Evra règle ses comptes
Plus les jours passent, plus les langues se dénouent. Et la blessure de la Coupe du monde reste encore douloureuse pour les Tricolores. Après le déballage de Nicolas Anelka, qui n'a pas hésité à donner un coup de griffe au fonctionnement de Raymond Domenech, ex-sélectionneur de l'équipe de France, c'est aujourd'hui Patrice Evra qui revient sur les épisodes cahoteux du séjour sud-africain. Déféré devant la commission de discipline de la FFF avec quatre autres joueurs (Abidal, Toulalan, Anelka et Ribéry), le capitaine des Bleus en Afrique du Sud se dit surpris de cette décision, et ne pense pas mériter plus de fustigations que le reste du groupe. "J'avais l'impression que tout le monde voulait tourner la page du Mondial. Il faut penser au futur. Pourquoi nous sanctionner plus que d'autres. On l'a déjà été. La sanction de ne pas sélectionner les 23 mondialistes pour le match de la Norvège est cohérente", explique-t-il. Avant de revenir sur l'impérissable souvenir du mois de juin. "Le Mondial a été un véritable cauchemar. On a oublié l'essentiel, plus parlé de problèmes quotidiens que de foot. Mais il n'y avait plus de dialogue avec le coach. Il n'y avait aucune structure collective, ni de projet".
Evra, capitaine abandonné
Prenant à cur (peut-être trop d'ailleurs) son rôle de capitaine, Evra s'est senti impuissant face à l'incompréhension régnante entre le sélectionneur et le groupe. "Je recevais des plaintes après chaque entraînement. Les joueurs lui reprochaient son manque de travail tactique et le décalage avec les exercices auxquels ils sont habitués en club. Il (Domenech) a refusé l'échange", déclare-t-il. En bon capitaine, l'international indique qu'il n'a sans cesse tenté de motiver ses coéquipiers afin de conserver un état d'esprit positif, qui n'y était plus depuis un bon moment, bien avant l'échéance du Mondial. De l'espoir et l'obstination, le Mancunien a donc peu à peu laissé place à la résignation. " Je n'ai cessé de répéter à mes partenaires qu'il fallait continuer de bosser. Mais, à un moment, ce discours ne passe plus", lâche-t-il. Concernant l'incident qui s'est déroulé à la mi-temps de France-Mexique, entre Anelka et Domenech, l'ancien Monégasque prend position. Il défend l'attaquant de Chelsea, qui n'aurait jamais tenu les propos retranscrits à la Une du journal L'Equipe. " Pendant dix minutes, le coach n'a pas parlé puis, d'un coup, il a dit à Anelka: "Putain, je te dis de rester en pointe mais tu décroches". "Nico lui a répondu. Il y a eu un échange de mots, mais pas ceux retranscrits en Une de l'Equipe".
Thuram se prend pour Malcolm X
Après s'être montré critique envers Domenech, Evra devient encore plus acerbe à l'évocation du cas Lilian Thuram, qui a demandé le bannissement du latéral de l'équipe de France. Selon les dires du joueur, le champion du monde 98 aurait refusé tout dialogue. "Je l'ai appelé pour demander des explications. Il ne m'a pas répondu. Je lui ai alors laissé un message assez salé (...) Dans une interview qu'il a donnée après, il a affirmé qu'il m'avait appelé et que je n'avais pas daigné répondre". Se montrant jusqu' alors peu prolixe, Evra pointe du doigt Thuram, qui selon lui parle sans connaissance de cause. "Il a sali mon nom sans savoir ce qui s'était passé. Lilian se prend à la fois pour le nouveau sélectionneur, le président de la Fédération et le président de la République", assène le joueur, ajoutant: "Il est temps que Lilian arrête de jouer un rôle qui n'est pas le sien en disant que les Bleus contribuent à faire augmenter le racisme. Il ne suffit pas de se balader avec des livres sur l'esclavage, des lunettes et un chapeau pour devenir Malcom X". Actuellement en préparation avec son club, Evra estime avoir quitté le Mondial la tête haute, et assurer, jusqu'au bout du cataclysme, son rôle de capitaine. "J'ai été honnête jusqu'au bout avec tout le monde. Domenech m'a même demandé pardon de m'avoir confié le brassard ", affirme-t-il. Le joueur, qui ne voit pas son avenir sans l'équipe de France, attendrait-il à présent la rédemption de Laurent Blanc ?
Par Rayan Ouamara
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