Equipe de France : faut-il rater le Mondial au Brésil pour mieux reconstruire ?
Si jamais vous avez entendu cette réflexion en regardant le dernier match de foot des Bleus, voici la réponse de francetv info.
Du passé, faisons table rase. Si vous avez regardé le triste Géorgie-France (0-0) du vendredi 6 septembre entre amis, cette réflexion a sans doute fusé autour de la pizza tiède : "Si on ne se qualifiait pas pour le Mondial 2014, ça permettrait de repartir de zéro, de laisser de côté les cadres qui ont la grosse tête !" Alors que se profile un nouveau match de qualification pour la Coupe du monde, mardi 10 septembre, en Biélorussie, francetv info a décidé de se poser sérieusement la question.
Le mythe de la reconstruction d'Aimé Jacquet
La plus grande "reconstruction" de l'histoire de l'équipe de France a eu lieu en 1994. L'année précédente, la Bulgarie avait privé les Bleus de Mondial américain par un but assassin à la dernière minute. Aimé Jacquet, nommé sélectionneur après ce naufrage, a bâti à partir de rien l'équipe qui allait conquérir le monde, et terrasser le Brésil en finale du Mondial 98. Voilà pour la légende.
Le début de mandat du sélectionneur Jacquet s'inscrit pourtant dans la continuité de l'équipe éliminée quelques mois plus tôt. Pour son premier match, contre l'Italie à Naples, un seul nouveau joueur étrenne ses galons d'international, et huit étaient titulaires lors de France-Bulgarie. "Aimé n'a pas cédé à la pression qui voulait qu'on reparte de zéro en nous appuyant sur les Espoirs", se souvient Henri Emile, intendant de l'équipe à l'époque, dans Le Parisien.
La première année de l'ère Jacquet se révèle très laborieuse. Un but sur coup franc de Youri Djorkaeff contre la Pologne (1-1) sauve sa tête, en 1995. Si défaite il y avait eu, le sélectionneur aurait sans doute été remercié, rappelle Libération. Grâce à ce nul, et à la victoire, quelques mois plus tard, en Roumanie (3-1), où s'imposent définitivement Barthez et Zidane au détriment des "anciens" Cantona et Ginola, Aimé Jacquet bénéficie alors de l'élément dont les sélectionneurs ont le plus besoin : du temps.
Reconstruire, c'est bien. Gagner, c'est mieux
Ce bien précieux, les sélectionneurs en sont désormais privés. Depuis le gouffre financier consécutif au limogeage de Roger Lemerre, en 2002, la Fédération française de football ne propose plus que des contrats de deux ans à ses nouveaux sélectionneurs. Ce qui envoie un message très clair : il faut se qualifier pour la compétition suivante. Comment reconstruire une équipe dans ces conditions ?
Le dernier qui a essayé de faire la révolution, c'est Raymond Domenech. Quand il prend les rênes de l'équipe nationale en 2004, Zidane, Makelele ou Thuram ont raccroché. Il aligne une équipe très jeune et très inexpérimentée. "Tout ne va pas marcher immédiatement comme sur des roulettes", prédit-il dans France Football. C'est le moins qu'on puisse dire : parties insipides et matchs nuls s'accumulent, laissant entrevoir un risque que l'équipe de France rate le Mondial allemand de 2006. Sous la pression populaire, Zidane et consorts reviennent, rétablissent la situation et hissent la France en finale de la compétition. Depuis, plus aucun sélectionneur n'a bouleversé l'équipe, qu'elle gagne ou qu'elle perde.
Omniprésent dans la bouche des spectateurs, le thème de la reconstruction a disparu de celle des sélectionneurs en CDD. Lors de sa prise de fonction, en 2010, Laurent Blanc n'en a pas parlé. L'affaire du bus de Knysna, lors du Mondial en Afrique du Sud, est pourtant dans tous les esprits. Mais le nouveau sélectionneur se borne à vouloir "créer un noyau de joueurs expérimentés pour accompagner les jeunes". Deschamps non plus n'a pas abordé le thème pour ses débuts, en 2012. Mais en martelant que "le résultat est la chose la plus importante" et qu'il a "peu de temps pour travailler la tactique avec les joueurs", on a bien compris le message : le changement dans la continuité.
L'exemple : l'Allemagne
C'est après un Euro 2004 particulièrement raté (aucune victoire en phase de poules) que l'Allemagne s'est métamorphosée, en embauchant l'ancienne gloire Jürgen Klinsmann.
Ce dernier souligne, dans une interview à la BBC (en anglais), que modifier les choses avec le soutien de la fédération est bien plus efficace que changer les joueurs : "La fédération nous a aidés en mettant un maximum de pression à tous les clubs pros de Bundesliga [la ligue 1 allemande] pour construire des centres de formation. Nous avons aussi demandé aux entraîneurs de Bundesliga d'améliorer la condition physique des joueurs, pour qu'ils puissent jouer le style de jeu que nous avions prévu. Cela voulait dire effectuer des tests de forme tous les trois mois, ce qui n'est pas bien passé auprès de certains clubs. J'étais capable de prouver qui entraînait correctement ses joueurs ou pas." Depuis, l'Allemagne pratique le plus beau football du monde, et n'a jamais fait moins bien que demi-finaliste de toutes les grandes compétitions internationales.
En France, on n'en est pas encore là. Les Bleus devraient finir deuxième de leur groupe, derrière l'Espagne, comme prévu. Se coltiner les barrages contre un autre deuxième de groupe, comme prévu. Même une non-qualification ne serait pas une catastrophe : à la fédération, on ne craint pas un exode des sponsors, soucieux de rester proches de la marque "équipe de France" avant l'Euro 2016, organisé dans l'Hexagone.
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