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A un mois de l'Euro 2016, dernière ligne droite pour la sécurisation des "fan zones"

La sécurité des stades et des "fan zones" est confiée aux villes, qui ont dû passer des contrats avec des sociétés privées. Entre formation et recrutement, une course contre la montre est engagée avant le grand bain.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Une simulation de la "fan zone" du Champ de Mars, prévue dans le cadre de l'Euro 2016 en France. (MAIRIE DE PARIS)

A un mois de l'Euro 2016, les inquiétudes sont loin d'être dissipées. Pour assurer la sécurité de l'événement, entre 12 000 et 13 000 agents du privé seront mobilisés dans les stades, l'accueil hôtelier des équipes, leurs camps d'entraînement et les "fan zones". C'est ce dernier point qui suscite le plus d'inquiétudes, malgré les fouilles systématiques à l'entrée, la détection des métaux et l'interdiction des gros sacs ou bagages. Prise de conscience tardive ? Fin avril, l'enveloppe dédiée à la sécurisation des "fan zones" a été doublée en urgence, pour atteindre la somme de 24 millions d'euros.

En vertu d'un protocole d'accord signé le 2 septembre, la sécurité des "fan zones" est confiée aux dix villes-hôtes, qui rémunèrent des sociétés privées pour veiller au bon déroulement de la compétition. Selon Europe 1, plusieurs grandes sociétés du secteur ont d'ailleurs refusé de répondre à ces appels offres, jugeant la tâche trop difficile. "Ces entreprises, dont Securitas, ont refusé de concourir il y a un an et demi, avant les attentats", nuance Olivier Duran, responsable du Snes, qui regroupe 220 PME du secteur. "Ils ne savent faire que du gardiennage. L'événementiel, ce n'est pas leur domaine." Un autre géant de la sécurité, Prosegur, confirme à francetv info qu'il ne travaillera pas dans les "fan zones".

"Sur l'Euro, on insiste sur les palpations, pas les rondes"

Reste un tissu très dense de PME spécialisées. Pour faciliter le recrutement, le ministère de l'Intérieur a accéléré la création, par décret, d'une formation "Agent de sécurité de l'événementiel". Après 105 heures de cours, contre 140 pour une formation traditionnelle, les agents n'ont pas le droit de gérer des alarmes, d'assurer des rondes, de gérer un PC sécurité ou de contrôler les écrans. En revanche, ils sont formés aux spécificités des stades ou des salles de concert.

"Ce n'est pas une formation au rabais, loin de là, puisque c'est adapté aux grands événéments, insiste Ralph Bonan, patron d'Abscisses Sécurité. Pour l'Euro, un agent de sécurité n'a pas besoin de faire de ronde. En revanche, on insiste davantage sur les palpations." Cette formation est toutefois destinée aux agents non qualifiés, qui seront encadrés le jour J. "Elle est très peu utilisée, assure le responsable d'un centre de formation parisien, contacté par francetv info. Les futurs agents préfèrent suivre la formation classique, qui dure simplement une semaine supplémentaire."

"On est en pleine bourre"

Depuis janvier, 2 500 formations d'agents de sécurité ont notamment été pris en charge par Pôle emploi (stades, lieux d'entraînement et de résidence, "fan zones", etc). Certaines collectivités, comme Plaine Commune, ont cofinancé 58 places en centre de formation – dont 40% de femmes  après un test et des entretiens.

C'est le cas de Blondie, 32 ans, ancienne secrétaire au chômage conseillée par Pôle emploi. Le CQP dédié a parfois pris du retard dans sa mise en œuvre : "En janvier, j'avais choisi la formation évenementiel mais elle n'était pas encore disponible dans mon centre de formation." Gestion de conflits, palpation, droit... Elle estime être prête. Sa carte professionnelle en poche, elle a postulé dans deux sociétés, sans connaître encore sa future affectation. "Bien sûr, le risque d'attentat a été évoqué pendant la formation. On va devoir redoubler de vigilance, car l'Euro est une période à risque."

Le site de la future "fan zone" de Paris, lundi 9 mai, sur le Champ de Mars. (F. MAGNENOU / FRANCETV INFO)

"On est en pleine bourre", confirme Olivier Duran. Au total, une centaine de formations CQP "Evénementiel" et classique sont en cours ou sur le point de s'achever. Juste à temps pour les recrutements, alors que les vérifications ministérielles et préfectorales, nécessaires à l'obtention de la carte professionnelle, peuvent prendre un mois environ. A Paris ou à Lille (Nord), le recrutement des agents est déjà bouclé pour les deux "fan zones". Mais d'autres villes-hôtes seraient toujours à la recherche de personnel, notamment dans le sud de la France. Interrogée sur ce point, la mairie de Marseille n'a pas souhaité faire de commentaire.

