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Insultes, mépris d'anciens joueurs... Les commentatrices de la Coupe du monde 2018 ciblées par des remarques sexistes

Lors du Mondial russe, des femmes commentent des matchs dans plusieurs pays. Un fait relativement nouveau qui ne plaît pas à tout le monde.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
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La commentatrice anglaise de la BBC, Vicki Sparks, le 20 juin 2018 à Moscou (Russie). (DAVE SHOPLAND / BPI / SHUTT / SIPA)

Pour la première fois dans l'histoire de la Coupe du monde de foot masculine, des femmes commentent dans plusieurs pays des matches du Mondial 2018. Claudia Neumann sur la chaîne ZDF en Allemagne, Vicki Sparks sur la BBC au Royaume-Uni, Hanna Marklund pour TV4 en Suède, Lise Klaveness pour NRK en Norvège (la seule a déjà avoir commenté en 2014 au Brésil) ou encore Aly Wagner pour Fox aux Etats-Unis ont brisé un plafond de verre à l'occasion du Mondial russe. Mais ces précurseuses sont la cible d'un torrent d'insultes sexistes.

"Je ne veux pas de femmes comme commentatrice de foot ! C'est clair !" "Vicki Sparks sur BBC elle est horrible. L'égalité à marche forcée me fait grincer des dents", peut-on lire sur Twitter. "J'imagine que Neumann n'est même pas capable non plus de cuisiner une bonne soupe de patate !", lâche un autre internaute hargneux. Maria Jose Gonzalez, qui commente depuis le Mexique pour le réseau Sky Sports, a aussi essuyé nombre d'insultes sexistes. "Bien sûr, j'ai eu des commentaires négatifs, surtout par rapport au fait que je suis une femme", explique-t-elle à l'AFP.

"Je préfère une voix d'homme quand je regarde le football"

Les critiques ne se sont pas cantonnées aux réseaux sociaux. Sur le plateau de la télévision britannique ITV, Jason Cundy, ancien joueur de Chelsea, a confié qu'il "préfère une voix d'homme quand [il] regarde le football". "Je n'aimerais pas écouter une voix aiguë pendant 90 minutes, a-t-il poursuivi. Quand il y a des actions, comme il y en a souvent dans le foot, ces actions devraient être commentées avec une voix plus grave."

L'ancien international anglais John Terry a laissé entendre avoir du mal avec une voix féminine. Sur Instagram, il avait dit "devoir éteindre le son" lors des matchs commentés par Vicki Sparks. Après un déluge de critiques, il a prétexté avoir "un problème technique".

"On dépasse toutes les limites"

Face à ce déferlement, outre de nombreux soutiens sur internet, employeurs, confrères et instances sportives sont montées au créneau. Car même dans des pays considérés à la pointe de l'égalité femmes-hommes, les commentatrices ont été vilipendées. "Lise Klaveness s'est blindée (...) Elle est exceptionnellement bien informée et a dû franchir bien des obstacles. Lise mérite qu'on lui rende hommage", a ainsi martelé, dans le quotidien Aftenposten, Egil Sundvor, le directeur des sports de NRK, la chaîne publique norvégienne.

En Allemagne, Claudia Neumann, qui officiait déjà lors de l'Euro-2016 ou de la Ligue des champions, a reçu le soutien de la Confédération olympique et sportive allemande. Bibiana Steinhaus, première femme à arbitrer des rencontres de Bundesliga masculine cette année, qui a traversé des épreuves similaires, lui a aussi signifié sa solidarité. "Nous acceptons bien entendu les critiques, aussi celles sur les commentateurs mais, en ce qui concerne Claudia Neumann, on dépasse toutes les limites !", se plaint le chef des sports de ZDF, Thomas Fuhrmann.

"Peu de femmes souhaitent être commentatrice"

La solution, selon la Confédération olympique et sportive allemande, "mettre plus de commentatrices dans des disciplines prétendument masculines et surtout des voix féminines dans le football lors des Coupes du monde et d'Europe ou en Ligue des champions". Certains médias disent vouloir changer. La télévision publique allemande ARD a ainsi annoncé chercher "à moyen terme" une commentatrice pour des rencontres masculines.

Mais "je me rends compte que peu de femmes souhaitent emprunter le chemin de commentatrice", argumente Axel Balkausky, chef des sports de la chaîne, alors qu'en Allemagne plus de 90% des journalistes sportifs sont des hommes. La question est donc d'attirer des candidates malgré une atmosphère encore hostile. Et prêtes à faire face à des risques accrus : plusieurs journalistes sportives ont été agressées et embrassées de force par des supporters en Russie, parfois en direct.

Journaliste embrassée de force
Journaliste embrassée de force Journaliste embrassée de force (FRANCEINFO)

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