Euro 2012 : pourquoi les femmes de footballeurs ont toujours le mauvais rôle
Du cliché de la pimbêche dépensière à la manipulatrice qui divise l'équipe, être femme de footballeur en période d'Euro, c'est vraiment pas un cadeau. Retour sur un péché originel footballistique.
Les compagnes des Bleus arrivent mardi 20 juin à Kiev pour assister au dernier match de poule de la France, contre la Suède. "Femme de footballeur", une tâche délicate. Rivales, pimbêches, dépensières, absentes... Quoi qu'elles fassent, elles seront critiquées.
• Les femmes, avec modération
Exclure les femmes, l'expérience a été tentée par l'équipe de Suède, lors du Mondial italien en 1990. Manifestement, ça n'avait pas amélioré la motivation des joueurs, battus trois fois 2-1 lors de leurs matchs de poule. La récompense pour une éventuelle qualification était la visite de ces dames, dont certains joueurs se faisaient déjà une joie. "Les lits vont fumer", avait sobrement déclaré le défenseur de Liverpool Glenn Hysén, relève The Guardian (lien en anglais). Même pas, en fait, les Suédois étaient déjà de retour au pays.
Lors d'une grande compétition internationale, les joueurs s'ennuient. "Petit déjeuner, entraînement, déjeuner, dîner, lit", avait égréné l'attaquant Wayne Rooney quand on lui avait demandé son quotidien, lors du Mondial 2010. Effectivement, entre les deux heures d'entraînement le matin et les repas, il n'y a pas grand chose à faire. Ludovic Obraniak, le Polonais des Girondins de Bordeaux, expliquait dans L'Equipe qu'il avait déjà fini tous ses DVD au bout d'une semaine. Les Espagnols, les mieux lotis dans ce domaine, ont des baby-foot, des billards et même un circuit de voitures électriques. Mais même pour les passionnés de belote coinchée ou de Playstation, les journées sont longues.
"Avec l'arrivée de leurs épouses après plus d'un mois de séparation, les joueurs français ont aussitôt retrouvé le sourire" peut-on entendre en ouverture de ce reportage d'Antenne 2, au Mexique, pour la Coupe du monde 1986.
• Les WAGs anglaises : ce qu'il ne faut pas faire
L'Angleterre est le pays où a été inventé le terme WAGs (pour Wives and Girlfriends) en 2006. Il a fallu attendre quatre ans pour qu'il soit considéré comme sexiste, comme le souligne The Telegraph (lien en anglais), mais est toujours utilisé. Par WAGs, comprenez : une horde de pimbêches dont le principal fait d'armes est d'avoir dévalisé les commerces de Baden-Baden, en Allemagne, un bel après-midi de juin 2006. Les paparazzis et le Daily Mail s'en souviennent encore (lien en anglais). Depuis, une journaliste people du Sunday Mirror (lien en anglais) a calculé qu'une WAG de haut vol dépense plus de 250 000 euros en vêtements de luxe, chirurgie esthétique et autres bijoux chaque année.
Pour The Guardian, "le cliché à propos des femmes de footballeurs veut qu'elles forment le troupeau d'un fond de bus scolaire, le côté manucuré en plus, et qu'elles dépensent le PIB de l'Equateur dans une session shopping de deux heures" (lien en anglais). D'après The Daily Mail (lien en anglais), des personnalités anglaises ont conclu que la responsabilité de la piteuse élimination anglaise en quart de finale tenait autant des dribbles de Cristiano Ronaldo que des dérapages en tous genres des WAGs. Le défenseur central Rio Ferdinand ne disait pas autre chose dans The Daily Telegraph (lien en anglais) : "C'était le cirque, le football était devenu secondaire."
Depuis, le moindre mouvement d'une WAG déchaîne les passions de la presse anglaise. M et Mme Rooney qui prennent l'avion pour aller fêter en Pologne leurs quatre ans de mariage ? People UK en fait aussitôt ses choux gras. Heureusement que David Beckham ne fait plus partie de l'équipe...
• Les femmes peuvent faire d'excellents boucs émissaires
Si les femmes des joueurs ne peuvent pas permettre à leur équipe de marquer un but de plus, leur rôle en interne est capital.
Premier exemple en 2002. Dans une récente interview au journal L'Equipe, Roger Lemerre, ex-sélectionneur des Bleus, est revenu sur les raisons du fiasco lors de la Coupe du monde en Corée du Sud (élimination au premier tour, aucune victoire, aucun but marqué). Après avoir estimé que les Bleus avaient du mal à se faire à leur nouveau statut de stars, il a regretté l'absence d'Adriana Karembeu, qui avait chapeauté le groupe des compagnes lors de la compétition en 1998. Et pour cause, il n'avait pas sélectionné son mari.
"Ce qui a changé : c’est qu’entre 1998 et 2002, les couples se sont lézardés. J’ai mal intégré cette dimension. En 1998, l’harmonie des familles existait. En 2002, il nous a manqué un leader chez les femmes, ce qu’était Adriana Karembeu. En Corée, elle n’était pas là. On faisait venir les femmes pour briser les tensions entre les joueurs, mais s’il fallait aussi briser les tensions entre les femmes…" Sans Adriana Karembeu, certaines compagnes l'ont joué perso. Cantonnées à ne voir leur champion du monde de mari qu'après le match d'ouverture, Betty Leboeuf et Frédérique Dugarry sont passées outre, selon Le Parisien. Dépassé, le sélectionneur a laissé faire.
Comme en 2002, les femmes des joueurs français ont eu droit au rôle du bouc émissaire dans la débâcle française en Afrique du Sud, en 2010. Dans son autobiographie, l'ailier des Bleus Sidney Govou a mis en avant les rivalités larvées entre les compagnes pour expliquer la mauvaise ambiance au sein du groupe. "Il faut le dire, les femmes ont été un élément perturbateur. Certaines ont divisé le groupe. Avec des petites phrases des unes envers les autres dans le genre: 'mon mari doit jouer comme ceci, car il est dans un grand club', 'regardez ces paysannes'. Il y a même eu des concours de sacs Vuitton !" De là à leur mettre sur le dos l'affaire du bus de Knysna...
Femme de joueur retenu en sélection nationale est clairement le pire job de la compétition : dans le meilleur des cas, elles passent pour des Footix en talons, dans le pire, pour des vecteurs de la division d'une équipe nationale. Les femmes de joueurs ont mauvaise presse, et ce depuis... 1958, rappelle Le Parisien, quand une radio avait invité les femmes des joueurs français en Suède, où les Bleus disputaient la Coupe du monde.
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