La fabuleuse histoire du trophée de la Coupe du monde, qui a échappé aux nazis, mais pas aux voleurs
C'est l'histoire d'un trophée qui a échappé aux nazis, qui a été fondu, découpé, copié, volé, rallongé... et qui conserve encore une sacrée part de mystère.
Dimanche 15 juillet, en fin d'après-midi, dans le froid stade Louijniki de Moscou (Russie), Hugo Lloris ou XXXX vont brandir la Coupe du monde. Un trophée dont on ne sait pas grand-chose. Officiellement, il pèse 5,5 kg. Mais s'il est vraiment fait d'or, comme l'affirme la Fifa, il devrait peser 20 fois plus. A moins qu'il soit creux ? Un professeur de l'université de Nottingham a émis cette hypothèse, la seule qui peut expliquer que les vainqueurs ne se fassent pas un tour de reins en brandissant l'objet. C'est loin d'être le seul mystère de la coupe du monde, qui a une histoire incroyable. La preuve.
Sauvé des griffes des nazis
La Coupe du monde n'a pas toujours eu la forme d'un globe soutenu par deux cariatides sportives. Le premier trophée, commandé par Jules Rimet, alors président de la Fédération internationale de football (Fifa) au sculpteur parisien Abel Lafleur, représente la déesse de la victoire Nikè. En 1938, l'Italie remporte la troisième édition de la compétition et obtient, conformément au règlement de l'époque, le droit de garder le trophée pendant quatre ans. Mais en 1942, l'Italie ne remet pas la Victoire ailée en jeu : la seconde guerre mondiale bat son plein. Quand le régime de Mussolini s'écroule, en 1944, les nazis décident de s'emparer du trophée, sur décision d'Hitler, fasciné par les objets mythiques. Oui, comme pour l'Arche d'alliance dans Les Aventuriers de l'arche perdue.
Point d'Indiana Jones pour protéger le trophée, mais un petit bonhomme rondouillard à grosses lunettes : le président de la fédération italienne Ottorino Barassi, qui décide de le mettre en lieu sûr. Au siège de la fédération italienne ? C'est exclu. Dans le coffre d'une banque de Rome ? Trop risqué. Pourquoi pas chez lui ? Il cache la Coupe du monde dans une boîte à chaussures, sous son lit. Une cachette tellement évidente... que les soldats nazis qui investissent plusieurs fois son domicile ne la trouvent pas. C'est en héros que Barassi ramène l'objet au Brésil, théâtre de la Coupe du monde 1950. Le trophée est sauvé... pour un temps.
En 1954, la RFA remporte la victoire, puis restitue le trophée avec 5 cm de plus à la Suède, pays organisateur du Mondial 1958, note FourFourTwo (en anglais). Sur le coup, personne ne s'étonne. Comparez pourtant les bases des deux coupes (ici et ici).
Le chien retrouve le trophée dans un buisson
Nouveau coup de théâtre en 1966. Le trophée (celui restitué par les Allemands de l'Ouest) est présenté au milieu... d'une exposition de timbres, dans un temple protestant, à Londres. Si, si. Ce dimanche 20 mai, c'est service religieux. La surveillance des gardiens s'en trouve un peu altérée. Lors de leur ronde, à 11 heures, le trophée est toujours là. A 12h10, la vitrine de verre est vide. C'est un organisateur un peu énervé qui répond à la chaîne britannique ITN : "Les gardes ne pouvaient pas surveiller le trophée tout le temps. Cependant, il peut s'agir d'une erreur humaine."
Peut-être que ce qui l'étonne le plus, c'est que les voleurs n'aient pas jeté un regard aux timbres d'une valeur de 3 millions de livres présentés dans la vitrine voisine, note la BBC (en anglais). Quelques jours plus tard, un homme prend contact avec la police, et réclame une rançon de 15 000 livres, une somme considérable pour l'époque. Rendez-vous est pris pour l'échange, dans la centrale électrique désaffectée de Battersea, comme dans La Marque Jaune, la plus célèbre aventure de Blake et Mortimer. Le policier s'y rend avec une mallette ne comportant que 500 livres en vrais billets, qui cachent du papier journal. Mais l'homme qui se présente au rendez-vous, finalement arrêté après une course-poursuite, n'a pas le trophée sur lui.
Paniquée, la fédération anglaise demande en urgence à un joaillier de Londres de fabriquer une réplique du trophée. Les dirigeants ont demandé la permission à la Fifa, qui a dit non. Mais qu'importe. L'honneur du royaume est en jeu.
