Cet article date de plus de huit ans.

Etre collectionneur de maillots de l'équipe de France, une sacrée paire de manches

Si vous rêviez d'accrocher dans votre salon la tunique de Zidane portée lors de la finale de la Coupe du monde 1998, trop tard : il a déjà trouvé preneur. Pas sûr, de toute façon, que votre compte en banque soit suffisamment fourni...

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le collectionneur Olivier Démolis pose avec son maillot de Zinédine Zidane, porté pendant la finale de la Coupe du monde 1998, devant la Tour Eiffel, à Paris. (OLIVIER DEMOLIS / DR)

Le maillot, ils ne le mouillent pas, ils l'achètent. S'il est impossible de chiffrer précisément le nombre de collectionneurs de maillots en France, ceux qui s'attachent à acquérir les liquettes portées sont quelques centaines, tout au plus. Qui sont ces mordus du polyester qui passent des heures à vérifier chaque détail avant d'envoyer un chèque à l'autre bout du monde pour devenir propriétaire d'une étoffe pleine de sueur et de souvenirs ? En attendant que le maillot porté par Antoine Griezmann lors d'une éventuelle finale de l'Euro s'arrache une fortune, on vous raconte le chemin semé d'embûches qu'empruntent tous les collectionneurs. 

Etape 1 : l'inévitable bizutage

"On s'est tous déjà fait avoir un jour ou l'autre", explique à francetv info Pierre Henry-Dufeil, un jeune collectionneur de 25 ans. Il en avait neuf de moins quand il a fait sa première folie : un maillot de Franck Ribéry porté pendant la Coupe du monde 2006. L'annonce, postée sur internet, était alléchante... et mensongère. "Je ne connaissais pas le truc pour détecter 90% des faux : le coq des Bleus est différent entre la version portée et la version boutique." Résultat : entre 200 et 500 euros jetés par la fenêtre. 

Olivier Démolis, qui possède de nombreux maillots de l'équipe de France, détecte un vrai d'un faux "en quinze secondes". Pour un maillot des Bleus de 1998, il faut vérifier l'étiquette en bas du maillot, "thermocollée pour un vrai, volante pour un faux", l'inscription Fifa World Cup "brodée et pas floquée", le coq, le ® au-dessus du S d'Adidas, le lieu de fabrication et un code à cinq chiffres. 

La vie de collectionneurs de maillots portés –les plus rares– est semée d'embûches. Pour un même match de l'équipe de France, "il peut y avoir jusqu'à dix maillots préparés par joueur pour un même match en circulation, explique Olivier Démolis. C'est ce que m'a confié Philippe Tournon, intendant des Bleus, avant le match contre l'Arménie en octobre 2015." Comment déterminer les deux (au maximum) qui seront vraiment portés ?

Certains vendeurs de maillots portés –et usés– vont jusqu'à poster des photos du match avec leur annonce pour montrer que les traces de terre sur le tissu correspondent bien au joueur. "On pourrait imaginer un escroc qui reproduirait les traces de terre, mais il prendrait le risque d'abîmer son maillot. Ça me paraît être un indicateur fiable", poursuit Olivier Démolis.

Etape 2 : la quête des bons plans

Les bons plans sont aussi jalousement gardés par les collectionneurs que les coins à champignons par les cueilleurs du dimanche. Il existe des groupes Facebook privés où les spécialistes –cooptés, pour éviter les escrocs– passent leurs annonces. Des sites spécialisés, où les tarifs flambent. Et surtout des réseaux, constitués au fil du temps. "Je suis en contact avec une quinzaine de collectionneurs, raconte Pierre Henry-Dufeil. Deux Brésiliens, un Ukrainien, un Russe, un Anglais, un Thaïlandais... C'est très cosmopolite !"

Une partie de la collection de Pierre Henry-Dufeil. "J'ai une part de l'histoire du foot dans mon armoire", s'amuse-t-il. (PIERRE HENRY-DUFEIL / DR)

Autre option : les associations caritatives, qui vendent aux enchères des maillots donnés par des grands noms. Il existe aussi des maisons spécialisées. Olivier Démolis en a fait l'amère expérience. Il avait acheté un maillot de David Trezeguet, porté (sur le banc) lors de la finale du Mondial 1998, à une société brésilienne spécialisée. Le colis –une boîte de whisky– a intrigué la douane, qui a cru à une contrefaçon et a détruit le colis, malgré la présence du certificat d'authenticité. Le collectionneur bataille toujours en justice pour obtenir réparation, six ans après.

