Il faut sauver la Ligue Europa
Vous n'avez d'yeux que pour la Ligue des champions, ses paillettes, ses stars ? Vous avez tort. Pour vous en convaincre, rendez-vous jeudi soir pour les demi-finales de cette compétition injustement boudée.
La Ligue Europa, dont les demi-finales aller se disputent jeudi 19 avril, s'appelait auparavant la Coupe de l'UEFA. Et encore avant, la Coupe des villes de foires. Jamais totalement prise au sérieux, éternellement à l'ombre de la prestigieuse Ligue des champions de football, la compétition n'est plus diffusée sur une chaîne historique depuis bientôt cinq ans. Quant aux clubs français, qui se sont battus en championnat pour se qualifier (le 4e ainsi que le vainqueur de la Coupe de France et celui de la Coupe de la Ligue), la disputent avec leur équipe B. Bref, la Ligue Europa tombe doucement, mais sûrement, dans l'oubli. Et pourtant...
• Des affiches autrement plus prolifiques qu'en Ligue des champions
Quels matchs ont déplacé les foules en Ligue des champions ? Le Dortmund-OM (2-3) de la phase de poules, le renversement de situation de Chelsea contre Naples en 8es (1-3, 4-1 après prolongation), le match aller de Chelsea contre Barcelone en demi, mercredi (1-0).
En Ligue Europa, on a vu une fantastique double confrontation entre l'Athletic Bilbao et Manchester United, l'élimination du richissime Manchester City par le Sporting Portugal (1-0, 2-3), des quarts de finale avec aucun 0-0. On a aussi découvert de bien belles équipes et des joueurs des plus intéressants. Qui connaissait Ricky van Wolfswinkel, l'attaquant néerlandais du Sporting Portugal, Iker Muniain, le feu follet de l'Athletic Bilbao, l'attaque de feu des Ukrainiens de Metalist Kharkov, les petits jeunes d'Hanovre ? Quelle coupe propose des affiches européennes attractives sans qu'à la fin, le Barça l'emporte ? La Ligue Europa ! Comme son aînée, la Coupe de l'UEFA, dont elle n'est qu'un ersatz, hélas.
• Rendez-nous la Coupe de l'UEFA !
La Ligue Europa cumule deux défauts majeurs : son déroulé est micmac sans nom et elle ne rapporte pratiquement rien aux clubs qui la disputent.
Elle est incompréhensible. Les équipes jouent d'abord des tours à élimination directe avant de basculer dans une phase de poules. Arrivées en 16es de finale, certaines se coltinent alors les recalés des poules de la Ligue des champions, qui se greffent à la compétition, puis s'enchaînent un marathon de matchs. Au total, ça fait 17 rencontres pour celles qui atteignent la finale quand feue la Coupe de l'UEFA n'en nécessitait que 11. L'ancien sélectionneur des Bleus Raymond Domenech a même qualifié cette compétition de "purge" quand d'autres évoquent pudiquement un "laboratoire".
Elle est mal dotée. Gagner la Ligue des champions rapporte plusieurs dizaines de millions d'euros, la Ligue Europa, 6 ou 7 millions pour les mieux lotis. Le directeur sportif de Rennes rappelait en septembre sur L'Equipe.fr que le club allait y perdre de l'argent : "Les premiers tours de la Ligue Europa ne permettent pas de couvrir les frais. Ça devient intéressant financièrement à partir des quarts de finale."
Au-delà de la dotation, tout fait bas de gamme dans cette compétition : sa musique, qui n'a pas le lustre patiné de celle de la Ligue des champions, le logo, le trophée, jusqu'au jour de compétition, le jeudi. Quelque part entre la sacro-sainte Ligue des champions et les matchs de championnat du samedi-dimanche, déplore l'entraîneur de Manchester United, Alex Ferguson, sur le site du Guardian. "En Angleterre, lire 'ce match sera diffusé jeudi soir sur Channel 5' est synonyme d'insulte", ajoute le quotidien.
Il ne tient qu'aux instances dirigeantes de l'UEFA de remédier à ces deux problèmes. Malheureusement, ça n'en prend pas le chemin.
• Une mégacoupe d'Europe façon pâté en croûte se prépare
Zbigniew Boniek, un ancien joueur de la Juventus de Turin époque Michel Platini devenu, comme son mentor, dirigeant du foot européen, a évoqué une possible fusion de la Ligue des champions et de la Ligue Europa à l'horizon 2015. La solution au manque d'intérêt de la deuxième coupe tient-elle dans un gloubi-boulga du foot européen, avec une compétition interminable (on évoque 20 groupes de 4 équipes, et ensuite des tours à élimination directe) ?
Comme l'écrivait le site Carnet Sport, trop de foot européen tue le foot européen. "Auparavant, un match de Coupe d’Europe constituait un véritable rendez-vous. Il est désormais devenu une norme. A mesure que le nombre de matchs augmente, l’aspect rituel et sacré disparaît, laissant place au consumérisme, néfaste au jeu et à l’enjeu."
Sans verser dans la nostalgie un peu facile, le triptyque des coupes d'Europe des années 1970-2000, c'est-à-dire Coupe des champions pour les champions nationaux, Coupe des coupes pour les vainqueurs de Coupe nationale et Coupe de l'UEFA pour les gros-qui-n'ont-pas-remporté-leur-championnat, avait du bon.
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