Franck Ribéry mérite-t-il votre haine ?
L'attaquant du Bayern Munich vient de manquer d'un cheveu le Ballon d'or, et doit faire face à une autre actualité peu reluisante : le procès Zahia. Voilà qui ne va pas regonfler sa cote en France...
"Je ne suis pas un saint, je ne suis pas un mec très cultivé. Mais je ne suis ni un tordu, ni un abruti." Franck Ribéry a livré cette phrase à L'Equipe Magazine en février 2012. A l'époque, l'ailier du Bayern Munich cherchait à lisser son image après la désastreuse affaire Zahia, puis le fiasco du Mondial sud-africain, marqué par l'affaire du bus. Deux ans plus tard, alors que s'ouvre le procès Zahia, portant sur des accusations de relations sexuelles avec une prostituée mineure, et qu'il vient de voir s'échapper le Ballon d'or, rien n'a changé : le footballeur souffre toujours d'une image exécrable en France. Mais pourquoi ?
Sportivement, rien à dire
"J'ai tout gagné avec mon équipe", rappelle encore le joueur dans une interview au magazine allemand Abendzeitung. C'est en effet l'un des plus beaux palmarès de joueur français en activité : triple champion d'Allemagne, triple vainqueur de la Coupe, une victoire en Ligue des champions. Après celle-ci, en mai 2013, il a même emmené le trophée... dans son lit : "Mon épouse Wahiba m'a dit : 'Tu es fou'. Nous avons fait des photos rigolotes, ma femme, la coupe et moi au lit, avec l'appareil qui s'est déclenché."
Les enquêtes d'opinions sont unanimes : Franck Ribéry a convaincu les Français de ses qualités de footballeur (86% des Français et 97% des amateurs de foot le trouvent "bon"). Mais pas sur le reste. Sa cote de popularité oscille entre 35% d'opinions favorables après l'affaire du bus de Knysna à 29% en septembre dernier... alors qu'il sortait d'une saison à cinq titres avec le Bayern Munich.
Mais les faux pas de 2010 ne sont pas oubliés
Son histoire d'amour avec l'opinion s'arrête net en 2010. Son aventure avec Zahia s'étale dans la presse – et donne lieu à un livre qu'il tente maladroitement d'interdire. Ses performances en bleu plafonnent, dans une équipe peu inspirée. C'est l'époque où il essaie de sauver l'équipe à lui tout seul, sans y parvenir. Et où il voit d'un très mauvais œil la concurrence de la star du moment, Yoann Gourcuff.
Dans le livre de Raymond Domenech, Tout seul, l'ancien sélectionneur raconte une anecdote qui remonte au moment où il a décidé de faire de Yoann Gourcuff son meneur de jeu, peu avant la Coupe du monde sud-africaine : "Avant l'Uruguay, j'ai dit à Gourcuff : 'Je t'ai confié les clés, à toi de jouer !' Le pire, c'est le regard de Franck Ribéry. Je me fais peut-être du cinéma, mais j'ai vu dans ses yeux la haine, le mépris ou la jalousie. Il est semblable à Anelka et Henry : tout tourne autour de leur nombril." Dans La Face cachée de Franck Ribéry, on apprend qu'il pousse ses "partisans" dans l'équipe à taper sur la tête de Gourcuff quand il remonte dans le bus. Le Bordelais accepte la brimade un temps avant de se rebiffer. Trop tard pour sauver ce qui reste du Mondial des Bleus, éliminés piteusement au premier tour dans un groupe à leur portée.
Personne ne voit ses efforts de com'
Trois ans plus tard, le public n'a pas oublié. Dans un sondage publié dans Le Parisien, le Boulonnais n'est jugé ni sympathique, ni proche de son public, ni discipliné. Pire, 50% des sondés estiment qu'il n'a fait aucun effort pour améliorer son image depuis 2010. Contre 41% qui jugent l'inverse. Pourtant, depuis deux ans, "Kaiser Franck" s'emploie à une opération reconquête du public français. Communication tous azimuts, scrupuleusement encadrée par son agent, qui va jusqu'à relire les entretiens accordés à la presse écrite, glisse le Nouvel Observateur. Pourtant, sa cote ne décolle pas.
"En France, on ne pardonne jamais", regrette son agent Jean-Pierre Bernès, marqué au fer rouge par sa condamnation dans l'affaire VA-OM. A l'exception des habitants du Nord et des jeunes, personne n'a absous Ribéry, d'après les diverses enquêtes d'opinion. "C'est l'esprit français, analyse Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, sur RTL. Quand on gagne et qu’on est Français, c'est difficile d'avoir tout le monde derrière soi."
"On a envie d'être méchant avec moi"
De là à se voir en martyr... "J'ai senti qu'on avait envie d'être méchant avec moi, de m'enfoncer pour le plaisir", affirmait déjà Ribéry dans cette interview-confession à L'Equipe Magazine de 2012. Il traîne aussi comme un boulet sa grammaire incertaine et son vocabulaire bien à lui : "La routourne va vite tourner" est l'une des phrases chocs de 2013. "Il n'est pas naïf, plutôt innocent, se souvient Robert Nazaretian, cadre de l'OM cité dans Le Parisien en mars 2012. ll me rappelle Jean-Pierre Papin. On les prend pour des benêts alors qu'ils sont malins."
En Allemagne, le footballeur jouit d'une cote d'amour sans équivalent. "Je me sens plus chez moi en Allemagne qu'en France", a-t-il reconnu en 2012, au point d'envisager y vivre après sa retraite. Au Bayern, il n'est qu'une star parmi l'effectif fourni du champion d'Allemagne, mais tous ses collègues se sont mis à son service quand il a fallu faire sa campagne pour décrocher le Ballon d'or. Le plus significatif ? Outre-Rhin, les femmes ont à 63% une bonne opinion du joueur, contre 24% à peine en France, ce qu'Ipsos interprète comme un arrière-goût de l'affaire Zahia.
Qu'est-ce que Ribéry peut faire pour clouer le bec aux critiques ? Ramener le vent de folie qu'il avait fait souffler lors du Mondial 2006 ? Pas mal. Gagner la Coupe du monde en marquant deux buts sur corner comme un certain Zinedine Zidane en 1998 ? L'idéal. Ou alors accepter d'être un footballeur plus clivant, plus humain, que la machine à jouer Lionel Messi, produit formaté pour plaire aux enfants, qui dort douze heures par jour minimum, n'a jamais lu un livre, et trouve une série comme Prison Break trop compliquée ? Il y a peut-être de ça.
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