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Footballeurs, rugbymen : souriez, vous êtes chartés

L'équipe d'Angleterre de foot vient de dévoiler sa charte de bonne conduite. Une spécialité française. Une mode dans le sport de haut niveau. Un exercice infantilisant?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les footballeurs Karim Benzema et Jérémy Menez se congratulent lors d'un entraînement, à Clairefontaine (Yvelines), avant le match France-Japon, le 8 octobre 2012. (FRANCK FIFE / AFP)

SPORTS – Mardi 9 octobre, les joueurs de l'équipe d'Angleterre de football ont eu deux surprises. La première, c'est la visite de la duchesse Kate alors qu'ils traînaient dans un jacuzzi. La seconde, c'est une réunion où on leur a présenté un Power Point récapitulant les droits et les devoirs des internationaux, dont les détails ont fuité dans le Daily Telegraph (lien en anglais). Encore un code de bonne conduite, qui s'inspire de ceux déjà en vigueur en cricket et en rugby outre-Manche, et qui fait écho à la moralisation du foot français, entreprise à grands coups de chartes depuis 2008. Mais à quoi servent ces chartes ?

Une charte anglaise très 2.0

Une charte destinée à des sportifs de haut niveau répond à trois objectifs :

1) fixer des lignes jaunes à ne pas franchir pour le joueur en termes de comportement

2) prévoir des sanctions

3) rassurer l'opinion publique sur l'exemplarité de ses représentants.

La charte anglaise se focalise particulièrement sur l'utilisation par les joueurs des réseaux sociaux. Ces derniers, au contraire des internationaux français, commentent fréquemment l'actualité autre que sportive.

Une récente sortie du défenseur de Chelsea, Ashley Cole, comparant la fédération anglaise à une "bande de connards" sur Twitter, a entraîné la nécessité d'une remise à plat. "Il ne faut pas que les joueurs oublient, quand ils twittent, qu'ils représentent leur employeur, leur industrie et leur pays", fait remarquer l'ancien international Graeme Le Saux, sur la BBC (lien en anglais). Ashley Cole a-t-il franchi la ligne jaune ? Pas sûr. Le président de la Football Association estime "qu'on n'aurait pas exclu Ashley Cole de l'équipe nationale pour son tweet".

La France multiplie les chartes

D'où vient ce soudain besoin d'écrire une charte ? Ce serait une erreur de lier ces textes à la nouvelle génération des footballeurs, réputés moins gérables que les autres. En France, tout commence en 1984, quand une loi rend nécessaire la rédaction de la Charte du sportif de haut niveau. On peut notamment y lire que "le sportif de haut niveau est tenu de préserver l’image de sa discipline et du sport français en général".

De ce commandement un peu vague va découler une kyrielle de chartes. Ainsi, la fédération française de minigolf a dégainé la sienne deux ans avant celle des footballeurs. Même si, quand il s'était agi de sanctionner Eric Cantona, qui avait qualifié son sélectionneur de "sac à merde" en 1988, la FFF n'avait pas eu besoin de charte pour lui infliger un an de suspension.

Ecrire une charte répond à un besoin de communication, une façon de montrer qu'on a tiré les leçons d'un fiasco. La fédération française de football a donc tiré les leçons des échecs de 2008, 2010 et 2012 en accouchant de trois chartes successives. La première,  le "passeport bleu", en 2008, avait un faux air de carnet de correspondance de collégien, la seconde répondait aux demandes des politiques après le fiasco de Knysna en 2010, et une nouvelle charte a suivi de peu l'arrivée de Didier Deschamps. A noter que les footballeurs espagnols, eux, n'ont jamais signé la moindre charte. Ce qui ne les empêche pas d'être considérés comme des modèles sur et en dehors du terrain.

Même le Subbuteo…

Chaque sport, chaque pays, apporte sa touche personnelle. Les portables pendant les entraînements ? Ça ne passe pas en France.

Aller en sélection et avoir des ennuis judiciaires ? C'est passé en France, malgré les réticences des politiques autour de l'affaire Ribéry-Benzema-Zahia, ce sera sans doute interdit en Angleterre, d'après l'avant-projet révélé en février par le Daily Mirror (lien en anglais). Les sacs de grandes marques de luxe en plus de l'équipement officiel ? Interdit en France, tout comme les casques sur les oreilles. La courtoisie envers les supporters ? Erigée au rang de priorité en France. Le PSG l'inscrit même dans les contrats de travail : s'ils sont sympas avec les fans, les stars comme Thiago Silva touchent un bonus de 40 000 euros mensuels. Mais même sans cette incitation financière, Benzema et consorts ont fait un gros effort (gratuit) au niveau des autographes.

L'attaquant de l'équipe de France de football, Karim Benzema, en train de signer un autographe, le 8 octobre 2012 à Clairefontaine (Yvelines). (FRANCK FIFE / AFP)

Le dopage ? Ça ne passe nulle part, même dans des sports où à première vue il n'y a pas de problème de ce type. Ainsi, la charte du football sur table interdit explicitement l'usage de produits interdits. Le Subbuteo, oui, vous avez bien lu.

La clause ultime ne se trouve pas dans les chartes des footballs anglais et français, mais dans le code de conduite des rugbymen anglais, relevé par le site ESPN Scrum (en anglais) : "Ce qui se passe dans le centre d'entraînement anglais reste dans le centre d'entraînement." Une précaution pas inutile après un Mondial 2011 marqué par le scandale du lancer de nains et l'hygiène de vie discutable du XV de la Rose.

Reste la question de l'utilité de ces chartes. "A un moment donné, il faut arrêter de se comporter comme un instituteur, faisait remarquer l'ex-international de rugby Alain Penaud sur L'Equipe.fr. On tape sur les doigts, on met le bonnet d'âne. On infantilise un peu les internationaux. Je ne suis pas certain que ces piqûres d'autorité règlent les problèmes."

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