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Boom de naissances, croissance et popularité : ces idées reçues liées aux victoires en Coupe du monde

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La joie des supporters français devant la tour Eiffel, le 15 juin 2018 à Paris. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Vous vous attendez à un pic de naissances en avril 2019, ou à ce que la croissance dépasse les 3% et même à ce qu'Emmanuel Macron se fasse tranquillement réélire en 2022 grâce à la bande de Didier Deschamps ? Modérez votre enthousiasme.

"J'annonce un pic de naissances le 15 avril 2019 !" "Oui, et les enfants s'appelleront tous Kylian et Presnel !" "Il y en a un qui s'en sort bien, c'est Macron, il va faire comme Chirac, voir sa popularité exploser et être réélu sans rien faire en 2022 !" "Surtout que la croissance va ex-plo-ser avec cette victoire !" Peut-être avez-vous prononcé, entendu ou lu ces phrases lors de la soirée qui a suivi le sacre des Bleus face à la Croatie à Moscou. Quatre affirmations qui ne se vérifieront probablement pas. Voici pourquoi.

"J'annonce un pic de naissances le 15 avril 2019"

Le mythe a la vie dure. Emportés par leur élan, désinhibés par la joie (et peut-être aussi par l'alcool), les Français fêtent la deuxième étoile jusqu'à tard dans la nuit, et le résultat arrive neuf mois plus tard, à la maternité. Peut-être ce pic de natalité se produira-t-il, mais les précédents n'incitent pas à y croire. Prenez le mois d'avril 1999, neuf mois après la première étoile décrochée par Aimé Jacquet et ses hommes. Point de boom de naissances, au contraire, montrent les chiffres de l'Insee. Avec 61 179 naissances, ce mois d'avril demeure dans la moyenne, et se fait même dépasser par les mois de mars, de mai et juin 1999. Sur l'année, la variation avec 1998 est négligeable. 

L'Institut national des études démographiques (Ined) indique dans son magazine Populations et sociétés de janvier 2011 que le dernier évènement à avoir durablement modifié la natalité n'est autre que la canicule de 2003. Il faisait beaucoup trop chaud pour travailler, mais pas seulement : neuf mois plus tard, on observe une nette baisse des naissances sur les mois du printemps.

Lier le moindre frémissement du taux de natalité à un évènement sportif est donc un exercice qui peut s'avérer périlleux. Le Telegraph s'y était risqué en 2003, neuf mois après l'accession en quarts de finale des Three Lions lors du Mondial asiatique sans éléments probants. Méfiez-vous pour autant des constats faits à court terme : après la victoire du FC Barcelone en Ligue des champions en 2009, la presse avait évoqué une hausse des naissances de 45% en Catalogne neuf mois plus tard... un chiffre ramené à 16% par des chercheurs par la suite, ce qui ne représente que quelques centaines de naissances en plus sur quelques mois. Le contexte économique catalan, la région la plus riche d'Espagne, y est sans doute aussi pour quelque chose : neuf mois après la victoire de l'Espagne au Mondial 2010, le taux de natalité, orienté à la baisse, ne se redresse pas.

"Oui, et les enfants s'appelleront tous Kylian et Presnel !" 

Franceinfo s'était déjà posé la question lors de l'Euro 2016, en tablant sur une génération de petits Paul, Dimitri ou Antoine. Erreur : les prénoms de footballeurs, et plus largement de personnalités, n'influent qu'à la marge sur le choix des parents, nous expliquait Baptiste Coulmont, sociologue spécialiste des prénoms. "Ces prénoms ne deviennent pas du jour au lendemain des prénoms très donnés. Ce n'est pas limité aux sportifs. Il y a eu quelques dizaines de Mazarine vers 1995, des Victoire en 1918 ou des Joffre vers 1915", détaillait-il.  

En avril 1999, un des prénoms les plus donnés, c'est Lilian. Ce prénom, qui végétait à environ 200 bébés par an, passe brusquement à 877 en 1998, pour atteindre un pic à 1 219 en 1999. Plus troublant, sa courbe épouse parfaitement la carrière de Lilian Thuram, avec un nouveau pic en 2006, quand le défenseur porte les Bleus en finale du Mondial. "D'autres prénoms en -ian connaissent le même succès au même moment : Killian, Dorian, Brian et, dans une moindre mesure, Celian et Kelian", remarque Baptiste Coulmont. Parmi eux, un certain Kylian Mbappé, né en décembre 1998. Son prénom est donc le résultat de la mode en 1998, et ne devrait pas en créer de nouvelle en 2018, la courbe de ce prénom étant en perte de vitesse.

Kylian
Infogram

"Il y en a qui s'en sort bien, c'est Macron, sa popularité va exploser"

"Nous n'y sommes pour rien, mais profitons-en", a commenté Emmanuel Macron lors du dernier Conseil des ministre avant la finale. C'est Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, qui a vendu la mèche. En 1998 (mais aussi dans une moindre mesure après l'Euro 2000), la cote de popularité du président Jacques Chirac avait bondi, gagnant jusqu'à 18 points selon l'Ifop. "On peut s'attendre à un gain de 5 ou 6 points", s'avançait avant la compétition Gaël Sliman d'Odoxa. 

Mais ces gains de popularité sont en réalité très liés à la croissance économique. François Hollande, embourbé dans une crise économique avec un taux de chômage record, et victime d'un climat pesant autour du terrorisme, n'avait pas bénéficié du tout du bon parcours des Bleus à l'Euro 2016 : 13% de confiance en juin, 12% en juillet selon TNS Sofres, malgré un léger rebond en septembre qui ne durera pas.

Le président de la République, Emmanuel Macron, exulte lors de la finale de la Coupe du monde entre la France et la Croatie, le 15 juillet 2018, à Moscou en Russie. (ALEKSEY NIKOLSKYI / SPUTNIK / AFP)

François Hollande l'avait joué profil bas lors de la compétition, alors que Jacques Chirac en 1998 ou Emmanuel Macron cette année se sont mis en scène. Jusqu'à sauter de joie de manière théâtrale dans la tribune présidentielle, devant un Joao Havelange (en 1998) ou un Vladimir Poutine (en 2018) médusés. 

"Surtout que la croissance va ex-plo-ser avec cette victoire !"

La croissance d'un pays bénéficie-t-elle vraiment d'une victoire en Coupe du monde ? Là encore, rien d'évident, à en croire les exemples récents. L'Espagne a ainsi enchaîné une année 2009 avec une récession de 3,6% puis une année 2010 marquée par une croissance nulle l'année du sacre. En Allemagne, le PIB avait connu un léger mieux pendant la Coupe du monde de 2014 avant de se contracter de 0,2% sur l'année. "La victoire a amélioré l'humeur du pays sur le court terme, mais ça n'a eu aucun impact notable sur le moral des ménages", constatait alors un analyste de l'institut GFK, cité par le Guardian.

Cette année, Ludovic Subran, chef économiste de l'assureur crédit Euler Hermes, s'attend à un sursaut de 0,2 point de la consommation française supplémentaire, ce qui se traduira par un gain de croissance de 0,1%. Pas de quoi changer la face du pays, donc.

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