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"Le football m'a offert une nouvelle vie" : réfugiée afghane devenue vedette du PSG, Nadia Nadim retrace son parcours hors du commun

Dans son autobiographie, l'attaquante parisienne raconte son extraordinaire histoire, dans l'espoir d'inspirer les autres à ne jamais abandonner leurs rêves.

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
L'attaquante du PSG Nadia Nadim célèbre son but lors du match face au GPSO 92 Issy, le 14 novembre 2020. (ANTOINE MASSINON / A2M SPORT CONSULTING / AFP)

Une vie pas comme les autres. Dans son livre Mon histoire, De réfugiée afghane à superstar du foot (Editions Marabout), à paraître le 2 juin, la footballeuse Nadia Nadim retrace son enfance en Afghanistan, la chute du gouvernement local aux mains des talibans, l'assassinat de son père et sa fuite vers l'Europe.

Réfugiée dans un centre d’accueil au Danemark avec sa mère et ses quatre sœurs, elle est rapidement remarquée pour ses qualités footballistiques. Après un début de carrière au Danemark, Nadia Nadim s'envole pour les Etats-Unis et rejoint Portland, puis Manchester City, avant de poser ses valises à Paris, en 2019. Si elle est devenue un symbole au Danemark, notamment après avoir porté son équipe en finale de l'Euro 2017, elle est aussi devenue un modèle de réussite bien au-delà de ses frontières. Interview.

Franceinfo: sport : Vous publiez mercredi 2 juin un livre très personnel sur votre vie, votre enfance en Afghanistan et votre carrière de footballeuse. Pourquoi avez-vous décidé de raconter votre histoire ?
Nadia Nadim :
 Je dis souvent qu'il y a eu deux raisons. La première était de donner de l'espoir aux gens, car tout le monde vit des moments difficiles dans la vie, mais il ne faut jamais perdre espoir. Chacun a son histoire et ses épreuves à surmonter. Mais il ne faut jamais perdre de vue ses rêves. Même quand tout paraît sombre et sans issue, il faut continuer à chercher la lumière. Je voulais aussi montrer aux gens à travers ce livre ce qu'il est possible de faire si on nous donne une nouvelle chance dans la vie.

Vous retracez votre enfance en Afghanistan, l'assassinat de votre père par les talibans, ou encore votre arrivée au Danemark dans un centre de réfugiés. Cette plongée dans votre passé a dû être difficile pour vous...  
Sur le moment, ça a été un peu dur d'écrire. J'ai ressenti beaucoup d'émotions. J'ai même été un peu surprise moi-même, car je me souvenais de nombreux détails de cette époque. Ensuite, a posteriori, l'écriture m'a fait du bien. Ça a été comme une thérapie.

Dans votre livre, vous racontez le quotidien de votre famille soumise au régime des talibans, un régime autoritaire qui vous a contraint à fuir votre pays. C'est d'ailleurs votre mère qui vous a sauvé la vie. 
Oui, ma mère a tout fait pour nous protéger des choses difficiles auxquelles on pouvait être confrontées. C'est une femme très forte et très courageuse. 

"Quand nous sommes arrivées au Danemark, nous étions toutes heureuses car nous étions en vie et ensemble. Et nous arrivions dans un pays sans guerre. C'était l'essentiel."

Nadia Nadim

à franceinfo: sport

Mais c'est vrai que cette période n'a pas été facile pour elle, surtout pour élever cinq jeunes filles. Ma mère n'avait pas encore 35 ans quand mon père a été tué, c'était un épisode très dur pour elle, mais elle a toujours fait preuve de courage et elle a tout donné pour changer notre vie, et ça je ne l'oublierai jamais. Aujourd'hui, nous faisons tout pour la remercier chaque jour. 

Vous expliquez dans votre livre que les "jeux de ballons ont facilité la communication à travers les langues". Le foot vous a-t-il beaucoup aidée à vous intégrer à la société danoise? 
Oui, totalement. Le football m'a permis de m'intégrer plus facilement parce que sur le terrain, peu importe la langue que tu parles ou la religion en laquelle tu crois. Ce n'est pas cela qui est important. Le football m'a permis de me faire des amis avant même de parler le danois. C'est pour cela qu'il faut utiliser davantage le sport comme vecteur d'intégration, selon moi. De plus, le foot a été une véritable thérapie. Il m'a procuré beaucoup de joie et m'a donné confiance en moi. Le football m'a offert une nouvelle vie.

À 12 ans, quand vous êtes arrivée au Danemark, pensiez-vous déjà faire carrière dans le football ?
Non, pas du tout. À cette époque, je n'avais encore jamais vu de femmes jouer au football. Ce n'est qu'en 2002, soit deux ans après mon arrivée au Danemark, que j'ai vu pour la première fois l'équipe nationale féminine danoise jouer à la télévision. Devenir professionnelle, je n'y pensais même pas. Je jouais au foot car cela me faisait du bien. Un peu plus tard, j'ai compris qu'il y avait peut-être une chance de passer pro.

