Football : plus de 1 000 joueurs français expatriés dans le monde… Pourquoi les footballeurs tricolores s'exportent-ils autant ?
Seuls les Brésiliens font mieux. À travers le monde, 1 033 footballeurs français évoluent aujourd’hui à l’étranger, soit le deuxième plus haut total derrière le Brésil (1 289). Depuis 2017, l’Observatoire du football CIES étudie des données à travers 190 pays et 135 championnats et, pour la toute première fois, le contingent de joueurs français à l’étranger a dépassé le seuil des 1 000 expatriés. Un record qui interroge.
De la Roumanie à la Turquie en passant par l’Angleterre ou encore l’Italie, la France inonde la planète de joueurs. "Il y a une popularité du footballeur français qui ne se dément pas depuis plusieurs années", observe Loïc Ravenel, cofondateur de l’Observatoire du football, en charge de l’étude publiée en mai sur les joueurs expatriés. Mais comment expliquer que les joueurs français ont autant la cote et ne faut-il que s’en réjouir ?
L’expatriation des joueurs français est avant tout le signe de la vitalité de la formation tricolore. "Les joueurs français cochent toutes les cases du football moderne : ils sont rapides, techniques et physiques. Ils savent aussi s'adapter, ils sont bien partout", souligne Yvan Le Mée, agent de joueurs au sein de la structure Sport Profile, qui a exporté entre 50 et 60 talents français à l’étranger ces dernières années.
Le footballeur français comble les manques à l'étranger
Formé pour répondre aux exigences du football de haut niveau, le joueur français a donc la cote. Les résultats de l’équipe de France sur la durée – quatre finales de Coupe du monde sur les sept dernières éditions – entretiennent cet effet de mode. "Les scouts du monde entier surveillent les joueurs français", assure Ravenel. Parmi les quatre grands championnats européens – Liga, Premier League, Bundesliga et Serie A -, voisins de la France, les Tricolores compensent les manques.
"On a des profils qui plaisent parce qu’ils sont différents. Ces championnats trouvent en France ce qu’ils n’ont pas chez eux", précise l'agent. Mais cette popularité ne se limite pas aux Français qui peuvent rêver d’un avenir chez les Bleus. Beaucoup de jeunes joueurs sortent des centres de formation sans trouver leur place dans les équipes professionnelles de l’Hexagone. Se met alors en place une logique classique de "marché du travail", selon Ravenel.
"Quantitativement, les tops joueurs sont peu nombreux. Derrière eux, on a une masse de joueurs méconnus dans un marché différent, qui fonctionne très souvent avec des relations de proximité, des relations culturelles, des opportunités d’emploi et des réseaux d’agents avec des filières", décrit le chercheur. Grâce à sa bonne cote et des réseaux mondialisés bien implantés, le joueur français trouve plus facilement des points de chute à l’étranger.
Le Luxembourg, destination préférée des Français
L’exemple parfait ? Le Luxembourg, où se trouve le plus gros contingent d’expatriés tricolores. 124 Français évoluent dans le Grand-Duché, dans des championnats au niveau moins élevé, mais proches de la France et qui leur permettent de vivre de leur passion. C’est le cas de Rayan Philippe, attaquant de 22 ans d’Hesperange, formé à Dijon, qui est cette saison le joueur le plus décisif (32 buts et 28 passes décisives en 31 matchs) du continent.
Chez les "tops joueurs" , évoqués par Ravenel, le choix de quitter la France relève souvent de logiques économiques. Avec des droits télévisés beaucoup moins élevés que les quatre autres grands championnats européens, la Ligue 1 et ses clubs ont le plus grand mal à s’aligner sur les salaires pratiqués par leurs voisins. Pour les clubs de Serie A, de Liga, de Bundesliga et de Premier League, le joueur français est plutôt vu comme une aubaine.
"Le joueur français coûte moins cher qu’un Brésilien ou un Argentin. Les Italiens disent que les Français coûtent trois fois moins cher qu’un joueur local, indique Yvan Le Mée. Les bases de salaire sont supérieures à l’étranger donc les Français ont intérêt à partir. Un club moyen de Ligue 1 paie beaucoup moins que les clubs étrangers", ajoute l’agent.
La France devant le Brésil à terme ?
Dans ces conditions, les clubs français sont les grands perdants, car ils ne parviennent pas à retenir les jeunes talents ou à acheter ceux qui percent dans l’Hexagone. "À partir du moment où ils ont fait quelques bons matchs en Ligue 1 ou en Ligue 2, les joueurs français deviennent inaccessibles financièrement pour des clubs comme le nôtre", se désole un directeur sportif d’un club de Ligue 1, qui n’a pas souhaité être nommé.
Certains clubs français de l’élite, comme le Stade de Reims ou Toulouse, flairent donc les bons coups à l’étranger plutôt que d’investir sur du local. Les grands clubs, comme le Paris Saint-Germain, l’AS Monaco ou l’Olympique de Marseille, n’investissent pas non plus pleinement le marché français. L'été dernier, alors qu'il n'avait plus recruté de Français depuis Lassana Diarra en 2018, le PSG a misé sur Hugo Ekitike et Nordi Mukiele. Le premier déçoit tandis que le second n’est que remplaçant.
Malgré ce manque de compétitivité du championnat de France, Yvan Le Mée ne souhaite pas s’alarmer de l'augmentation des joueurs français expatriés : "On peut se dire qu’on a une bonne formation, que ça fait évoluer le niveau de la sélection et surtout que les clubs peuvent trouver un modèle économique à travers le trading [miser sur des jeunes joueurs pour des sommes assez basses et les revendre à prix fort après leur émergence]".
Le mouvement d’expatriation des joueurs français ne semble pas être en mesure de s’épuiser. Depuis 2017 et les premières données fournies par l’Observatoire du football, la France a connu une augmentation de 34,5% de ses joueurs évoluant à l’étranger, contre seulement 9,5% pour le Brésil. À terme, le nombre de Tricolores dans les championnats du monde entier pourrait dépasser celui des Brésiliens. "Ça pourrait être le cas, indique Ravenel. Mais le joueur brésilien a aussi toujours la cote. Le Brésil a de la marge et un réservoir très important et le football brésilien est organisé pour l’exportation de ses joueurs."
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