"Dopage financier", fichage ethnique au PSG, Super Ligue européenne : quelles sont les principales révélations des "Football Leaks" ?
Plusieurs journaux européens ont travaillé des mois sur une fuite de documents gigantesque qui permet d'éclairer la face sombre du football européen. Franceinfo fait un premier point sur ces révélations, qui doivent s'étaler sur trois semaines.
Chaque livraison des "Football Leaks" est un nouveau carton rouge. Voici déjà une semaine que le consortium European Investigative Collaborations (EIC) multiplie les révélations sur les dessous financiers du football européen. Au total, quinze journaux ont épluché plus de 70 millions de documents pendant huit mois et découvert la face sombre de ce sport. Transferts, influence politique, "dopage financier"... Franceinfo revient sur ces premières révélations, qui devraient encore se prolonger pendant deux semaines.
Le PSG aidé par un "dopage financier"
Le PSG a eu recours à "un dopage financier" d'envergure pour contourner le fair-play financier, selon Mediapart, membre de l'EIC. Cette règle, adoptée par l'UEFA en 2010, stipule qu'un club ne peut pas dépenser plus d'argent que ce qu'il gagne. Comme il est également interdit de subventionner les clubs à fonds perdu, le club parisien a dû imaginer un autre système pour bénéficier de la manne offerte par le Qatar. La combine ? Depuis son rachat en 2011, le PSG a obtenu 1,8 milliard d'euros en passant des contrats de sponsoring passés avec des institutions liées à l'émirat. Ces contrats, en effet, ne sont pas concernés par le fair-play financier.
>> "Football Leaks ": le PSG a contourné le fair-play financier "de manière frauduleuse"
Le hic, c'est que ces sommes seraient supérieures à la réalité des contreparties proposées par le club. "Le PSG doit seulement mentionner le Qatar dans sa communication et participer à un événement promotionnel une fois par an", écrit Mediapart. L'UEFA a été avertie de ce montage mais elle n'a pas exclu le club de la Ligue des champions, se contentant de lui infliger une amende de 60 millions d'euros et deux ans de restriction financière. L'un des documents obtenus dans les "Football Leaks" précise que le PSG a été blanchi par l'UEFA en juin 2018 "pour des raisons politiques".
Le coup de pouce financier suspect pour l'AS Monaco
L'AS Monaco a lui aussi bénéficié d'un coup de pouce financier. Le président du club, l'oligarque russe Dmitri Rybolovlev, avait prévu d'injecter 326 millions d'euros en deux ans dans le club de la Principauté. Pour contourner les règles du fair-play financier, l'idée était donc, écrit Mediapart, de verser cette somme via une agence de marketing sportif, AIM, dans le cadre d'un contrat de sponsoring de complaisance. Ces revenus n'auraient pas été comptabilisés dans le fair-play financier, mais l'argent serait bien provenu des fonds propres de Dmitri Rybolovlev, via un complexe montage offshore.
L'affaire a toutefois échoué, explique Mediapart, en raison d'un différend entre le président de l'AS Monaco et le propriétaire de l'agence AIM, Bernard de Roos. Toujours selon le site, le club de la Principauté a signé un accord amiable avec le patron de l'agence, qui menaçait de révéler la combine.
Un fichage ethnique au sein du PSG
De 2013 au printemps 2018, la cellule de recrutement du PSG a mentionné des critères ethniques dans ses fiches d'évaluation de jeunes joueurs, classés comme "français", "maghrébin", "antillais", "africain". L'émission "Envoyé spécial" a notamment recueilli le témoignage de Serge Fournier, un ancien recruteur du PSG en Normandie. Celui-ci devait compléter un tableau pré-rempli à chaque match supervisé, avec notamment une case "origine".
>> VIDEO. Les explications d'un ancien recruteur sur des pratiques de fichage ethnique au PSG
Une réunion interne "houleuse" aurait eu lieu à ce propos en mars 2014, selon un compte-rendu publié par Mediapart. Le site d'investigation cite une déclaration attribuée à l'un des responsables de la cellule de recrutement de l'époque, Marc Westerloppe "Il y a un problème sur l'orientation du club, il faut un équilibre sur la mixité, trop d'Antillais et d'Africains sur Paris." Marc Westerloppe, lui, conteste avoir tenu ces propos. Il y a un mois, le club parisien a lancé une enquête interne et son directeur général délégué, Jean-Claude Blanc, dénonce aujourd'hui "des critères absolument insupportables".
