Procès Benzema : du pestiféré au leader de l’équipe de France, comment Karim Benzema a réussi à changer son image en quelques mois
Rejeté par une partie du grand public il n'y a pas si longtemps, le joueur du Real Madrid a su reconquérir le cœur des supporters français, alors que s'ouvre mercredi son procès dans l'affaire de chantage à la sextape de Mathieu Valbuena.
Qui aurait dit, il y a six mois, que Karim Benzema redeviendrait la coqueluche des supporters tricolores ? À l'époque, la star du Real Madrid brillait certes en Espagne, comme il le fait depuis plusieurs années, mais il continuait surtout à être banni du banc de l'équipe de France. À l'heure de l'ouverture de son procès dans l'affaire de chantage à la sextape de Mathieu Valbuena, mercredi 20 octobre, son image a totalement changé.
Le vent du changement avait commencé à souffler quand, se rendant compte que l'ex-enfant terrible s'était assagi et qu'il continuait à empiler les buts au sein de la Maison Blanche, les supporters ne réclamaient plus sa tête mais bien son retour. Une bascule progressive, alimentée par le fait que, sur le terrain, les Bleus manquaient d'un attaquant de ce profil, à la fois joueur et buteur.
La bascule s'est opérée le 18 mai 2021. Ce jour-là, le natif de Lyon est appelé en équipe de France par le sélectionneur Didier Deschamps dans l’optique de l’Euro. "À ce moment-là, Didier Deschamps a un peu effacé la dette que Benzema pouvait avoir envers lui et l'équipe de France", explique Virgile Caillet, délégué général de l'Union sport et cycle, et expert en marketing sportif. "Ce retour en grâce en France ne pouvait se faire qu'avec l'équipe de France", confirme Magali Tézenas du Montcel, déléguée générale de Sporsora, une organisation qui regroupe les acteurs de l'économie du sport.
Et Didier Deschamps donna l’absolution
Cette nouvelle marque de confiance a été un tournant pour le joueur. Car c’était tout simplement ce qu’il lui manquait. "Il était irréprochable sur le plan sportif, et il ne lui manquait que cette absolution donnée par Didier Deschamps lors de cet Euro, analyse Virgile Caillet. Deschamps était vraiment le point de blocage. À partir du moment où Didier Deschamps, qui a un crédit exceptionnel aux yeux du grand public, lui ouvre les portes de l’équipe de France, instantanément l'attitude du grand public est devenue plutôt bienveillante envers lui", poursuit le spécialiste en marketing sportif.
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Avant d’ajouter : "N'oublions pas l'effet amplificateur des médias qui ont vraiment cultivé cette haine et cette rancœur qu'il y avait entre le sélectionneur et lui. Inconsciemment et compte tenu du crédit porté au sélectionneur déjà à l’époque, l'opinion publique a pris parti pour Deschamps et l'équipe de France, contre Karim Benzema."
Le pari de cette main tendue s’est avéré gagnant. Depuis son retour en Bleu, Karim Benzema n’a jamais déçu. Même pas à l’Euro, alors que le bilan a pourtant été négatif pour les Tricolores. Il est même rapidement redevenu un leader technique de l’équipe et s’est offert, il y a dix jours, son premier titre en équipe nationale, après la victoire française face aux Espagnols en Ligue des nations.
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Un retour pour une redécouverte
Son retour en Bleu a été une redécouverte pour le grand public. "L'immense majorité des Français qui s’intéressent à l’équipe de France de foot ne sont pas des hyper-spécialistes et ne suivent pas les matchs du championnat espagnol (Liga), souligne Virgile Caillet. À partir du moment où Benzema n’apparaît plus dans le spectre des leaders charismatiques des Bleus, le grand public l’a un peu oublié. Rajoutez à cela des propos malheureux (en 2016 envers Didier Deschamps et Noël Le Graët), l’affaire de la sextape et des photos maladroites (des publications postées sur les réseaux sociaux affichant un mode de vie très bling-bling), cela en fait un joueur qui n'était pas désiré en équipe de France”.
Le temps a fait son œuvre et aujourd’hui le constat est sans appel : Karim Benzema ne fait rien d’autre que briller sur le terrain. Calme et souriant, il apparaît comme un homme apaisé qui a gagné en maturité. Il n’est plus ce joueur rebelle qui ne souriait jamais et qui affichait une arrogance matérielle sur les réseaux sociaux. "Il a eu des prises de parole très intelligentes lors de son retour en sélection, où il a été humble et a exprimé sa joie de revenir en équipe de France et de représenter son pays. Il a été sincère et authentique et le public ne s'y trompe pas. Et sur le terrain, il a montré qu'il avait envie de faire gagner la France et de contribuer au succès collectif", argumente Magali Tézenas du Montcel.
“Aujourd’hui, on retrouve un joueur qui fait parler de lui uniquement sur le plan sportif, et plus du tout sur le plan extra sportif."
Virgile Caillet, expert en marketing sportifà franceinfo: sport
"En général, quand on parle plus des frasques et des ennuis hors des terrains, c’est à ce moment-là que l’image se dégrade sur le plan marketing et médiatique”, souligne encore Virgile Caillet. “A un autre niveau, on le voit un peu avec Neymar aujourd’hui, ajoute le spécialiste. Il y a cette ambiguïté du public qui le reconnaît comme un joueur exceptionnel mais qui en même temps a beaucoup de mal à accepter l'homme, parce qu'il fait parler de lui en dehors du football.”
Le Ballon d’or pour Benzema, une suite possible
Aujourd’hui, Karim Benzema a su reconquérir le cœur des supporters tricolores. À tel point que certains le voient déjà comme le prochain Ballon d’or. Si ses performances avec le Real en ont toujours fait un lauréat potentiel, son retour en équipe nationale renforce naturellement sa candidature. "C'est très significatif de l'évolution de la perception du grand public, analyse Virgile Caillet. Avant son retour en équipe de France, au mieux il était un peu oublié, et au pire pestiféré. Et aujourd'hui, je ne dirai pas que c'est le chouchou des Français, mais en tout cas, entre Mbappé, Griezmann et lui, il y a match sur ce sujet."
Mais cet amour retrouvé avec le public français peut-il être de nouveau mis en péril en cas de condamnation de Karim Benzema dans le procès dit de la “sextape” qui s’ouvre mercredi 20 octobre ? A priori, non, répond Virgile Caillet. "Bien entendu, s’il venait à être déclaré coupable, l’annonce fera son petit buzz au moment du verdict. Mais l’affaire a plus de cinq ans maintenant, tout a été dit, et je ne suis pas sûr que les Français lui en tiennent rigueur, en tout cas pas au point de modifier leur perception qu’ils ont désormais de lui."
Toutefois, comme le souligne Magali Tézenas du Montcel, en communication, "une image est très fragile". "Même si son image s'est construite lors de ces dernières années, et qu'il en a retrouvée une très positive grâce à son retour en équipe de France, l'opinion publique peut parfois se retourner assez vite", prévient la spécialiste.
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