La joueuse de l'équipe nationale danoise Nadia Nadim célèbre avec ses coéquipières son but face aux Italiennes lors du match de qualification pour l'Euro 2022, au stade Carlo-Castellani à Empoli (Italie), le 27 octobre 2020. (INSIDEFOTO/SIPA USA/SIPA / SIPA USA)

Quand vous étiez encore enfant en Afghanistan, les filles n'avaient pas le droit de pratiquer un sport, et en particulier le football. Aujourd'hui, est-ce que le football féminin s'est développé en Afghanistan ?
Oui, il y a depuis une dizaine d'années une équipe nationale féminine afghane. Ma sœur Diana est d'ailleurs la gardienne. Ça reste dur, car il y a toujours cette barrière entre la religion, la tradition et la culture. Et les hommes gardent toujours beaucoup de pouvoir. Mais je sais que l'équipe féminine se bat pour exister, et j'espère qu'elle va encore se consolider avec les années. J'espère aussi pouvoir revenir un jour en Afghanistan pour parler avec les gens, leur donner de l'espoir et les encourager à pratiquer.

À partir du moment où vous êtes devenue professionnelle, vous vous êtes battue pour que le football féminin au Danemark, mais aussi ailleurs en Europe, se développe et gagne en reconnaissance.
À 100% ! C'était très important pour moi. Je me bats depuis une dizaine d'années pour améliorer la condition du football féminin au Danemark, pour avoir les mêmes opportunités que les hommes parce qu'on pratique le même sport et on fait les mêmes sacrifices. Mais au final, on ne gagne pas la même chose.

Avez-vous toutefois ressenti une évolution dans la place qu'occupe le football féminin dans la société entre vos débuts et aujourd'hui ?
Oui, les lignes ont bougé, beaucoup d'efforts ont été faits. Mais, on sait que ça va prendre beaucoup de temps. Je dis souvent que nous sommes sur la bonne voie, mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin.

Nadia Nadim a été nommée championne de l'UNESCO pour l’éducation des filles et des femmes en juillet 2019. Cette distinction lui a été accordée en reconnaissance de son rôle dans la promotion du sport et de l'égalité entre les genres. Un rôle qu'elle défend, comme ici lors de la première édition de la Global Sports Week, en février 2020 au Carrousel du Louvres, à Paris. (LOUISE MERESSE/SIPA)

Vous n'avez jamais caché vos engagements. Pour vous, il est important d'être une sportive engagée ?
Oui, c'est fondamental selon moi, car les sportifs sont très écoutés et suivis. D'ailleurs, depuis quelques années, je trouve que de plus en plus de sportifs prennent position sur des sujets qu'ils leur tiennent à cœur. Et j'espère que ça va continuer dans ce sens.

Dans votre récit, vous écrivez : "Je veux être riche. Il ne s’agit pas de m’imaginer que l’argent en soi peut me rendre heureuse, mais de penser à la liberté et au contrôle de ma vie que procure l’argent. Je le sais parce que j’ai fait l’expérience de ne rien avoir". Le football vous a donc permis de vous émanciper ?
Oui, à 100%. Pour moi, depuis mon arrivée au Danemark, avoir de l'argent était synonyme de liberté, que ce soit la liberté de faire ce que l'on veut ou de dire ce que l'on pense. Car au début, au Danemark, nous étions très pauvres, et ça a été très dur. C'est un sentiment que je ne veux plus jamais ressentir.

En parallèle de votre carrière sportive, vous avez étudié la médecine dans le but de devenir chirurgienne. Pourquoi était-ce important pour vous de mener ces deux carrières ? 
J'ai encore un semestre à valider. Je l'ai mis en pause pour le moment car je veux rester concentrée à 100% sur le football. Et ce n'était pas possible de faire ce semestre en France. Je suis très contente d'avoir pu faire les deux en parallèle car c'était vraiment important pour moi de pouvoir me dire que je pouvais aider les autres à travers mon métier. Et après ma carrière sportive, je souhaiterais travailler avec Médecins sans frontière. 

Votre après-carrière est donc déjà tracée ? 
Oui, j'ai déjà tout planifié.

Dans les dernières pages de votre livre, vous écrivez : "Quelque chose me dit qu'un jour c'est derrière la caméra que je pourrai continuer à vous raconter mon histoire". Un projet de documentaire est-il ainsi en cours ?
Oui, en effet. Anissa Bonnefont, qui est une jeune réalisatrice, me suit depuis un an et demi dans mon quotidien, au club, au Danemark. La sortie de ce documentaire est prévue pour la fin d'année.

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