A qui profite le "fair-play financier" ?
Miné par les déficits, le football professionnel européen se prépare à subir une révolution denvergure avec la mise en place du fair-play financier. Cheval de bataille de Michel Platini depuis son élection à la tête de lUEFA, ce principe a reçu, le 21 mars dernier, laval de la Commission européenne. Une "très belle victoire pour lUEFA et le football", soulignait lancien meneur de jeu de léquipe de France. Mais cette réforme ne devrait pas bouleverser de manière spectaculaire le visage du football européen.
Pas de prise en compte de la dette
Introduire davantage de discipline, encourager les investissements au retour pérenne sur le long terme, favoriser la formation : tels sont les objectifs louables du nouveau dispositif. Mais en se penchant sur les revenus des clubs, le fair-play financier omet dintégrer le problème de leur dette. Or, celle-ci est énorme : 15 milliards deuros en 2010. En France, la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) encadre lendettement des équipes de Ligue 1. Mais cet organisme nexiste pas ailleurs. Ainsi, Manchester United et ses 900 millions deuros de dette nest pas exposé aux sanctions de lUEFA étant donné que son dernier bilan financier présente un excédent de 35 millions deuros.
Pour présenter un budget à léquilibre, il est nécessaire de dégager des recettes, qui proviennent essentiellement des droits TV, de la billetterie, du sponsoring et du merchandising. Celles-ci évoluent en fonction de la compétitivité de léquipe, et donc des joueurs qui la composent. Mais plus ils sont bons, plus ils coûtent cher. Cest là que le fair-play financier pose problème : comment bouleverser la domination des clubs déjà riches, compétitifs sur tous les plans grâce à des investissements réalisés en sendettant au fil des années ?
"Une réforme salutaire"
Un cercle vicieux que na pas manqué de relever Léonardo, le directeur sportif du PSG. "Le fair-play financier, cest quoi ?", se demande le Brésilien. "Cest dépenser ce que tu gagnes. Barcelone ou le Real Madrid perçoivent des droits TV cinq fois supérieurs à ce que lon touche en France, leur merchandising rapporte quatre ou cinq fois plus. Sils gagnent 400 millions deuros et nous 100, alors cest fini. ( ) Si tu ne peux dépenser que 100 millions deuros, cest impossible de faire une équipe compétitive en Ligue des champions."
"Cest vrai que la non-prise en compte de lendettement peut créer une forme de distorsion au départ", reconnait Frédéric Bolotny, économiste du sport. "Mais cette considération vaut surtout pour des clubs comme le PSG, qui devra sadapter. Pour le reste du football français, cette réforme sera salutaire. Avec lEuro 2016 et la construction des nouveaux stades, des clubs comme Lyon, Lille ou Marseille pourront à nouveau devenir compétitifs. Le fossé qui les sépare des grandes équipes européennes est important, mais petit à petit, il devrait se réduire. Dans un environnement plus régulé, le développement des stades doit permettre dinitier un cercle vertueux."
"Limiter les comportements spéculatifs"
"Lobjectif, cest surtout de limiter les comportements spéculatifs quil peut y avoir sur le marché des transferts", poursuit Frédéric Bolotny. "La crise a été salutaire à ce niveau là. Cest un projet absolument incontournable. Si ça marche dans le football, ça marchera dans dautres sports."
Les conséquences dune telle réforme sont encore floues. Ses modalités dapplication, qui peuvent varier selon les cas, ne le sont pas beaucoup moins. Une chose est sûre, les clubs bénéficieront dune période de transition pour se mettre aux normes. Dans les faits, ce système admet le principe du déficit mais fixe un plafond : 45 millions deuros jusquen 2014-2015, puis 30 millions deuros à partir de la saison suivante. Pour les clubs récalcitrants, les premières sanctions seront effectives à partir de la saison 2013-2014, et pourront aller dune simple amende à lexclusion (à partir de 2014-2015) des compétitions européennes.
CALENDRIER
-2011-2013 : période de surveillance
-2013-2015 : déficit de 45 millions d'euros autorisé ; premières sanctions
-2015-2018 : déficit de 30 millions d'euros autorisé
-Après 2018 : en réflexion
Victor Patenôtre
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