Une semaine plus tard, David Corbett promène son chien Pickles, à Norwood, dans la banlieue sud de Londres. L'attention de l'animal est attirée par un paquet, dissimulé sous un buisson. Corbett, intrigué, le déballe. "J'ai vu une femme qui tenait un plateau, avec les mots 'Allemagne', 'Uruguay', 'Brésil'. Je me suis précipité chez moi en hurlant à ma femme, qui déteste le sport : 'J'ai retrouvé la coupe du monde'", raconte Corbett dans le Guardian (en anglais). Après un interrogatoire serré au commissariat, où la police le prend pour un suspect, David Corbett est innocenté et Pickles devient instantanément un héros national. "Il y avait les élections législatives ce jour-là, mais cette affaire a chassé le premier ministre Harold Wilson de la une des journaux !", se souvient Corbett. Pickles reçoit 5 000 livres de récompense... cinq fois plus que la prime destinée aux joueurs anglais après leur victoire contre l'Allemagne, en finale. Le chien a le droit d'assister à la réception officielle des joueurs, mais pas son maître. Il décroche même un rôle dans une comédie d'espionnage. Une gloire éphémère : il meurt, étranglé par sa laisse, en 1967, en poursuivant un chat.
Le mystère de la réplique de la Victoire ailée
Affaire classée ? Non. Car il y a désormais deux trophées dans la nature. En tribune présidentielle, Elizabeth II remet le vrai trophée au capitaine Bobby Moore, leader de l'équipe anglaise qui remporte le tournoi en 1966. Sur le terrain, le joueur anglais Nobby Stiles veut faire un tour d'honneur avec, mais les policiers le ceinturent et lui donnent la réplique à la place, celle commandée par la fédération anglaise après le vol. Au balcon de Buckingham, les joueurs anglais brandissent la réplique, raconte le Financial Times. Personne ne s'en aperçoit. Mais alors quel trophée renvoie la fédération anglaise au Mexique, en 1970, si personne ne fait la différence ?
Cette année-là, le Brésil remporte pour la troisième fois le trophée et obtient de ce fait le droit de le conserver définitivement, conformément au règlement en vigueur à l'époque (ce n'est plus le cas aujourd'hui). La Fifa crée alors un nouveau trophée, celui qu'on connaît aujourd'hui, avec suffisamment de place pour y graver les noms des vainqueurs jusqu'en 2038.
La fédération brésilienne, elle, cache sa coupe en lieu sûr. Jusqu'en 1983, quand est organisée une exposition autour de l'objet. La pièce maîtresse, c'est bien sûr la Victoire ailée, placée sous vitre blindée. Sauf côté du mur, où un simple panneau de bois clôt la vitrine. Que croyez-vous qu'il arriva ? Des cambrioleurs bien informés parvinrent à desceller le panneau de bois avec un simple pied-de-biche. Il ne fallut pas longtemps avant que la presse anglaise ne déterrât la phrase du président de la fédération brésilienne, qui avait dit en 1966 après la mésaventure anglaise : "Un tel vol ne serait jamais arrivé au Brésil. Même les voleurs brésiliens aiment le foot et ne commettraient jamais un tel sacrilège."
Vraiment perdu à tout jamais ?
Curieusement, Pelé dédouane les brigands : "Ce n'est pas la faute des voleurs, mais des autorités, car les gens sont désespérés, sans argent et sans nourriture", lâche le légendaire attaquant brésilien, cité par le livre The Theft of the Jules Rimet Trophy (en anglais). La police arrête rapidement trois criminels de petite envergure, qui auraient monté leur plan autour d'une table de bar et d'une bouteille de cachaça, rapporte le site V-Brazil (en anglais). La croyance populaire veut qu'ils aient fondu leur trophée de 1,8 kg en lingots d'or. Sauf que la Victoire ailée est faite d'or et d'argent mêlés, ce qui rend impossible sa fonte, relève le Financial Times. Le trophée trône-t-il sur la cheminée d'un riche collectionneur ? On ne le saura peut-être jamais.
Pour la petite histoire, la société Eastman Kodak a offert au Brésil de produire une réplique en utilisant les moules ouest-allemands de 1954. Avec l'aide du joaillier brésilien Frederic, la copie du trophée fut prête en moins d'une semaine.
La réplique anglaise a, elle, refait parler d'elle en 1997, quand elle a été vendue par la salle de vente londonienne Sotheby's. Estimée à 20 000 livres, cette copie s'est arrachée 254 000 livres à cause de l'acharnement de deux enchérisseurs bien particuliers : la Fifa et la fédération brésilienne. Toutes deux étaient convaincues que la fédération anglaise n'avait pas remis en jeu le vrai trophée, en 1970. C'est l'instance internationale qui l'a emporté. Sa première réaction a été de faire expertiser l'objet, raconte ESPN dans le documentaire Mysteries of the Rimet Trophy (en anglais). Après examen technique, ils ont découvert que l'objet était en bronze avec une couche d'or. Pas de chance, il s'agissait bien de la réplique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.