Euro 2016 : l'impossible équation de la sécurité dans les bistrots
La sécurité des "fan zones" inquiète les autorités. Mais ce n'est pas tout. Comment les cafés qui retransmettent les matchs de l'Euro doivent-ils s'organiser ? Les autorités ont émis des fiches de conseils.
"Les comptoirs installés sur les terrasses et servant à la vente d'alcool sont proscrits, de même que les écrans de télévision situés à l'extérieur." A quelques semaines de l'Euro, cette note municipale du 25 mai a semé une belle pagaille chez les bistrotiers de Marseille.
Face à la fronde, l'adjointe au maire Marie-Louise Lota a dû rétropédaler, en précisant qu'il ne s'agissait que de conseils de sécurité, et non d'interdictions formelles. La mairie déconseille simplement les "grands attroupements" sur l'espace public. "Ce qui n'empêche pas la préfecture de tolérer Nuit Debout", fulmine Marc Chemin, directeur de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) des Bouches-du-Rhône, contacté par francetv info.
Cette note s'appuie en fait sur une interprétation extensive de l'instruction interministérielle du 22 février, qui conseille "que les zones 'grands écrans'" – et non les bars – doivent être organisées dans des espaces clos, à l'accès "contrôlé". Pour rajouter encore à la confusion, le secrétaire d'Etat chargé des Sports Thierry Braillard a répondu "non", jeudi sur BFMTV, quand on lui a demandé s'il fallait autoriser les bars à diffuser les matchs sur des écrans installés en terrasse. Une affirmation démentie auprès de L'Express par la cabinet de Patrick Kanner, son ministre de tutelle. "L'interdiction concerne uniquement les retransmissions de matchs sur écran géant, pour des raisons de sécurité, mais absolument pas les cafés", explique-t-on, tout en ajoutant que la position définitive du gouvernement reste à préciser...
Une fiche de conseils à Paris, rédigée avant les attentats
Mais comment doivent se comporter les patrons de cafés face à la menace terroriste ? La question a également été évoquée à Paris, comme l'indique un document daté du 9 mai 2016 (et non 2015, comme écrit par erreur) retrouvé par francetv info. Ce document – qui "n'a pas vocation à être diffusé au grand public" – liste de nombreux conseils logistiques, en vue de la compétition. "Au regard de la menace terroriste, tout rassemblement de personnes constitue une cible potentielle", rappelle en effet le texte, produit par le service information-sécurité du cabinet du préfet.
Ne pas orienter les écrans de télé vers l'extérieur
Le texte insiste sur le confinement rapide des établissements en cas d'attaque. "Les bars devront disposer de préférence les écrans en milieu fermé, avec possibilité de fermeture rapide des portes en cas de menace avérée." L'orientation des télévisions est également mentionnée. "Les écrans ne seront pas orientés vers l'extérieur pour ne pas favoriser les regroupements sur le trottoir." Si la vitrine est équipée d'un rideau métallique, celui-ci doit pouvoir être rapidement baissé. Ainsi, la clé doit être "en évidence ou facilement accessible au personnel". Un verrou à molette ou des barres de sécurité sont recommandées, afin d'assurer le "verrouillage interne" des lieux.
Comme à Marseille, la préfecture de police de Paris nourrit elle aussi des inquiétudes sur la sécurité des terrasses. Il est ainsi conseillé d'y installer des "paravents opaques, en matériaux pleins", avec une préférence pour les "matériaux composites ou en polycarbonate épais", qui offrent une "bonne protection" contre d'éventuels projectiles et impacts.
"Des consignes de technocrates"
"Ce sont des consignes de technocrates", réagit Didier Chenet, président du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat). Contacté par francetv info, il estime en effet que les gérants ne peuvent "pas investir dans ce genre de matériel, uniquement pour quelques soirs de match". Cette liste de conseils lui apparaît purement et simplement irréalisable. "Nous sommes incapables de mettre en place ce genre de procédure. Par exemple, vous avez quantité de restaurants qui n'ont plus de rideau de fer : nous ne sommes pas des bijoutiers."
Aucun contrôle ne sera réalisé pour vérifier la bonne application des mesures, puisqu'il s'agit de simples conseils, précisait la préfecture de police à francetv info, contactée avant les propos de Thierry Braillard. "Nous, nous disons aux adhérents d'éviter les attroupements sur le trottoir, et de limiter les diffusions aux terrasses délimitées des cafés, résume Didier Chenet. Mais sur la menace terroriste, nous sommes désarmés. Nous sommes inquiets, dans la mesure où la préfecture de police est elle-même inquiète."
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