Mondial féminin : cinq réponses à Jean-Louis, votre beau-père, qui trouve que le foot "n'est pas un sport de nanas"
La Coupe du monde, organisée au Canada, commence pour l'équipe de France par un match piège contre l'Angleterre.
Lors de l'inévitable repas dominical, entre le gigot-flageolets et le plateau de fromages, Jean-Louis, votre beau-père, qui fait semblant de ne pas aimer le foot, ni l'équipe de France de Didier Deschamps, vous a pris à témoin. "Tu as vu ce qui nous attend ces prochaines semaines à la télé : la Coupe du monde féminine [du 6 juin au 5 juillet, au Canada] ? Sérieusement... Déjà que le tennis féminin, c'est pas terrible, mais alors du foot ! Tu te rends compte ?" Avant l'entrée dans le tournoi de l'équipe de France, mardi 9 juin contre l'Angleterre, il n'est pas trop tard pour lui ôter quelques clichés de la tête.
"Les équipes féminines, ça joue à deux à l'heure, non ?"
C'est vrai, le foot féminin ne se joue pas au rythme d'enfer des sommets de Ligue des champions. Les femmes, à la capacité aérobique et cardiaque inférieure, courent environ 3% de moins que les hommes, mais surtout effectuent 30% de sprints violents en moins, analyse la revue Human Movement Science. Elles faiblissent aussi plus nettement en seconde période, note Science Daily. Mais cela ne veut pas dire que le spectacle proposé n'est pas digne d'intérêt. C'est comparable à l'impression que peut avoir l'amateur de foot en regardant un match (masculin) des années 1970. C'est plus collectif, assez technique, mais moins effréné. "Après la première Coupe du monde féminine, en 1991, les arbitres habitués aux matchs masculins avaient reconnu être plus fatigués après avoir arbitré des rencontres féminines", fait remarquer Anson Dorrance, coach de l'équipe de soccer de l'université de Caroline du Nord, cité par le site Discovery.
"Contre une équipe masculine de CFA, elles se feraient démonter !"
Affirmation gratuite, Jean-Louis. Personne n'a encore eu l'idée d'organiser un "combat des sexes", comme entre Bobby Riggs et Billie Jean King au tennis, en 1973. Trente ans plus jeune que son adversaire, la n°1 mondiale de l'époque l'avait sèchement battu en trois sets secs. La seule référence dont on dispose, c'est un match ayant opposé au début des années 1920 la plus grande équipe de foot féminine de tous les temps, les Dick, Kerr Ladies, émanation d'une usine d'armement de Preston (Angleterre) après la première guerre mondiale, et l'équipe masculine de la fabrique. Ces dames l'avaient emporté.
Cela dit, les experts reconnaissent qu'une équipe féminine éprouverait les pires difficultés contre une opposition masculine de niveau équivalent. L'ex-sélectionneuse de l'Angleterre, Hope Powell, avait fait sensation en déclarant dans une émission pour enfants qu'elle pensait possible que son équipe batte le onze des Gerrard et Lampard. Avant de se rétracter dans The Independent (en anglais) : "Je n'étais pas sérieuse. Si vous parlez des joueurs de l'élite, ils sont beaucoup trop rapides, trop puissants, trop forts pour nous. Mais nos joueuses sont douées techniquement. Ce n'est pas pour rien que filles et garçons jouent encore ensemble jusqu'à 14-15 ans."
"Le problème, c'est que la gardienne fait 1,50 m, non ?"
Carton jaune, Jean-Louis ! La joueuse la plus exposée à la critique dans le foot féminin, c'est la gardienne de but. A la moindre sortie hasardeuse sur corner, les critiques fusent. La gardienne tricolore Sarah Bouhaddi en a fait l'amère expérience après l'élimination contre le Japon en demi-finale des JO 2012, avec deux grossières erreurs sur coups de pied arrêtés. L'entraîneur du PSG féminin, Farid Benstiti, reconnaît dans L'Equipe qu'il y a une vraie carence du poste en France : "On a du retard, comme cela a pu être le cas pour les garçons il y a quelques années. Il faut susciter des vocations."
La gardienne Karen Bardsley a été laminée par la presse anglaise (lire cet article au vitriol du Daily Mail) pour avoir marqué un but contre son camp au premier tour de l'Euro 2013, qui a entraîné l'élimination de l'Angleterre. Dans le Guardian, deux ans plus tôt, elle pestait : "C'est très énervant que la gardienne soit toujours critiquée et qu'on ne reçoive jamais de louanges quand c'est dû. Lors de la Coupe du monde 2010, pas mal de gardiens n'étaient pas à leur top niveau et on n'en a pas entendu autant. Ça dépend juste des préjugés des gens. On fait de notre mieux. C'est toujours plus facile d'être critique."
"Au foot féminin aussi, le foot est un sport qui se joue à 11 contre 11 et, à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne !"
La célèbre phrase de Gary Lineker peut aussi s'appliquer à la Mannschaft féminine. Avec deux Coupes du monde au palmarès, huit Euros (dont les six derniers consécutivement) et trois médailles de bronze olympiques, l'armoire à trophées est bien remplie. Mais il ne faut pas croire que l'Allemagne a déjà gagné le tournoi, après avoir écrasé une faiblarde équipe ivoirienne 10-0 pour son entrée dans la compétition samedi 6 juin. Comme le remarque le site de statistiques FiveThirtyEight, la différence de buts entre le vainqueur d'un match et son adversaire est passée de 2,8 buts à 1,5 entre 1999 et 2011.
Le site s'est risqué à un pronostic : l'Allemagne est favorite, juste devant les Etats-Unis. Suit un groupe de cinq outsiders : le Japon (tenant du titre), le Canada (le pays hôte), la France, la Suède et le Brésil. Un espoir pour les Bleues : FiveThirtyEight s'était trompé dans les grandes largeurs en prédisant un succès du Brésil au dernier Mondial masculin. Il est plus fiable en politique, car il a prédit les conditions exactes de la réélection de Barack Obama en 2012.
"Et leurs primes de match, c'est des boîtes de maquillage, tant qu'on y est ?"
Carton rouge, Jean-Louis ! Dans les temps héroïques, les footballeuses jouaient vraiment pour la gloire. Les Américaines n'étaient défrayées que 10 dollars par jour pendant la Coupe du monde 1991. Qui ne s'appelait d'ailleurs pas "Coupe du monde", la Fifa ayant interdit l'utilisation du nom pour lui préférer l'épouvantable "championnat du monde féminin de la Coupe M&M's". Devant le succès populaire de l'événement – 60 000 spectateurs dans les gradins à chaque match –, l'instance mondiale fait machine arrière et baptise l'édition 1995 "la deuxième Coupe du monde", rappelle le Guardian.
En 2015 , la prime de victoire pour gagner la Coupe du monde s'élève à 2 millions de dollars (1,78 million d'euros), deux fois plus que pour l'édition 2011. Mais ça reste beaucoup moins que ce qu'ont empoché les Allemands, vainqueurs du Mondial brésilien (35 millions de dollars, 31 millions d'euros).
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