallo refuse de le retenir. Fureur de Romario, qui fait peindre les portraits de Zagallo et de son adjoint Zico sur la porte des toilettes de son restaurant. Blague potache ? Pas du tout : Zagallo porte l'affaire devant les tribunaux, et l'emporte. Les portes des toilettes sont saisies (si, si...) et Romario est condamné à payer des dommages et intérêts, rapporte le Guardian (en anglais).
En 2002, le sélectionneur Luiz Felipe Scolari l'exclut à son tour de sa liste. Il reproche à Romario son goût immodéré des femmes. "Un individu qui ne peut pas contrôler cet aspect de sa vie n'est pas un être humain, mais un animal." Le peuple carioca n'apprécie pas : la voiture de Scolari est caillassée quelques jours après son annonce.
Drogue, calvitie et sexe trois fois par jour
Curieusement, Romario fait moins l'unanimité dans son club historique de Vasco de Gama. Le joueur laisse courir le bruit qu'il a payé les salaires de ses équipiers en 2001, alors que le club est au bord de la ruine. Lui n'a aucune inquiétude : son propre salaire est payé directement par une compagnie pétrolière. Il a aussi tenté de s'attirer les bonnes grâces des supporters grâce à cette phrase : "Les enfants, dites non à la drogue. Et surtout, surtout, ne soutenez jamais Fluminense", le club rival de Vasco de Gama. En 2002, il signe à… Fluminense, où il est mal accueilli. Il en vient aux mains avec un supporter qui lâche six poulets vivants sur lui, lors d'un entraînement. Quelques mois plus tard, un contrôle antidopage positif achève de gâcher la fin de sa carrière. Romario expliquera sans rire que tout vient d'une lotion contre la chute des cheveux : "Des chauves m'ont dit que ça marchait vraiment bien. D'ailleurs, vous le voyez, non ?"
En 2006, le magazine Trip (en portugais) demande à Romario ses conseils de vie. L'un d'eux : "Baisez trois fois par jour, minimum." Faut-il s'étonner qu'il ait confié à la presse avoir couché avec trois femmes différentes le même jour, "à [s]on apogée" ? "J'ai couché avec mille femmes", se vante-t-il. La fin de sa carrière tourne autour du chiffre mille, mais des mille buts. Il clame avoir franchi cette barre mythique (à distance respectable des 1 282 buts de Pelé) à 41 ans, lors d'un match contre Recife. Sauf que des journalistes ont sorti leur calculatrice et montré qu'il était loin du compte (lien en anglais).
En croisade contre la Fifa
Romario retraité joue à un mélange de volley-ball et de foot sur la plage au pied de son appartement. Il raconte être entré en politique à la naissance de sa fille Ivy, atteinte de trisomie 21. "Personne ne défendait ces sujets au Parlement", a-t-il expliqué. Ses détracteurs affirment qu'il a en fait pris sa décision quand il a dû vendre son luxueux duplex avec vue sur la mer pour payer ses impôts, relève When Saturday Comes (en anglais). Lors de sa première conférence de presse d'homme politique, il se trompe sur le nom de son parti. Il confond le PSB, le Parti socialiste brésilien dont il est membre, avec le parti centriste Partido da Social Democracia Brasileira (PSDB).
Il mène une campagne peu conventionnelle. Continuellement entouré de jolies jeunes femmes, il arpente sa circonscription en voiture blindée dans sa favela de naissance. Il est élu haut la main en 2010. Depuis, il n'a pas de mots assez durs contre la Fifa - "des maîtres-chanteurs" - et son patron Sepp Blatter - "un voleur, un corrompu et un fils de pute". Pour lui, les opérations de police pour pacifier les favelas n'ont rien changé aux conditions de vie des habitants : "On se croirait toujours dans les territoires palestiniens." Sa politique commence à porter ses fruits : la fédération brésilienne a distribué 500 tickets à chaque match pour les trisomiques et les handicapés moteurs. Lors de l'annonce officielle, il a versé quelques larmes.
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