Héros, zéro ou Zorro... l'insaisissable Karim Benzema
Ancien joueur maudit sous le maillot bleu, l'attaquant est devenu le leader de l'équipe de France après ses deux buts contre le Honduras.
Karim Benzema tient sa revanche. Après avoir été sifflé il y a plus d'un an au Stade de France, lors de la défaite des Bleus face à l'Espagne en match de qualification pour le Mondial, l'attaquant tricolore peut sourire. Surtout depuis qu'il a inscrit deux buts (officieusement trois) face au Honduras (3-0) lors de la première rencontre de son équipe au Brésil, pour la Coupe du monde, dimanche 15 juin. Maudit lorsqu'il n'arrivait pas à marquer avec la France entre juin 2012 et octobre 2013, il est désormais porté aux nues par tout un pays. Ironique ? Non, fidèle à la carrière de "la Benz", faite de hauts et de bas.
L'idole des Gones
En 2008, le Guardian (en anglais) voit carrément en lui le futur Ronaldo. "Il a toutes les qualités pour tourmenter les meilleures défenses comme personne depuis, oui, Ronaldo", écrit le journal britannique alors que l'avant-centre de l'Olympique lyonnais plante des buts à la chaîne. Né en 1987, de parents d'origine algérienne, Karim Benzema porte le maillot de l'OL dès ses 9 ans. Il devient la vedette du club entre 2004, et son premier match chez les pros, et 2009, lorsqu'il est transféré au Real Madrid. A Lyon, sa ville natale, il est l'idole des supporters, le buteur maison, le produit du centre de formation qui s'expatrie dans un grand club européen quand l'heure est venue. Jusqu'à l'affaire Zahia.
En avril 2010, sa popularité est écornée lorsque son nom est cité dans ce scandale sexuel qui touche le football français. Karim Benzema est alors soupçonné d'avoir eu une relation sexuelle avec Zahia, une escort-girl mineure à l'époque des faits, dans un hôtel parisien, en 2008. Le joueur nie en bloc. Et les accusés, dont Franck Ribéry, de plaider qu'ils ne connaissaient pas l'âge de la jeune fille. Benzema est finalement relaxé, en janvier 2014. La fin d'un "cauchemar" pour le footballeur, d'après son avocat.
Catalogué comme un sale gosse pourri gâté
Trop tard. Entre temps, le mal est fait. S'il n'a pas participé à la grève de Knysna en Afrique du Sud – il n'avait pas été sélectionné pour le Mondial 2010 par Raymond Domenech –, Karim Benzema est catalogué parmi les sales gosses du foot hexagonal. L'attaquant du Real Madrid est associé aux problèmes de comportement de la génération 1987, championne d'Europe des moins de 17 ans en 2004 avec Samir Nasri, Jérémy Menez et Hatem Ben Arfa dans ses rangs. Des joueurs aussi gâtés sur le plan technique que pourris aux yeux de l'opinion. Excepté Karim Benzema, aucun d'entre eux n'est aujourd'hui dans les petits papiers de Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus.
En 2012, l'hebdomadaire VSD publie une enquête, où l'avant-centre français est accusé d'être un "petit-fils ingrat". Payé 708 000 euros par mois au Real Madrid, le joueur refuserait, en effet, d'assumer seul la pension alimentaire de 1 500 euros que sa grand-mère maternelle, "qui l’a en partie élevé", insiste le magazine, lui réclame devant la justice. La nouvelle est vite reprise. Sauf que la vieille dame abandonnera, plus tard, la procédure et avouera avoir été "manipulée", rapporte Le Progrès. D'après elle, "cette affaire est allée beaucoup trop loin". "Je sais ce qu’il fait avec ses parents pour moi. Ils ne me laissent jamais dans le besoin. Quand je suis partie en Algérie, où je n’avais pas été depuis vingt-cinq ans, c’est Karim qui a tout payé", regrette-t-elle dans le journal régional. Mais cette fois, l'information est bien moins relayée.
Un génie incompris ?
Karim Benzema conserve cette image de footballeur millionnaire et égoïste. Bling-bling, aussi. Sur Instagram, il s'affiche au volant de sa Ferrari, en pleine réflexion devant son bol de céréales ou avec Booba. Une amitié avec "B2O" qui fâche d'ailleurs un autre rappeur français, Rohff, proche lui aussi du Madrilène. Car les deux stars du hip-hop se détestent. Du coup, Rohff, qui a partagé "le mic" avec Benzema sur le titre Fais-moi la passe, sur son album La Cuenta, a piqué une crise de jalousie.
A contrepied, Didier Deschamps défend son avant-centre, dont l'image ne reflète pas la personnalité. "Entre ce qu’il est et ce que le joueur peut laisser transparaître, il y a un décalage", confie le sélectionneur tricolore après le match France-Honduras. "Comme tout génie, Benzema est mal compris, confirme le quotidien sportif espagnol Marca (en espagnol). Sa relation avec Bernabeu [le stade du Real Madrid] est bipolaire. Il est quasi impossible de rencontrer un supporter madrilène qui n'ait jamais insulté ou encensé Karim. Parfois lors du même match. L'amour et la haine."
"La Benz" et son moteur diesel
A Madrid, le joueur a connu quelques difficultés à ses débuts. "La Benz" est un diesel. Recruté pour 35 millions d'euros, il lui a fallu une période d'adaptation. Ses entraîneurs, Manuel Pellegrini puis José Mourinho, lui préféraient Gonzalo Higuain à la pointe de l'attaque. Mais Benzema s'impose. Peu à peu. Celui que le "Mou" surnommait "el gato" (le chat, parce que considéré comme trop tendre) mange du lion. Résultat : un titre de champion d'Espagne, une Coupe du Roi, une Ligue des champions, 111 buts inscrits sous le maillot des Galactiques, 54 passes décisives et une place de titulaire indiscutable aux côtés de Gareth Bale et Cristiano Ronaldo.
Et si Benzema était aussi bon avec les Bleus ? "Je ne veux surtout pas qu’il se sente investi d’une mission spéciale, que tout dépende de lui", tempère Didier Deschamps. N'empêche, la Coupe du monde (sa première) est une belle occasion de briller et de redorer son blason.
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