"Football leaks" : "Une immense fraude et une immense hypocrisie de l'UEFA", explique l'un des journalistes de Mediapart
Yann Philippin, journaliste à Mediapart, décrypte les révélations des "football leaks".
"Le grand mérite de ces 'football leaks', c'est de mettre en lumière cette immense fraude et l’immense hypocrisie de l’UEFA", explique Yann Philippin, l’un des auteurs de cette enquête pour Mediapart, invité de franceinfo vendredi 2 novembre. Le site d'information révèle notamment que le PSG et Manchester City auraient été couverts par l'UEFA pour contourner les règles du fair-play financier. Les révélations visent aussi Gianni Infantino, ex-secrétaire général de l'UEFA et actuel président de la Fifa.
franceinfo : À quel niveau le PSG est-il dans le viseur de cette enquête ?
Ce qu’il faut retenir, c’est l’ampleur de la fraude. Le Qatar a investi de l'argent à fonds perdus dans le PSG. On parle de 1,8 milliard d’euros, des sommes hallucinantes. Comme c’est interdit par le fair-play financier, ils ont signé un contrat avec l’autorité touristique du Qatar à 215 millions d’euros par an, soit plus que le budget de l’Olympique de Marseille par exemple. Notre principale révélation, c’est que ce contrat, d’une valeur faciale de 215 millions d’euros, deux experts indépendants l'ont évalué à 123 000 euros et à 3 millions d’euros pour l’autre, c’est-à-dire jusqu’à 1 700 fois moins cher que sa valeur réelle. C’est-à-dire une surévaluation absolument massive.
Le pire, c’est que cette autorité touristique du Qatar, qui paie 215 millions d’euros, n’a quasiment rien en échange. Elle devait avoir une loge au Parc des Princes, mais sur ordre de Nasser Al-Khelaïfi, elle a été supprimée. Le seul bénéfice un peu tangible qu’elle avait, c’est que le PSG allait faire une tournée d’été au Qatar pour la trêve, mais cette tournée a lieu au Maroc ou en Tunisie, sans que l’autorité du Qatar ne se plaigne. Donc on peut parler de contrat quasiment fictif. On est totalement dans le cadeau.
Que dire de l’UEFA dans ce dossier ? Le PSG n’est pas sanctionné, alors que d’autres clubs, moins importants, le sont.
C’est vrai que c’est la clé de notre enquête : on voit qu’il y a des arrangements, que les règles ne sont pas les mêmes pour tous à l’UEFA. On a vu le Milan AC avoir une décision d’exclusion de la Ligue des champions. On voit d’autres clubs, comme le PSG ou Manchester City, qui ont des fraudes financières beaucoup plus importantes, blanchis, eux. Et ça, ça s'explique par le fait que les plus hauts dirigeants de l’UEFA - à l’époque Michel Platini et Gianni Infantino - auraient personnellement couvert la fraude du PSG via des rendez-vous secrets.
Surtout, ils ont court-circuité la justice interne, parce qu’il y a des enquêteurs indépendants à l’UEFA qui ont mené l'enquête, trouvé la fraude. Mais Gianni Infantino et Michel Platini sont passés par-dessus et ont dit, non, il n’y aura pas de sanctions, on va faire un accord à l’amiable. C’est à tel point que le président de cette chambre d'enquête, l'enquêteur en chef de l'UEFA, a démissionné, c’est l’une de nos révélations, parce qu’il ne voulait pas signer l’accord qu’il trouvait beaucoup trop favorable [au PSG]. Cette démission était restée secrète jusque-là.
Gianni Infantino, le nouveau président de la Fifa, qui est cité dans cette affaire, était arrivé à la tête de la fédération en disant qu’il voulait dépoussiérer toutes les affaires. On se rend compte qu’il est encore mêlé à plusieurs affaires de corruption, de malversation ?
Oui, c’est notre autre scoop de ce soir dans Mediapart grâce aux "football leaks" : les dossiers noirs du président de la Fifa. On révèle par exemple qu’il avait promis de lutter contre la corruption, mais en fait son principal intérêt, ça semble être que la corruption ne se voit pas. Il a adouci les règles et quand la loi est moins sévère, forcément la corruption se voit moins. On révèle aussi qu’il a personnellement adouci le code d’éthique de la Fifa au point d’y retirer le mot "corruption". Donc la corruption existe toujours à la Fifa mais elle n'existe plus dans le code d’éthique, ce qui est bien pratique.
On révèle aussi qu’il a nommé une procureure interne, la dame qui est censée mener des enquêtes, punir les corrompus de l’intérieur. En fait, on se rend compte que cette dame a été choisie par le responsable d’une fédération qui est lui-même poursuivi pour corruption et qu’elle est là essentiellement pour qu’il n’y ait pas d’enquête, que rien ne bouge et que tout soit tranquille pour Gianni Infantino.
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