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Euro 2016 : Antoine Griezmann, le messie des Bleus en attaque ?

Après un nouveau doublé en demi-finale, ses cinq et sixièmes buts de la compétition, l'attaquant de l'Atlético Madrid a subtilisé à Dimitri Payet le titre officieux de joueur sur lequel reposent tous les espoirs français. Et tout porte à croire que ça peut durer.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Antoine Griezmann fête son but lors du quart de finale de l'Euro 2016 contre l'Islande, le 3 juillet 2016 au Stade de France. (FRANCK FIFE / AFP)

Depuis la victoire contre l'Islande, toute la France est #teamGrizi. Après une phase de poules compliquée, Antoine Griezmann a porté l'équipe de France jusqu'en finale de l'Euro, marquant cinq buts en phase finale et donnant deux passes décisives en trois matchs contre l'Irlande, l'Islande et l'Allemagne. Replacé dans l'axe derrière Giroud, peut-être de sa propre initiative, comme le suggère Libération, l'attaquant de l'Atlético Madrid est devenu le meilleur buteur du tournoi et (peut-être) le patron des Bleus sur le terrain. La France, qui cherche, depuis le déclin de Thierry Henry, un buteur régulier qu'elle puisse aduler sans réserve, a-t-elle enfin trouvé le joueur qu'elle attendait ? Voyons si Antoine Griezmann a le profil.

En sélection, il ne marque pas tant que ça

En s'emparant de la place de meilleur buteur de l'Euro (et donc des Bleus), Antoine Griezmann se retrouve dans une position qu'il n'a jamais connue en équipe de France dans sa jeune carrière. Avant la deuxième mi-temps du match contre l'Irlande, il jouait en position d'ailier droit dans un système en 4-3-3 : son rôle ne consistait pas forcément de marquer mais plutôt à participer au jeu, et notamment en servant Olivier Giroud en pointe.

S'il s'agit du poste où il a fait ses débuts en club, en Espagne, ce n'est plus le sien depuis son transfert à l'Atlético Madrid, il y a deux ans. Replacé dans l'axe par Diego Simeone, puis par Didier Deschamps, Antoine Griezmann se réjouit d'être "proche de la surface, là où je suis le plus dangereux", mais rien ne dit qu'il restera à cette position contre l'Allemagne, et encore moins après l'Euro, quand Karim Benzema fera sans doute son retour.

Ses statistiques en Bleu reflètent le fait qu'il n'était pas un buteur. Avant l'Euro, Antoine Griezmann avait marqué sept buts en deux ans et 27 sélections, soit un ratio de 0,26 but par match, un toutes les quatre rencontres : pas les statistiques du joueur sur lequel une équipe se repose quand il faut absolument marquer. Un score moyen de milieu offensif, ou de buteur plus secondaire : Dimitri Payet a pratiquement le même (0,25 but/match), André-Pierre Gignac est un peu en dessous (0,22), et c'est la fréquence à laquelle Zinedine Zidane (0,29) et Sylvain Wiltord (0,28) marquaient.

Fort de ses six réalisations en six matchs, Antoine Griezmann a fait augmenter sa moyenne de buts avec les Bleus. Il a ainsi inscrit 0,39 but par match, un ratio plus élevé que l'ancien buteur en chef des Bleus, Karim Benzema (0,33), qui, à sa décharge, a connu des périodes où il était bien moins bien entouré que ne l'est aujourd'hui Griezmann. Un seul Français en activité s'en approche : Olivier Giroud, passé à 0,38 but par match grâce à son incroyable série de 10 buts en 9 titularisations. Mais pour devenir un des grands buteurs historiques de l'équipe de France, Antoine Griezmann devra hausser le rythme : Thierry Henry marquait 0,41 but par match, David Trézéguet 0,48, et Michel Platini 0,57.

En club, il a montré qu'il était un grand

Antoine Griezmann n'a que 25 ans et sa carrière peut encore prendre des directions plus ou moins glorieuses. Mais le niveau qu'il a atteint, cette saison, à l'Atlético Madrid, est impressionnant. "En ce moment, il fait sans aucun doute partie des trois meilleurs joueurs du monde", assurait son entraîneur Diego Simeone, en mai, avant la finale de la Ligue des champions (durant laquelle il a manqué un penalty décisif). Lors des deux dernières saisons, il a marqué 25 puis 32 buts avec son club, très loin au-dessus de ses statistiques à la Real Sociedad, et de plus en plus proche des meilleurs du monde. Son ratio est de 0,53 but par match sur ces deux ans. Le journal espagnol Marca le désigne même meilleur joueur de son club : "Il est devenu le joueur vers lequel l'équipe se tourne quand elle est sous pression et qu'il faut marquer." Exactement le rôle que Griezmann a joué pour la France contre l'Irlande.