Difficultés à recruter, formation préalable obligatoire... "De fait, des craintes se font jour ici ou là concernant les effectifs disponibles", reconnaît le Snes, dans un communiqué. Pour pallier d'éventuelles pénuries de main d'œuvre, l'organisation a prévu de mettre en place une plateforme dédiée à l'Euro. En cas de sous-effectif, des entreprises de toute la France seront sollicitées, en plus des sociétés déjà présentes à proximité des "fan zones". Ce tissu actif de PME est précieux pour éviter le fiasco des JO 2012 de Londres (Royaume-Uni). A l'époque, le leader mondial de la sécurité, G4S, n'était pas parvenu à fournir suffisamment d'agents pour le début des épreuves; Des militaires avaient été dépêchés en catastrophe.

Le ratio d'agents prévu à Paris et Marseille est inquiétant

Lors de l'Euro 2012 en Pologne et en Ukraine, les "fan zones" étaient en moyenne encadrées par un agent de sécurité pour 100 visiteurs. Mais ce nombre n'est pas toujours atteint dans les villes-hôtes françaises. Les nouveaux agents seront bien sûr encadrés, sans compter la mise en place de nombreuses caméras de vidéosurveillance et d'équipes cynophiles. Alors que Toulouse, Nice ou Saint-Denis obtiennent des ratios d'encadrement élevés, d'autres villes semblent avoir choisi un dispositif plus léger, comme Bordeaux ou Marseille. "En Pologne, une loi existait déjà pour fixer ce ratio, ce qui n'est pas le cas en France", se défend Karim Herida, coordinateur des villes-hôtes et chargé de l'Euro à Paris, "mais nous tentons d'approcher cette norme".

Avec 400 agents pour 92 000 spectateurs, la capitale fait pourtant figure de mauvaise élève. "Tout dépend de la configuration des lieux, se défend Karim Herida, chargé du dossier à la mairie de Paris. Et puis, la plupart des autres villes ont opté pour un nombre d’entrées supérieurs  dix ou douze, contre six à Paris. Si vous mettez des gens à la palpation derrière d’autres gens à la palpation, cela n’améliore pas la rentabilité du dispositif." 

Selon lui, il est ainsi possible de contrôler la jauge maximale en seulement deux heures. Sans compter la présence de policiers et de gendarmes, capables de réaliser un premier filtrage à l'abord de la zone. La question du dispositif a déjà été soulevée au Conseil de Paris. "Je ne sais toujours pas quel est le dispositif de police prévu vers La Motte-Piquet, s'étrangle Philippe Goujon, député-maire du 15e arrondissement de Paris, alors que les supporters vont se diriger vers les métros du secteur après les matchs."

Afin d'éviter une "prise de risque inconsidérée", cet élu des Républicains réclame la suppression ou le déménagement de la "fan zone" au stade Charléty. A la différence de ces établissements recevant du public (ERP), en effet, les "fan zones" sont considérées comme des installations ouvertes au public (IOP), rappelle une circulaire interministérielle de mars 2015. A ce titre, il n'y a pas de contrôle d'identité à l'entrée et les interdits de stades peuvent y accéder.

Entre 7 et 8 millions de fans attendus au total

En cas de catastrophe, ce sont les pouvoirs publics qui reprennent la main. Plusieurs simulations ont déjà eu lieu aux abords des stades – au stade Félix-Bollaert de Lens ou au Matmut Atlantique de Bordeaux – ou dans un environnement similaire aux "fan zones", comme à Nîmes. Au grand regret des organisations professionnelles, ces exercices ont été organisés sans la présence des sociétés privées. "De toute manière, au moindre problème dans la 'fan zone', nous interviendrons", avait rétorqué un responsable de l'entraînement nîmois, alors interrogé par francetv info.

>> Euro 2016 : "les fan zones" à l’épreuve de la menace terroriste

Entre 7 et 8 millions de fans sont attendus dans les "fan zones". Mais pour les professionnels interrogés, pas question de faire marche arrière. Selon certains élus, leur abandon aurait des conséquences bien pires en matière de sécurité. A Saint-Denis, la "fan zone" sera fermée pendant les épreuves du bac, alors qu'une bouillante rencontre oppose l'Allemagne et la Pologne au Stade de France. Comme le souligne France Bleu, des milliers de supporters sans billet risquent alors de déambuler dans les rues, en plein état d'urgence. A Paris, l'adjoint au maire Jean-François Martins tient lui aussi le même discours. Mieux vaut accueillir "les supporters dans un lieu sécurisé, plutôt que de prendre le risque de les disséminer dans 30 ou 40 lieux de retransmission sauvages à Paris".

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