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Euro 2016 : au Stade de France, le blues des supporters des Bleus

Crispés par un scénario horrible, les supporters des Bleus ont passé une mauvaise soirée dans les tribunes du Stade de France. Francetv info était à leur côté.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un supporter français après la défaite de son équipe, le 10 juillet 2016 en finale de l'Euro. (JEAN MARIE HERVIO / DPPI MEDIA / AFP)

J'aurais dû l'écouter. Il est 17 heures dans le métro et ce passager a un mauvais pressentiment pour la finale de l'Euro, entre la France et le Portugal. "Je sens bien un scénario atroce, avec par exemple un carton rouge pour la France. Les Portugais vont vaincre la malédiction", lâche-t-il, sur le chemin des bars où il compte regarder le match. "On va aller dans un, deux ou trois bars, on changera à chaque but", plaisante-t-il. Il ne sait pas encore que que le match ne lui en offrira pas l'occasion.

J'aurais dû également me méfier de ces soutiens allemands. Dans le RER qui conduit au Stade de France, des supporters de la Mannschaft comptent les étoiles de champions du monde sur leur maillot, quand on leur parle de leur défaite en demi-finale. "Mais on supporte quand même la France, vous méritez plus de gagner que le Portugal", glissent-il, avec le confort de ceux qui ne stressent plus pour leur équipe.

Le kop des Bleus relégué au dernier rang

J'aurais dû enfin voir que les mauvais signes s'accumulaient, comme les papillons de nuit dans le stade. Il y a d'abord la mauvaise humeur de Clément d'Antibes, le légendaire supporter des Bleus, privé de coq pour son dernier grand tournoi. Au 3e étage du Stade de France, dans le virage réservé aux supporters des Bleus, il traîne son mal-être en tentant d'accrocher une banderole. Il finit par la retirer, puis nous envoie paître lorsqu'on lui demande ce qu'elle dit. "La même chose que mon tee-shirt", grommelle-t-il, en montrant la tunique où figure la liste des compétitions auxquelles il a assisté (depuis Séville et la Coupe du Monde 1982).

A l'autre bout de l'écosystème des supporters des Bleus, les Irrésistibles Français  – dont le mot d'ordre est "moins de déguisement, plus de chants" – ne sont pas plus à la fête. L'UEFA, qui gère les places dévolues aux supporters, les a placés au dernier étage du stade"Ça fait des années qu'on est en bas, et là, le jour de la finale, ils nous mettent en haut", regrette Didier. Ils ont bien essayé de s'installer derrière le but, dans les escaliers, mais les stadiers, "psychorigides", n'ont rien voulu savoir. Comme tout kop qui se respecte, les Irrésistibles Français préfèrent être au ras de la pelouse, où l'on voit moins bien le jeu mais où il est plus facile de mettre l'ambiance. "Le son monte. Donc là, on chante vers le toit", résume-t-il.

Clappings ratés et match fermé

Ils ne sont pas au bout de leur peine. Dès le coup d'envoi, un supporter s'évanouit à quelques sièges de leurs places. Les quelques minutes de flottement et l'intervention des stadiers jettent un léger froid. Surtout, malgré quelques "Aux armes" et "Qui ne saute pas n'est pas français" réussis, les Irrésistibles n'arrivent pas à entraîner le reste du stade avec eux. Sur leur gauche, des supporters, qui ont sans doute découvert cette pratique avec les Islandais, multiplient les "clappings" ratés et intempestifs, comme les olas à une autre époque. Et quand les Irrésistibles lancent le leur, créé en 2014, leur "France" est recouvert par des "huh"...

Le jeu n'aide pas vraiment la tribune bleue à sortir de son début de match compliqué. Elle n'a pas beaucoup d'occasions de se réjouir, malgré la sortie de Cristiano Ronaldo, copieusement hué. "Et CR7, et CR7 est une s****", chante le virage bleu, sans imaginer que la blessure du meilleur joueur adverse sera la dernière bonne nouvelle de la soirée pour la France. Enorme sur le terrain, Sissoko est l'un des rares joueurs à réveiller la tribune : "Moussa, Moussa, Moussa". Un streaker, qui parvient à placer un saut périlleux sur la pelouse avant d'être expulsé de la pelouse, déride à peine l'assistance.

"C'est une finale, putain, merde"

L'enthousiasme disparaît à mesure que les minutes et les occasions manquées défilent. "C'est une finale, putain, merde", s'agace un supporter. Même les vapeurs de cannabis qui flottent dans l'atmosphère ne parviennent pas à faire redescendre la tension et à faire disparaître cette satanée boule au ventre. Les mains sont jointes, les ongles rongés. Les Irrésistibles Français égrènent les secondes quand le gardien portugais garde trop le ballon, mais l'arbitre n'entend pas.

Le poteau d'André-Pierre Gignac, à la 92e minute, réveille la tribune une dernière fois. La suite n'est qu'une longue agonie, celle du supporter qui sait que son équipe a raté sa chance trop de fois pour espérer l'emporter. Eder donne le coup de grâce à dix minutes de la fin de la prolongation. Le kop tente bien un baroud d'honneur, mais les chants ne prennent plus. Les noms d'oiseaux fusent contre ces joueurs portugais qui jouent la montre. "Deux minutes d'arrêts de jeu ? Mais ils sont restés quinze ans par terre", se lamente un jeune garçon.

"On se retrouve en 2018"

Les larmes commencent à monter, les premiers supporters quittent la tribune. L'arbitre siffle la fin du match. Le Portugal, qui n'a mené au score que 73 petites minutes sur l'ensemble du tournoi, est champion d'Europe. "On se retrouvera à la Coupe du monde 2018 et on va vous éclater", menace-t-on derrière moi. La perspective d'une éventuelle revanche ne suffit pas à consoler le reste de la tribune, qui quitte rapidement le stade.

Dans la queue en attendant le RER, un supporter partage son désarroi. "On n'a même pas eu l'occasion de sauter de joie, de fêter un but", se désole-t-il. Personne n'est venu délivrer les supporters de l'équipe de France du stress accumulé tout au long de cette journée interminable. Comme le football est cruel, parfois.

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