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Guy Stéphan, l'homme qui murmure à l'oreille de Didier Deschamps

Il parle peu, se montre peu, et reste toujours dans l'ombre. Il est pourtant un des rouages essentiels de l'équipe de France. Francetv info vous dit tout sur l’adjoint et bras droit du sélectionneur.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Guy Stéphan dirigeant un entraînement des Bleus, le 29 mai 2016 à Nantes. (FRANCK FIFE / AFP)

"Avec le temps, on n’a parfois même plus besoin de se parler. Juste un regard et on se comprend." C’est beau comme du "Plus belle la vie", mais version foot. Cette confidence de Guy Stéphan recueillie par Raphaël Raymond dans Les Bleus 2016 (éd. Cherche Midi) résume à merveille la complicité qui lie le sélectionneur à son adjoint. Discret et taiseux, il est un rouage essentiel de l'encadrement des Bleus version Deschamps.

Les soirs de matchs, en retrait derrière le coach, il acquiesce à ses analyses, glissées main sur la bouche pour éviter que les médias lisent sur les lèvres. Mais attention, pas question d’être un adjoint "béni-oui-oui". Sifflet aux lèvres, c’est lui qui mène les séances d’entraînement. A lui aussi de regarder tous les matchs des joueurs suivis par Didier Deschamps, plus de 400 par saison. S'il en suit une majorité devant la télé de son salon cannois, l’adjoint fait parfois le déplacement dans les stades, en toute discrétion.

Et pas question de trop parler aux joueurs au risque de leur faire passer un message différent de celui du sélectionneur. Stéphan sait rester à sa place. En revanche, il prend le temps de discuter avec les remplaçants. "C’est vrai, ma proximité est plus grande avec ceux qui sont en difficulté. Quand je discute avec l’un d’eux, ce n’est pas forcément pour tout répéter à Didier", explique-t-il dans Les Bleus 2016. Entre eux, la confiance règne. "Avec Guy, j’avance les yeux fermés", confiait le sélectionneur dans La bande à Deschamps (éd. Robert Laffont, 2014).

Guy Stéphan et Didier Deschamps, complices même dans les tribunes de Roland-Garros, le 1er juin 2013. (PDN/SIPA)

Des plateaux de Canal + au banc de l'OM

Cette complicité est née il y a seize ans. A l'époque, Guy Stéphan a 44 ans, Didier Deschamps 32 ans. Avant de partager le banc des Bleus et un bureau de 30 m2 au premier étage de la FFF, les deux hommes se sont connus dans la victoire. Celle de l’Euro 2000. Deschamps sur le terrain avec Zidane, Henry et Trezeguet ; Stéphan sur le banc, comme adjoint (déjà) du sélectionneur, Roger Lemerre.

Puis c’est sur un plateau, face aux caméras, comme consultants pour Canal+ en 2007, que les deux hommes ont appris à s’apprécier. L’ancien champion du monde venait tout juste de faire remonter la Juventus de Turin en Serie A et Guy Stéphan venait de terminer son aventure turque avec Jean Tigana, à Besiktas (un des clubs d'Istanbul). Mais c’est deux ans plus tard que Deschamps fait officiellement appel à lui pour reprendre les rênes de l’OM. Un duo gagnant avec six titres récoltés en trois ans (un championnat de France, trois coupes de la Ligue et deux trophées des Champions) après dix-sept ans de disette des Olympiens.

Le couple s'est forgé au gré des tempêtes qui secouent le club, et notamment la guerre larvée, puis ouverte, avec José Anigo, alors directeur sportif. Et quand Deschamps décide de claquer la porte deux ans avant la fin de son contrat, Stéphan le suit en équipe de France. "S'il fallait retenir trois mots pour qualifier un adjoint, je citerais 'fidélité, confiance, complicité'. Guy les incarne tout à fait. J'y ajouterais la richesse de ce qu'il m'apporte dans nos échanges", confiait en 2014 le sélectionneur des Bleus au Monde

Même pendant les photos officielles, ça chuchotte entre Deschamps et Stéphan.  (FRANCK FIFE / AFP)

Mais cette fidélité n'occulte pas ses compétences. Une vision et une intelligence repérées par celui qui est aujourd’hui son président de fédération : Noël Le Graët. C’est en 1976 que celui qui est déjà à la tête de l’En Avant Guingamp vient proposer à Guy Stéphan un poste de meneur de jeu dans l’équipe, qui évolue à l’époque en troisième division, rappelle-t-il dans Ouest-France. Mais Stéphan a 19 ans, et pas question pour ses parents de laisser quitter le garage familial de Ploumilliau (Côtes-d’Armor) sans terminer ses études. "P'tit Guy", comme on le surnomme, ne joue donc que les week-ends, et obtient son diplôme de professeur d’EPS en 1980.

"La rigueur personnifiée"

Six ans plus tard, le 24 juillet 1986, alors qu’il joue à l’époque comme meneur de jeu au stade Malherbe de Caen, ses rêves de footballeur s’arrêtent au détour d’un virage. "J’habitais à Merville-Franceville et je me rendais à l’entraînement, raconte l’entraîneur adjoint des Bleus à l'hebdomadaire Liberté Bonhomme Libre. A Sallenelles, un mec roulait à gauche, je n’ai pas pu l’éviter…" Dans sa Renault 9, le choc est violent et lourd de conséquences. Le meneur de jeu passe plusieurs heures dans le coma. Double fracture tibia-péroné, une autre du coude, de la mâchoire, ainsi qu’un traumatisme crânien. Il croit bien dire adieu aux terrains. Il lui faut un an et une volonté de fer pour s’en remettre. "Guy se fixait des objectifs chronométriques, en prenant repère sur les cuves d’Ouistreham. Guy, c’est la rigueur personnifiée", se souvient Denis Morcel, l’un de ses amis et voisins.

Quelques années plus tard, à l'âge de 29 ans, Guy Stéphan troque son maillot contre le survêtement d'entraîneur –et son diplôme de prof de sports s'avère très utile. Pierre Mankowski, alors à la tête de l'équipe première de Caen, lui propose de prendre en charge la réserve pendant un an. Sa carrière est lancée. En seconde division d’abord, à Montceau-les-Mines et Annecy, puis au haut niveau à Lyon en devenant adjoint de Raymond Domenech puis Jean Tigana, avant la consécration en 1995 lorsqu’il devient entraîneur principal. Mais après une saison correcte et un bon parcours en coupe d’Europe (8e de finale de la coupe UEFA), la chute est brutale : il est limogé par Jean-Michel Aulas après un cinglant 0-7 contre Auxerre. Il tente de reprendre pied à Bordeaux en 1997, mais il est là aussi débarqué après une saison. C'est à la DTN, comme adjoint de Roger Lemerre, qu'il rebondit au lendemain de la victoire de 1998.

Désormais, plus qu'un simple adjoint, Stéphan s'est mué en avocat, n'hésitant pas à sortir de sa réserve pour faire la une de L'Equipe en défendant son sélectionneur attaqué par Karim Benzema et Eric Cantona"Je travaille avec lui au quotidien depuis sept ans. Le soupçonner de racisme, c'est être complètement à côté de la plaque. C'est un procès insupportable qui lui est fait." Une sortie rare pour cet homme de l'ombre.

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