Quelques idées reçues sur la chute de productivité pendant la Coupe du monde
L'événement cumule 16 milliards de téléspectateurs. Et il en reste combien qui bossent ?
C'est ce qui s'appelle montrer le mauvais exemple : le président du Honduras a séché un rendez-vous avec Joe Biden, le vice-président américain, pour regarder le match de son pays contre la France.Avant chaque grande compétition, on nous bassine avec les chiffres culpabilisateurs sur les grands évènements sportifs qui feraient exploser l'absentéisme au travail, qui mineraient la productivité et qui feraient perdre des milliards d'euros à l'économie mondiale. Info ou intox ?
Pendant le Mondial, l'économie s'effondre
FAUX. La Coupe du monde coûterait environ 0,1 point de croissance mondiale en jours de congé bidons et en journées de travail écourtées, d'après une étude effectuée pour la Coupe du monde 2006 relayée par Le Parisien. Un calcul assez théorique. Pour les sept milliards de dollars déduits du PIB britannique, les économistes ont décidé de façon arbitraire que chaque salarié suivrait sur son lieu de travail le Mondial pendant une heure. Ce qui ne prend pas en compte le bond de la consommation de bière, la hausse de la fréquentation des pubs, autant de facteurs positifs pour la croissance britannique. "Il ne faut pas prendre ces chiffres au pied de la lettre, c'est une manière de lancer le débat", minimise John Challenger, du cabinet de conseil Challenger, Gray et Christmas dans le Chicago Tribune (en anglais).
Exception faite du Brésil. Là-bas, les jours fériés exceptionnels décrétés par l'Etat de Rio de Janeiro pour chaque match du Brésil, pèsent lourd. Non seulement les salariés ordinaires ne travaillent pas, mais il faut payer double les fonctionnaires mobilisés ces jours-là (police, pompiers...). Un cabinet de Sao Paulo, Fecomercio, a estimé le manque à gagner pour l'économie brésilienne à 13 milliards de dollars, rapporte Associated Press. Le ministère du Tourisme espère compenser ces pertes par des revenus supplémentaires dûs à l'afflux de touristes. Ce qui n'est pas gagné. Le supporter en déplacement est généralement radin.
Pendant le Mondial, la Bourse s'effondre
FAUX, MAIS... Si les grands évènements sportifs ne génèrent pas de krach boursier, il est intéressant de noter que l'activité boursière tourne particulièrement au ralenti pendant la compétition. Pendant la durée du Mondial 2010, le volume des échanges boursiers avait baissé de 45%. Une étude américaine montre qu'une élimination de l'équipe nationale entraîne une baisse de 0,5% des cotations le lendemain de l'élimination, dans les pays où le football est populaire. L'Angleterre est (piteusement) éliminée le 20 juin. Le lendemain, la City clôturait en baisse de 0,34% alors que le marché mondial était stable. En revanche, ne comptez pas sur une victoire pour booster les cours : "une victoire n'entraîne aucun mouvement particulier", ajoute Alex Edmansn professeur à la London School of Economics, sur le site de la BBC (en anglais). Un sacre mondial entraîne une hausse de 3,5% du marché boursier, avant une baisse de 4% sur douze mois, d'après Goldman Sachs. Une longue gueule de bois en somme.
Pendant le Mondial, la productivité s'effondre
FAUX. C'est en Chine que se concentre la majorité des problèmes répertoriés durant ce Mondial , à cause du terrible décalage horaire. Pour les fans chinois, les matchs se déroulent entre 3 heures et 6 heures du matin. Dur d'enchaîner avec une journée de travail derrière. L'affaire des faux certificats médicaux en vente sur Taobao, l'équivalent chinois de eBay, a fait grand bruit. Ceux qui ont mordu à l'hameçon s'en mordent déjà les doigts : "c'est un faux ! Mon entreprise s'en est aperçue et j'ai été viré", affirme un acheteur mécontent sur Taobao, repéré par Business Insider (en anglais).
La fédération américaine surfe sur ce buzz, le sélectionneur Jürgen Klinsmann tweetant un mot d'excuse à remplir soi-même pour pouvoir assister au match décisif contre l'Allemagne.
And don't forget to wear your jersey !! #businessattire RT @ussoccer: Need note to get out of work Thurs? #LetsDoThis pic.twitter.com/fa49OKM0hu
— Jürgen Klinsmann (@J_Klinsmann) 25 Juin 2014
Dans d'autres pays, les entreprises sont plus accomodantes. 91% des sociétés argentines autorisent leurs salariés à cesser le travail pour regarder les matchs de l'équipe nationale, d'après le cabinet de ressources humaines Mercer, cité par Canoe.ca. Le patron de la branche asiatique du site de recherche d'emploi eFinancialcareers encourage ses salariés à venir au travail avec le maillot de leur équipe favorite, relève Channel New Asia. Un des principaux syndicats allemands, IG BAU, a demandé une tolérance sur les horaires en fonction des principaux matchs.
Faut-il pour autant s'acharner à ce point sur la Coupe du monde ? Jusqu'à présent, aucun cabinet d'économistes n'a publié une étude sur l'impact de la série Game of Thrones sur l'économie mondiale. Pourtant, mis à part un chef d'entreprise britannique, aucun patron n'a pris en compte le phénomène qui empêche des millions de gens de dormir dans la nuit du dimanche au lundi, dans l'attente de leur épisode hebdomadaire.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.