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D1 Arkema : Saint-Brieuc, Juvisy, Le Crès... Comment les rachats de licence ont permis le développement des sections féminines des grands clubs

Huit clubs sur les douze présents en première division féminine cette saison ont eu recours à un rachat de licence d'un club amateur.

Article rédigé par franceinfo: sport - Maël Russeau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Gaëtane Thiney sous les couleurs de FCF Juvisy (en 2013) puis du Paris FC (en 2022), après l'absorption du premier par le second en 2017. (AFP)

FC Lyon, Toulouse OAC, Saint-Brieuc FF, Montpellier Le Crès. Le championnat d'élite féminin français d'il y a vingt ans n'a plus rien à voir avec celui d'aujourd'hui. Les rachats de licence et absorptions de clubs par les pensionnaires de Ligue 1 et Ligue 2 masculines ont modifié le paysage de la, désormais, D1 Arkema. Dernier exemple en date, le club historique de Juvisy, sextuple champion de France, devenu Paris FC en 2017.

Ce phénomène ne date pas d'hier, mais il s'est accentué au cours de la dernière décennie. Si le Stade de Reims et le PSG font figure de pionniers avec la création d'une section féminine il y a plus de cinquante ans (1968 à Reims et 1971 à Paris), les sept autres clubs professionnels présents dans l'élite ont eu recours à des absorptions. Fleury, Issy-les-Moulineaux et Soyaux sont les exceptions d'un modèle qui tend de plus en plus vers l'absorption de tous les clubs amateurs par des mastodontes déjà présents dans le haut-niveau masculin.

Se lancer au plus haut niveau

C'est Montpellier qui a inauguré cette pratique sous l'impulsion de Louis Nicollin en absorbant le club de Montpellier Le Crès en 2001. Trois ans plus tard, en 2004, l'Olympique lyonnais rachetait la licence du FC Lyon pour la réussite que l'on connaît. Un phénomène qui ne touche pas que la France, bien au contraire. En 2020, le Real Madrid a lancé sa section féminine en absorbant le CD Tacon. La Maison Blanche a, depuis, connu son premier quart de finale européen face à l'ennemi barcelonais, bien en avance. 

La raison sportive est évidente, il s’agit pour ces grosses structures de commencer immédiatement dans l’élite en intégrant le championnat de l’équipe absorbée. Dans le cas contraire, il faut gravir les échelons du district à la D1, ce qui prend de longues années. Certains clubs comme l’Olympique de Marseille, Le Havre ou Nantes ont tout de même pris la décision de partir de zéro pour former une section féminine pérenne, de la formation à l’équipe première. Pour certains, c’est aussi une question géographique avec aucun club d’un tel niveau à proximité.

Le développement du football féminin entraîne inévitablement une augmentation des dépenses et des investissements pour les clubs engagés pour encore peu de rentabilité. "Le foot féminin aujourd’hui est déficitaire, et vraisemblablement, les déficits sont comblés par les sections masculines", analyse Luc Arrondel, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'économie du football. Les équipes gérées par des structures amateures se retrouvent donc, plus facilement, en proie à des difficultés financières.

Exemple criant, Saint-Brieuc, historique du football féminin et club formateur de Camille Abily et Eugénie Le Sommer, meilleure buteuse de l’histoire de l’équipe de France, a dû se résoudre à vendre sa licence à Guingamp en 2011. "Le Stade Briochin était en difficulté notamment financière, leur équipe masculine venait de tomber en DSE (aujourd’hui R1) et ils n’avaient pour seule subvention que le conseil départemental", raconte Christophe Gautier, responsable de la communication du côté de Roudourou, déjà présent à l’époque.

Des clubs renommés au détriment des historiques ?

"Il y avait une volonté du club de vendre la section féminine. Une fois que le club s’est restabilisé, on a pu la recréer", commente de l’autre côté de la transaction, Leslie Sychareunh, joueuse au moment de l'absorption et désormais responsable de la section féminine de Saint-Brieuc, aujourd'hui en division départementale.

Se pose donc la question de la survie des clubs iconiques du championnat féminin, fonctionnant sur le modèle associatif. L’équipe de Juvisy, six fois champion de France, a fait le choix de s’allier avec le Paris FC. Une fusion selon les dires des dirigeants de l’époque, mais une véritable absorption dans les faits. Si les joueuses et la présidente ont migré du côté de Charléty et d’Orly (centre d’entraînement), le logo, le nom et l’identité essonnienne ont disparu.

"En Angleterre, ils ne se sont pas embêtés, ils ont établi un cahier des charges et si vous ne répondez pas aux critères, vous sortez de la compétition d’élite. Des clubs historiques en ont payé le prix."

Luc Arrondel

franceinfo: sport

A Soyaux, à la lutte pour le maintien, la question d’une fusion revient souvent sur la table. A des centaines de kilomètres de clubs professionnels, l’option Angoulême, pensionnaire de National 2 chez les hommes revient avec insistance. "Je sais que ça va être difficile et peut-être qu’il va falloir passer par une fusion. Mais on va essayer de rester 100% féminin tant qu’on peut", souligne Afif Sfar, manager général de l’ASJ Soyaux qui réfléchit à un modèle "innovant" pour conserver les valeurs du club.

La promesse de plus de moyens, de meilleures infrastructures, de plus beaux stades pour un meilleur niveau et une meilleure visibilité remet sur la table le serpent de mer de la professionnalisation du championnat français. Un pas déjà franchi en Angleterre, en Espagne ou en Italie.

"On n’aura pas le choix, il faut que la mentalité française change. Il faut que tout le monde y mette du sien pour qu'on fasse bouger les choses"

Marie Terroni, présidente de la section féminine du Paris FC

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La présence accrue de clubs aux noms plus reconnus et attractifs peut également amener de l'engouement dans les stades. Le supportérisme va souvent au-delà de la section masculine et s'attache à toutes les équipes du club, y compris les féminines. L’évolution du football féminin pourrait donc passer par un abandon de ses noms historiques, déjà bien entamé. Il faut parfois savoir tuer le père.

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