Euro 2016 : les petits secrets cachés au fond de Löw
Présenté comme le gendre idéal et un maître tacticien, le sélectionneur de l'équipe d'Allemagne, en poste depuis dix ans, est loin d'être le coach parfait, dont le seul défaut est de manger ses crottes de nez.
Si vous ne connaissez qu'un seul sélectionneur présent à l'Euro 2016 en-dehors de Didier Deschamps, c'est forcément Joachim Löw, le coach allemand qui ne sait jamais quoi faire de ses mains pendant un match. Qu'elles soient dans son nez ou dans son pantalon, les médias s'en donnent à cœur joie.
Mais résumer l'homme qui fait briller la Mannschaft depuis 2006 à ses seuls TOC serait un rien réducteur. Avant le match de l'Allemagne face à l'Irlande du Nord, mardi 21 juin, voici tout ce que vous ne savez pas sur Joachim Löw.
La Fédération allemande au départ réticente
Quand JoachimLöw débarque en équipe d'Allemagne, à l'été 2004, il n'est pas accueilli par un enthousiasme débordant. Franz Beckenbauer, le parrain du foot allemand, préférait imposer au nouveau sélectionneur Jürgen Klinsmann un homme à lui. Mais "Klinsi", qui récupérait une Mannschaft en ruines après le fiasco de l'Euro 2004, avait déjà fait son choix. Pour lui, ce serait Joachim Löw ou rien. Cet honnête joueur de deuxième division, qui avait démarré une honnête carrière de coach au Vfb Stuttgart, avec pour tout palmarès une Coupe d'Allemagne en 1997, et une finale de Coupe des coupes avec la même équipe l'année suivante.
Insuffisant pour convaincre son président du Vfb Stuttgart, "qui s'inquiétait d'entendre des fous rires à l'entraînement", rappelle Die Welt. Pour l'establishment du foot allemand, un entraîneur, c'est un avant tout un homme à poigne qui fait suer ses joueurs. "Il y a eu une époque où mon pays était convaincu que la force était plus utile que le talent, que les muscles faisaient les meilleurs joueurs", se souvient Joachim Löw.
Le héros des Allemands se sent plus Suisse
Jürgen Klinsmann le choisit car ils ont passé ensemble leur diplôme d'entraîneur, et parce que le natif de Baden-Baden ne rentre pas dans le modèle allemand - il expliquera un jour se sentir plus suisse, pays où il a terminé sa carrière. "J'ai été pro pendant dix-huit ans, raconte Jürgen Klinsmann dans le livre Das Reboot. Et aucun entraîneur n'a été capable de m'expliquer comment coulissaient les défenseurs dans une défense à quatre. Ça a pris une minute à Joachim." "Je n'ai aucune idée de ce que je ferais si Klismann ne m'avait pas appelé, raconte de son côté Joachim Löw dans une interview au magazine spécialisé 11 Freunde. Peut-être que je serais entraineur à Leoben", autrement dit, le fin fond de l'Autriche.
La révolution du foot allemand produit ses premiers effets tangibles en 2006, avec le "Sommermärchen", le "conte d'été" du Mondial à domicile. L'équipe allemande, jeune, fraîche, offensive, échoue en demi-finale, dans la liesse populaire. L'aboutissement des nouvelles méthodes de Jürgen Klinsmann, qui oblige ses joueurs à pratiquer le tir à l'arc pour travailler leur sang-froid lors des séances de tirs au but ou démonter puis remonter des montres pour perfectionner leur acuité visuelle. Joachim Löw est chargé, en tant que suppléant, de la partie tactique de la préparation. Et quand Jürgen Klinsmann démissionne après la compétition, c'est lui qui récupère le poste.
Les forts caractères mis au pas
Un changement dans la continuité. Après un Euro 2008 réussi sur le gazon (battu 1-0 en finale face à l'Espagne), mais chaotique hors du terrain, marqué par des conflits avec plusieurs stars de l'équipe comme Michael Ballack ou Torsten Frings, il décide de se priver des forts caractères. Désormais, chaque joueur doit parfaitement se comporter envers son coach. Celui que la presse surnommait dans les années 1990 le "gentil Monsieur Löw" ne veut plus voir une tête qui dépasse, raconte Christoph Bausenwein, dans son livre Joachim Löw und sein Traum vom perfekten Spiel.