Antoine Griezmann avec le maillot de l'Atletico Madrid lors d'un match de championnat espagnol contre le Rayo Vallecano, le 30 avril 2016 à Madrid. (BURAK AKBULUT / AFP)

Et tout indique que le Français continuera à progresser. Quand il est arrivé à l'Atlético, il était un jeune ailier un peu frêle dont rien ne disait qu'il parviendrait à s'imposer dans le système très rigide de l'exigent coach argentin, encore moins à un poste – attaquant axial – qu'il ne connaissait pas. "J'avais du mal à respirer, et mes jambes étaient lourdes", se souvient le Français, cité par le Guardian (en anglais), au sujet de ses premiers entraînements, au point que, selon Libération, Didier Deschamps a eu un temps l'impression qu'il traitait les rassemblements des Bleus comme des moments de répit. Il s'est mis au niveau à force de travail. "Ce qu'il a accompli ne me surprend pas", assure Martín Lasarte, son ancien entraîneur à la Real Sociedad. "Car il n'a jamais accepté les limites. Il a toujours voulu davantage. Il passait son temps à poser des questions aux joueurs plus vieux." Il tirerait son incroyable talent de la tête, par exemple, des leçons de son ex-coéquipier Carlos Bueno. Griezmann est une éponge, qui n'a sans doute pas fini d'apprendre.

Dans la vie, tout le monde l'adore déjà

Loin de nous l'envie d'enterrer Karim Benzema. Mais force est de constater que le meilleur attaquant des Bleus, au moins avant l'éclosion de Griezmann, ne fait pas l'unanimité, ni par ses performances en équipe de France, ni par sa personnalité en dehors des terrains et les quelques affaires auxquelles il a été mêlé. Selon un sondage publié avant l'Euro par Le Parisien, le Mâconnais est le joueur le plus apprécié des Français. Envoyé pour remettre le ballon du match France-Irlande au fils du policier assassiné à Magnanville (Yveline), Griezmann est devenu le visage sympa de l'équipe de France. Oubliée, l'époque où un aller-retour Le Havre-Paris pour sortir en boîte une veille de match lui avait valu une longue suspension.

Dès le Mondial 2014, le public avait moqué sa coiffure, mais salué sa fraîcheur, notamment quand il avait laissé couler ses larmes après l'élimination contre l'Allemagne. Son physique de jeune premier est également très remarqué sur les réseaux sociaux, où le hashtag #lesfessesdeGriezmann a même fait une percée lors du match contre l'Irlande. Lui-même sait jouer de l'humour sur Instagram et a adoré les détournements de sa glissade pour célébrer son but contre l'Islande. Avec Dimitri Payet, ils ont inventé une célébration commune qui pourrait devenir la version 2016 du baiser de Laurent Blanc sur le crâne de Fabien Barthez.

Dimitri Payet embrasse la chaussure d'Antoine Griezmann après le but de ce dernier contre l'Islande, en quart de finale de l'Euro, le 3 juillet 2016 au Stade de France. (FRANCISCO LEONG / AFP)

Son exil espagnol lui donne une dose d'excentricité qui a tout de suite plu aux puristes (c'est plus original de faire ses classes à la Real Sociedad qu'à Lyon ou au PSG), tout comme son goût pour l'Amérique latine – il ne se déplace plus sans son maté. C'est aussi ce qui l'aide à ne pas tomber dans l'écueil du gendre tellement idéal qu'il en devient agaçant, qui a eu raison de la popularité de Yohann Gourcuff.

Mais Antoine Griezmann est moins timide et poli qu'il n'en a l'air. Interrogé par So Foot, Paul Pogba décrivait un grand chambreur : "Le mec que vous voyez devant les caméras, ce n’est pas le vrai ! Parce que lui, c’est un fou. Il aime les musiques africaines, c’est un danseur, il danse sur tout, il est reggaeton Grizou !" A ses débuts en équipe de France, c'est avec les sulfureux Benzema et Evra qu'il était ami, pas Hugo Lloris. Dans la vie, il passe son temps à jouer aux jeux vidéo, mais arrive quand même à plaire à votre ami qui pense que les joueurs de foot sont des incultes. Dans un moment d'euphorie, le vénérable journal Le Monde a voulu le voir président de la République. Bref, Antoine Griezmann est adoré, comme peu de joueurs depuis Zinédine Zidane.

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