La prime d'éthique des joueurs du PSG
Les contrats des joueurs du PSG comprennent notamment une prime d'éthique. Celle-ci est versée à condition de respecter plusieurs impératifs, dont celui de "saluer et remercier les supporters, avant et après chaque match". Son montant est de 70 000 euros par mois pour Angel Di Maria et Edinson Cavani, mais peut grimper à 117 000 euros pour Kylian Mbappé et 375 000 euros pour Neymar. Marco Verratti s'est vu "retirer une partie de sa prime d'éthique mensuelle" après son contrôle routier en état d'ivresse fin octobre, avait annoncé le PSG.
De nombreuses autres clauses ouvrent droit à ces primes. Neymar doit répondre aux demandes d'entretien du groupe Al Jazeera (une chaîne détenue par le Qatar), Edinson Cavani peut perdre de l'argent s'il arrive avec plus d'un quart d'heure de retard à plus de 5% des entraînements, etc. L'UNFP, syndicat des joueurs de foot professionnels, est opposé à ce système de primes, car elle y voit "une manière de modifier unilatéralement les conditions de rémunération d’un salarié", expliquait en 2016 son président au Monde
Les exigences de Kylian Mbappé
Kylian Mbappé a négocié âprement son transfert de Monaco au PSG, à l'été 2017. Il a notamment tenté d'obtenir une clause lui permettant de devenir le plus gros salaire du club, s'il obtenait le Ballon d'or – plus haute récompense individuelle du football. Le club parisien a refusé, mais Kylian Mbappé touche tout de même 10 millions d'euros par an en moyenne (7 la saison dernière, 12 lors de la saison 2021-2022). Cette somme est nette d'impôt, car le joueur a obtenu que le club règle sa facture fiscale.
Le joueur bénéficie également de 30 000 euros par mois pour ses frais de logement et le salaire de trois employés : un gestionnaire de maison, un chauffeur et un agent de sécurité. Kylian Mbappé, en revanche, n'a pas obtenu de primes de performance supérieures à celle de ses coéquipiers, comme il le réclamait. Il n'a pas non plus décroché 50 heures de voyages en jet privé par an. "Je tiens à préciser que je paie tous mes impôts en France, sur tous mes revenus", a expliqué le joueur à franceinfo. Mediapart dénonce les irrégularités dans le football, sauf que tout ce que j'ai fait est en règle. Donc je ne comprends pas."
Le projet d'une Super Ligue fermée au niveau européen
Seize clubs sont impliqués dans un projet de compétition européenne fermée, qui pourrait débuter dès 2021 et pourrait remplacer la Ligue des champions et les championnats nationaux pour les équipes engagées. Fin octobre, un document de 13 pages a été adressé aux assistants du président du Real Madrid, Florentino Pérez, par une société financière, Key Capital Partners. Ce volet des "Football Leaks" a été notamment révélé par Der Spiegel, The Guardian et Le Soir.
Cet "accord préliminaire contraignant" dessine les grandes lignes de la future compétition : les onze membres fondateurs (Real Madrid, PSG, Bayern Munich, FC Barcelone, Juventus Turin, Milan AC, Manchester United, Manchester City, Chelsea, Liverpool et Arsenal) sont assurés de disputer la compétition pendant 20 ans. Cinq clubs invités sont également mentionnés (Atlético Madrid, AS Roma, Borussia Dortmund, OM, Inter Milan).
L'intérêt d'une telle compétition est évidemment financier. Cette Super Ligue pourrait multiplier par cinq les revenus annuels des clubs concernés, selon les calculs de Charlie Stillitano, directeur exécutif de Relevent Sports, une structure qui organise déjà l'International Champions Cup. En décembre 2015, cet homme avait déjà écrit aux dirigeants madrilènes pour défendre l'idée d'une compétition européenne fermée.
Moyen de pression sur l'UEFA ou réel projet ? Difficile à dire à ce stade, mais cette épée de Damoclès a déjà contraint l'UEFA à changer la formule de la Ligue des champions, en 2016, afin de favoriser les clubs des grands championnats et de répartir les revenus de la compétition en leur faveur, explique Mediapart.
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