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A qui profite le "fair-play financier" ?

Dès cette saison, l’UEFA met en œuvre son fameux "fair-play financier", un dispositif visant à renforcer la structure financière et économique des clubs européens. Le principe : que les clubs ne dépensent pas plus d’argent qu’ils ne peuvent en générer, sous peine de se voir sanctionner dès 2013-2014. L’occasion pour notre Ligue 1 de rattraper son retard sur les plus grands clubs européens? Pas forcément.
Article rédigé par franceinfo
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Miné par les déficits, le football professionnel européen se prépare à subir une révolution d’envergure avec la mise en place du fair-play financier. Cheval de bataille de Michel Platini depuis son élection à la tête de l’UEFA, ce principe a reçu, le 21 mars dernier, l’aval de la Commission européenne. Une "très belle victoire pour l’UEFA et le football", soulignait l’ancien meneur de jeu de l’équipe de France. Mais cette réforme ne devrait pas bouleverser de manière spectaculaire le visage du football européen.

Pas de prise en compte de la dette

Introduire davantage de discipline, encourager les investissements au retour pérenne sur le long terme, favoriser la formation : tels sont les objectifs – louables – du nouveau dispositif. Mais en se penchant sur les revenus des clubs, le fair-play financier omet d’intégrer le problème de leur dette. Or, celle-ci est énorme : 15 milliards d’euros en 2010. En France, la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) encadre l’endettement des équipes de Ligue 1. Mais cet organisme n’existe pas ailleurs. Ainsi, Manchester United et ses 900 millions d’euros de dette n’est pas exposé aux sanctions de l’UEFA étant donné que son dernier bilan financier présente un excédent de 35 millions d’euros.

Pour présenter un budget à l’équilibre, il est nécessaire de dégager des recettes, qui proviennent essentiellement des droits TV, de la billetterie, du sponsoring et du merchandising. Celles-ci évoluent en fonction de la compétitivité de l’équipe, et donc des joueurs qui la composent. Mais plus ils sont bons, plus ils coûtent cher. C’est là que le fair-play financier pose problème : comment bouleverser la domination des clubs déjà riches, compétitifs sur tous les plans grâce à des investissements réalisés en s’endettant au fil des années ?

"Une réforme salutaire"

Un cercle vicieux que n’a pas manqué de relever Léonardo, le directeur sportif du PSG. "Le fair-play financier, c’est quoi ?", se demande le Brésilien. "C’est dépenser ce que tu gagnes. Barcelone ou le Real Madrid perçoivent des droits TV cinq fois supérieurs à ce que l’on touche en France, leur merchandising rapporte quatre ou cinq fois plus. S’ils gagnent 400 millions d’euros et nous 100, alors c’est fini. (…) Si tu ne peux dépenser que 100 millions d’euros, c’est impossible de faire une équipe compétitive en Ligue des champions."

"C’est vrai que la non-prise en compte de l’endettement peut créer une forme de distorsion au départ", reconnait Frédéric Bolotny, économiste du sport. "Mais cette considération vaut surtout pour des clubs comme le PSG, qui devra s’adapter. Pour le reste du football français, cette réforme sera salutaire. Avec l’Euro 2016 et la construction des nouveaux stades, des clubs comme Lyon, Lille ou Marseille pourront à nouveau devenir compétitifs. Le fossé qui les sépare des grandes équipes européennes est important, mais petit à petit, il devrait se réduire. Dans un environnement plus régulé, le développement des stades doit permettre d’initier un cercle vertueux."

"Limiter les comportements spéculatifs"

"L’objectif, c’est surtout de limiter les comportements spéculatifs qu’il peut y avoir sur le marché des transferts", poursuit Frédéric Bolotny. "La crise a été salutaire à ce niveau là. C’est un projet absolument incontournable. Si ça marche dans le football, ça marchera dans d’autres sports."

Les conséquences d’une telle réforme sont encore floues. Ses modalités d’application, qui peuvent varier selon les cas, ne le sont pas beaucoup moins. Une chose est sûre, les clubs bénéficieront d’une période de transition pour se mettre aux normes. Dans les faits, ce système admet le principe du déficit mais fixe un plafond : 45 millions d’euros jusqu’en 2014-2015, puis 30 millions d’euros à partir de la saison suivante. Pour les clubs récalcitrants, les premières sanctions seront effectives à partir de la saison 2013-2014, et pourront aller d’une simple amende à l’exclusion (à partir de 2014-2015) des compétitions européennes.

CALENDRIER
-2011-2013 : période de surveillance
-2013-2015 : déficit de 45 millions d'euros autorisé ; premières sanctions
-2015-2018 : déficit de 30 millions d'euros autorisé
-Après 2018 : en réflexion

Victor Patenôtre

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