Etape 3 : taper dans le bas de laine

Constituer une collection est une passion coûteuse. Comptez une centaine d'euros pour un maillot d'une équipe de Ligue 1, encore que la cote soit à la baisse ces temps-ci. "J'ai vendu des maillots de Guingamp portés moins chers que ceux proposés en boutique", déplore Pierre Henry-Dufeil. Pour un maillot de l'équipe de France, c'est au minimum 800 euros. Les prix s'envolent en fonction du match. Sans parler du fait qu'il faut pouvoir réagir vite.

"J'ai vu passer des offres de deux maillots de l'équipe de France lors de la Coupe du monde 1998 depuis que j'ai commencé à collectionner les maillots, raconte Jérémie Delhomme, un collectionneur mordu de l'AS Saint-Etienne qui possède deux maillots des Bleus en plus d'une soixantaine de tuniques des Verts. Non seulement il y en a très peu sur le marché, mais en plus ils n'y restent pas longtemps. Une semaine, grand maximum. Si je gagne au Loto, bien sûr que je vais voir les vendeurs brésiliens qui en possèdent encore !" L'un d'eux, la liquette de Marcel Desailly lors du match de poule face au Danemark, a été acheté... par Pierre Henry-Dufeil pour une somme avoisinant les 2 000 euros. Ce n'est pas la pièce la plus chère de sa collection. "Pour le maillot de Thierry Henry de la finale du Mondial 2006 –avec le fanion du match en bonus– j'ai tapé dans mes réserves." Nous n'en saurons pas plus. 

Etape 4 : dénicher le Graal

A chaque collectionneur sa marotte. Mais tous ont déjà rêvé, dans leurs songes les plus fous, d'effleurer des doigts le maillot de Zinédine Zidane porté le 12 juillet 1998, lors de la finale du Mondial. Le n°10 des Bleus en a porté au moins deux. Le premier, il l'a donné à son frère Rachid. Zizou affirme avoir jeté le second dans la foule du Stade de France après le coup de sifflet final. En examinant les vidéos de fin de match, on s'aperçoit qu'il n'en est rien. Un doute demeure :  Adidas ne sait pas combien de maillots Zidane a portés ce soir-là.

Zinédine Zidane enlève son maillot lors de la finale de la Coupe du monde face au Brésil, le 12 juillet 1998, au Stade de France. (PATRICK HERTZOG / AFP)

N'empêche, ce maillot est revenu sur le marché il y a quelques mois. Et c'est Olivier Démolis qui a remporté la mise grâce à son réseau. "C'est le Graal", sourit-t-il. La précieuse tunique est pour l'instant dans un coffre à la banque, avant d'être prêtée au musée de la Fifa pour cinq ans. "Vous vous rendez compte ? Ils ne l'avaient pas. Et le musée du Stade de France non plus. Ils n'ont qu'un maillot de Zidane : celui de la demi-finale contre la Croatie et une reproduction de celui porté en finale !" Sur le prix, motus et bouche cousue. "Si on me propose 50 000 euros, je ne vends pas". On insiste : 100 000 euros ? "Ah... ça se discute." Un maillot de Pelé porté lors de la finale du Mondial 1970 a trouvé preneur aux enchères pour 250 000 euros en 2002.

________________________________________________________________

Olivier Démolis a publié un livre racontant sa bataille judiciaire contre les douanes après la destruction de son maillot de David Trezeguet. Cousue de fil bleu est disponible chez Edilivre pour 18,50 euros (ou 1,99 euro en format numérique).

Pierre Henry-Dufeil exposera sa collection cet été, du 14 au 19 juillet, à Saint-Lunaire, en Ille-et-Vilaine.

Jérémie Delhomme a participé lui aussi à une exposition de maillots à Vienne, en Isère, dont on peut voir les photos ici.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.