C'est lors du Mondial sud-africain en 2010, qu'il devient une star. Sa Mannschaft marque les esprits avec un jeu spectaculaire, des victoires mémorables, comme le 4-1 face à l'Angleterre en huitièmes et un 4-0 infligé à l'Argentine en quarts. Son équipe tombe, les armes à la main (1-0), face à l'Espagne, futur vainqueur, en demi-finale. La Löw-mania est lancée : à la fin de l'année, il figure dans le top 3 des personnalités les plus populaires outre-Rhin, derrière l'ancien chancelier Helmut Schmidt, artisan du rapprochement entre RFA et RDA et le journaliste Günther Jauch. "Je sais que je peux devenir l'ennemi numéro un très rapidement", nuance-t-il dans 11 Freunde, avec son accent souabe à couper au couteau - aussi prégnant que celui d'Aimé Jacquet, c'est dire.
Le mythique pull bleu cobalt
Autre indice pour mesurer sa popularité : son fameux pull bleu cobalt, porté lors du Mondial 2010, a séduit le pays. Le fabricant est rapidement en rupture de stock. Les plus acharnés écument les boutiques... aux Pays-Bas pour dénicher les derniers exemplaires, raconte le livre Who invented the stepover ?.
Depuis, son look a été pris en main par Hugo Boss, sponsor officiel de la Mannschaft. Son tee-shirt blanc moulant, négligemment porté en conférence de presse après la victoire au Mondial 2014, ou son successeur, gris, n'ont plus grand chose de spontané. Mais ils dégagent une terrible confiance en soi. Il faut dire qu'être sélectionneur de la Mannschaft implique de garder son self-control dans des shows télés improbables où l'on doit danser avec le Jean-Pierre Foucault local déguisé en drag-queen.
Et quand une affaire de dopage éclabousse les deux clubs où il a joué dans les années 1980, le Vfb Stuttgart et l'Eintracht Frankfort ? Il dément, rappelle dans la Süddeutsche Zeitung qu'à l'époque, on ne souciait pas de ça, "de la même façon qu'on fumait dans les avions sans boucler sa ceinture", et on n'en parle plus. Une rumeur tenace affirme qu'il est gay ? Il répond à Die Welt : "J'en ai déjà entendu parler. C'est comme ce bobard sur le fait que je porte une perruque. Demandez à ma femme !" Monsieur et Madame Löw sont ensemble depuis l'adolescence. Pour vivre heureux, ils sont discrets. L'épouse du sélectionneur est aussi présente en public que le mari de la chancelière allemande, Angela Merkel.
Clope, casino et retrait de permis
Même ses revenus colossaux issus de la publicité - 1,5 million d'euros annuels, un appréciable complément à son salaire de 3,2 millions d'euros - ne font pas de vagues. "On refuse l'immense majorité des propositions", confie son agent au magazine 11 Freunde. Qui glisse : "Je ne lui donne pas de conseil sur sa coiffure". Car s'il faut trouver un défaut au Joachim Löw public, ce sont ses errements capillaires passés, façon Godefroy de Montmirail.
Son penchant pour les Marlboro light, parfois fumées dans une loge du stade ? Pardonné. Son amour des casinos ? A peine évoqué. Son retrait de permis pour six mois pour excès de vitesse, alors que Mercedes est sponsor officiel de l'équipe ? Evacué en une blague. "Je veillerai à ce qu'il mette le limitateur de vitesse la prochaine fois", sourit Oliver Bierhoff, le manager.
Le sélectionneur idéal, Joachim Löw ? Les Allemands ne sont pas loin de le penser. Et quand il partira, peut-être après un sacre au Stade de France le 10 juillet, se posera la question de son successeur. Celui que l'Allemagne entière (dont sa femme) surnomme "Jogi" a déjà sa petite idée, rappelle le magazine Focus (en allemand) : "Jürgen Klopp ! [L'actuel entraîneur de Liverpool] a une coupe de cheveux très chic, une femme sympa et un solide sens de l'humour." Les trois qualités indispensables pour durer à la tête de la Mannschaft ?
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